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Les banquiers indélicats vont-ils (enfin) expier leurs péchés?

C’est le Financial Times qui a révélé l’affaire la semaine dernière : la banque américaine JP Morgan se voit exiger une amende astronomique de 6 milliards de dollars !

Le record en la matière revient jusqu’ici à la britannique HSBC, qui a réglé 1,92 milliard en décembre 2012 pour mettre fin aux poursuites engagées contre elle dans diverses affaires de blanchiment. C’est trois fois plus que le montant versé au même moment par sa compatriote Standard Chartered, pour des délits en partie semblables. Avec 6 milliards, ce record serait clairement pulvérisé. L’affaire remonte à l’été 2011, quand la Federal Housing Finance Agency (FHFA), un des nombreux régulateurs des marchés américains, ouvre un dossier à l’encontre de 18 banques. En cause : les subprimes, ces emprunts hypothécaires qualifiés de pourris en raison de l’insolvabilité de nombreux débiteurs. On est ici au coeur des égarements ayant causé la crise financière. Les banques mises en cause ont refilé ces subprimes à Fannie Mae et Freddie Mac, les organismes qui les refinancent et les garantissent. Il est clair que ces derniers n’ont pas examiné cette camelote avec suffisamment d’attention. Il est vrai aussi que cette désinvolture fut largement le fait, non de JP Morgan elle-même, mais de deux institutions que le groupe a rachetées en catastrophe pendant la crise. La banque a d’ailleurs lourdement insisté sur ce point pour sa défense. La FHFA ne semble pas avoir desserré son étreinte pour autant.

On connaît la justice américaine, objecteront certains : elle avance des montants monstrueux, puis on négocie, on transige… Ces 6 milliards ne sont-ils pas un simple ballon d’essai ? Pas sûr. Un autre cas est révélateur à cet égard : à fin juillet, la banque suisse UBS a réglé une amende de 885 millions de dollars dans un cadre identique. Or, il apparaît que ce montant correspond à peu de choses près à la moins-value subie par Fannie Mae et Freddie Mac sur les subprimes qu’UBS leur a vendus. Compte tenu des montants en cause, soit 4,5 milliards d’hypothèques pourries pour UBS et 33 milliards pour JP Morgan, les 6 milliards représenteraient un dommage du même ordre (20 %), donc plausible. Et dès lors assez logiquement exigé par les autorités. Notons que la banque a engrangé un bénéfice de 6,5 milliards au 2e trimestre. C’est donc dans ses moyens…

Au-delà de ces deux cas précis, l’offensive ici menée par les autorités américaines est intéressante à un double titre. D’abord, ce n’est là qu’une affaire parmi d’autres. Ces autorités paraissent “se réveiller” depuis l’an dernier face à la criminalité financière. Elles frappent de plus en plus fort et tous azimuts : manipulation du taux Libor et des prix des matières premières, falsification des comptes pour dissimuler des pertes, etc. Ensuite, l’affaire des subprimes n’est précisément… pas seulement une affaire parmi d’autres. C’est elle qui a engendré la crise financière, laquelle mit ensuite toutes les économies occidentales au tapis en 2008 et 2009. On a pu avoir l’impression, très frustrante il faut le reconnaître, que ces pratiques aussi scandaleuses que dommageables avaient été passées par pertes et profits dans l’esprit des régulateurs. Il n’en serait donc rien. Même si l’on ne nourrit pas d’animosité particulière à l’égard des banquiers, cela va de soi, comment ne pas se réjouir de voir la justice américaine enfin sanctionner avec vigueur le péché commis par les plus indélicats d’entre eux ?

GUY LEGRAND, Directeur adjoint

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