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Le silence des patrons belges…

Un impôt supplémentaire ponctionnant les nantis ? En France, dans le sillage de Pierre Bergé et de Maurice Lévy, deux entrepreneurs crédités d’une fortune personnelle dépassant 100 millions d’euros, quelques milliardaires et autres très gros salaires ont osé lever le doigt sur le sujet. Singeant en cela l’Américain Warren Buffett.

Ce n’est du reste pas un cas isolé outre-Atlantique. Les citoyens les plus cossus du pays avaient déjà protesté lorsque George Bush fils avait abaissé leur imposition en 2001 et 2003. Le 30 juin dernier, le sénateur démocrate Jay Rockefeller, arrière-petit-fils du fondateur de la dynastie, plaidait encore pour un relèvement des impôts sur les très riches, comme sur certaines entreprises outrageusement favorisées, au premier rang desquelles les groupes pétroliers.

Décidément à la mode, le sujet a même été abordé en Belgique. Par notre Etienne Davignon national. Et puis… plus personne. Pas même les ténors expressément contactés par certains confrères. No comment sur un sujet aussi sensible ! En Belgique, la générosité ne fait jamais dans l’esbroufe, excuseront certains. Dans notre pays comme en Europe en général, on n’a pas la culture américaine du rendu à la société quand celle-ci vous a permis de réussir dans la vie, accuseront d’autres. Non sans raison. “Parmi les grandes familles fortunées du pays, certaines ne brillent franchement pas par leur générosité !”, confie un important banquier privé, tristement désabusé. On ne citera personne…

Peut-être pourrait-on plus élégamment mettre ce mutisme sur le compte de la crainte des réactions hostiles ? Outre-Quiévrain, la générosité affirmée des Liliane Bettencourt, Michel Pébereau (BNP Paribas) et autres Franck Riboud (Danone) a en effet suscité plus de railleries que d’applaudissements. Tout comme la taxation supplémentaire des revenus dépassant 500.000 euros, décidée par Paris, qui rapportera 200 millions par an. L’hebdomadaire Marianne avance ainsi le calcul fait par l’économiste Thomas Piketty : les aménagements fiscaux opérés au profit des 1 % les plus riches ont coûté 150 milliards en 10 ans.

Vrai ou discutable, n’est-ce pas une piste infiniment plus utile à creuser ? Un document publié en France a retenu l’attention sur ce plan : le rapport remis au gouvernement par le comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, cornaqué par l’Inspection des finances. Ni politiques ni polémiques, ses conclusions sont d’autant plus intéressantes. Parmi les quelque 500 dispositifs dérogatoires coûtant à l’Etat 96 milliards par an, ces spécialistes estiment que la moitié seraient sans intérêt ou peu efficients, c’est-à-dire mal ciblés ou d’un coût excessif par rapport à leurs effets. C’est particulièrement vrai pour les niches fiscales (beaucoup moins pour les niches sociales), avec respectivement 19 % et 47 % des mesures s’inscrivant dans ces catégories ! En éliminant les mesures inutiles, on économiserait 15 milliards par an ; en y ajoutant les peu efficaces, on passerait à 53 milliards !

On imagine aisément que la situation n’est guère différente en Belgique, pas plus que dans la plupart des autres pays démocratiques. Et c’est bien là le problème : officiellement justifiées par des considérations économiques, ces niches n’ont-elles pas pour but premier de se concilier les bonnes grâces des électeurs, en donnant à chacun l’impression d’avoir obtenu une faveur ? En France comme ailleurs, ces niches présentent un immense gisement d’économies budgétaires… qui risque fort de n’être guère exploité. Tel est probablement le prix de la démocratie, ce pire des régimes à l’exception de tous les autres !

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