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Le profit : une fin ou un moyen ?

Malgré les canons toujours plus bruyants de la RSE (responsabilité sociale des entreprises), les acteurs de l’économie sociale et de l’économie marchande ne se connaissent pas ou très peu. Ils s’opposent même parfois, se rejetant l’un et l’autre la paternité des maux dont souffre notre société.

Malgré les canons toujours plus bruyants de la RSE (responsabilité sociale des entreprises), les acteurs de l’économie sociale et de l’économie marchande ne se connaissent pas ou très peu. Ils s’opposent même parfois, se rejetant l’un et l’autre la paternité des maux dont souffre notre société.

Ces dernières années, a pourtant fait irruption un nouveau type d’organisation, qui ne se revendique ni de l’un ou de l’autre camp : le social business. Il s’agit d’entreprises qui poursuivent un but social mais qui sont organisées comme celles du secteur marchand, adoptant les techniques de gestion du secteur privé les plus éprouvées. Le social business emprunte donc à la fois au monde social et au monde capitaliste : il cherche à être rentable, voire à faire du profit, mais le profit n’est pas une fin pour lui ; il n’est qu’un moyen pour poursuivre un but social qui le dépasse.

Une nouvelle façon de s’engager

Face à la lassitude que génère la poursuite du profit comme fin et la frustration que provoquent les lourdeurs organisationnelles des acteurs traditionnels de l’économie sociale, un nombre croissant de jeunes et de moins jeunes, dont les plus talentueux, se sentent appelés par cette nouvelle façon de s’engager pour une société meilleure.

Force est de constater cependant que, dans la plupart des pays de tradition “civile”, la législation actuelle ne facilite pas l’émergence de ces nouveaux acteurs. Pourquoi ?

D’une part, parce que le droit des sociétés, dans sa forme actuelle, ne permet tout simplement pas le but social : juridiquement, il n’envisage pas, excepté sous des conditions restrictives, la poursuite d’autre chose que celle du profit et de son partage entre les actionnaires.

D’autre part, parce que les formes juridiques relatives à l’économie sociale traditionnelle (associations, fondations, coopératives…) induisent l’adoption de principes, telle la gestion démocratique (“un homme, une voix”), reposant sur l’idée que ces organisations sont avant tout un projet collectif qui repose avant tout sur le don et le bénévolat.

Or ces principes ne facilitent pas, à moins de leur tordre le cou juridiquement, le lancement et la gestion pérenne de projets plus individuels, reposant sur une initiative privée mais désintéressée et s’exerçant dans le secteur marchand. Ainsi, ces principes rendent difficiles la levée de fonds nécessaires à la conduite du projet, l’évolution des rapports de pouvoir que le projet peut impliquer ou encore le maintien de l’équilibre adéquat entre la volonté de l’entrepreneur social de conserver le contrôle du projet et la nécessaire protection des créanciers et apporteurs de fonds.

Modifier le droit des sociétés ?

Comme l’explique Daniel Hurstel, avocat d’affaires et maître de conférences à l’Institut d’études politiques de Paris, il serait pourtant assez simple d’éliminer ces obstacles juridiques au développement du social business. Dans son livre, La nouvelle économie sociale, Hurstel propose de modifier, grâce à l’ajout de quelques mots, l’article du droit des sociétés qui définit le but de celles-ci (l’article 1 en droit belge) en permettant aux fondateurs d’une nouvelle société de choisir entre un but lucratif ou un but social et cela sans contraintes majeures en termes organisationnels.

Selon Daniel Hurstel, ce petit correctif ne devrait pas seulement faciliter l’émergence du social business mais également le rapprochement entre économie sociale et économie capitaliste, en facilitant sa création au sein même de sociétés capitalistes, afin de mieux répondre par exemple aux besoins des populations défavorisées.

Daniel Hurstel pense que les modes de gestion et l’approche particulière de ces social businesses pourraient aussi induire, par capillarité ou mimétisme, d’autres comportements au sein des sociétés capitalistes. Cela devrait permettre, indirectement mais plus profondément que ne le fait à ce jour la RSE (qui ne touche que trop souvent les activités périphériques des entreprises), de toucher le core business des entreprises capitalistes, en stimulant en leur sein une culture plus attentive aux autres. Too good to be true ? Cela ne coûte pourtant pas grand-chose d’essayer : juste l’ajout de quelques mots dans un texte de loi. Ne serait-il pas dommage que des réflexes corporatistes, de part et d’autre, nous empêchent de le faire ?

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