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Les assureurs sous pression

Les assureurs sont victimes d’un triple empoisonnement à effet lent. Les pouvoirs publics et les banques centrales ont intérêt à ne pas rester trop longtemps les bras croisés.

Les assureurs sont victimes d’un triple empoisonnement à effet lent. Les pouvoirs publics et les banques centrales ont intérêt à ne pas rester trop longtemps les bras croisés. Les solutions d’urgence que l’on concocte à chaque fois pour faire face à la crise financière mondiale me font penser à un joueur d’échecs incapable d’anticiper plus d’un ou deux coups. Avec une vision aussi étriquée, il perd tous ses matches à coup sûr.

L’exemple classique est celui du “moral hazard” : en intervenant chaque fois qu’une organisation, une banque ou un pays risque de faire faillite, on résout un problème à court terme mais on en crée un plus gros qui éclatera plus tard. Et le fait qu’on s’attend à ce qu’il y ait à chaque fois une main forte, prête à tendre un filet de secours, ne rend le secteur concerné que plus téméraire.

Mais le drame ne s’arrête pas là. Les interventions massives des banques centrales ont encore plus d’effets néfastes qui ne se manifestent qu’à terme. Considérons la politique du taux zéro que le Japon mène sans succès depuis plus de 10 ans dans sa lutte contre la crise économique. En réalité, cette politique n’a engendré qu’un plus grand marasme. La population nipponne a épargné de plus en plus mais n’a reçu que des rendements moindres. L’Etat japonais ne s’est pas senti discipliné par le paiement de faibles intérêts et a laissé grimper la dette. A cause des taux d’intérêt bas, les assureurs nippons ont eu bien du mal à garder la tête hors de l’eau alors que la population devenait plus âgée qu’on ne l’avait initialement estimé.

“Nipponisation”

Nous pensons encore que nous vivons dans une économie de marché alors que les caractéristiques d’une économie planifiée dirigée par l’Etat se multiplient de jour en jour. Combien de secteurs ne sont-ils pas subsidiés par l’Etat, de façon directe ou indirecte ? A quel point la politique des banques centrales diffère-t-elle encore (surtout aux Etats-Unis mais aussi ailleurs) de celle appliquée dans une économie centralisée ?

Entre-temps, la “nipponisation” du monde occidental se fait à toute vitesse. Partout, le phénomène du vieillissement est, consciemment ou inconsciemment, continuellement sous-estimé, avec des effets désastreux pour la jeune génération dans les pays où l’on n’a pas constitué de réserves pour les pensions. Mais il y a un secteur en particulier qui verra – avec retardement – fondre sur lui une triple onde de choc dans les prochaines années. Le secteur des assurances sera d’abord frappé par la durée de vie de plus en plus longue de la population. Et en même temps, les taux d’intérêt peu élevés commenceront à étrangler leur modèle de revenus. Troisièmement, la réglementation plus sévère deviendra un fardeau supplémentaire pour les assureurs.

Des prises de risque plus rares

Solvency II, le Bâle III pour les assureurs, est sur le point d’entrer en vigueur. Un nouveau flot de règles qui fournit déjà à coup sûr du travail à vie à la génération actuelle d’actuaires dans le monde entier. Les analystes ne sont pas d’accord sur les effets. Il semble que les petits assureurs ne seront pas capables de suivre et d’intégrer cette nouvelle matière complexe et que cela entraînera une poursuite de la consolidation dans le secteur. Par ailleurs, cela laisse présumer que les assureurs prendront moins de risques à l’avenir. Dans un monde où le rendement est aussi rare que l’herbe dans le désert, le triple étranglement (vieillissement, taux d’intérêt, réglementation) incitera les assureurs à pousser de grandes lamentations et à rejoindre les secteurs qui doivent compter sur des interventions massives de l’Etat.

Réactions : trends@econopolis.be

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