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Le piège de la liquidité

Malgré les injections d’argent, l’économie semble tétanisée et la vitesse de circulation de la monnaie (c’est-à-dire celle avec laquelle les billets “tournent” dans l’économie) a chuté.

Serions-nous dans un “piège de la liquidité” ? Ce concept, inventé par l’économiste anglais Keynes (1883-1946), se manifeste quand le taux d’intérêt est proche ou égal à zéro, et que les autorités n’arrivent pas à stimuler l’économie avec les outils traditionnels de la politique monétaire.

Il existe alors un taux d’intérêt pour lequel la demande de monnaie est parfaitement (ou infiniment) élastique : tous les agents pensent que le taux d’intérêt va augmenter et leur préférence pour la liquidité devient absolue.

Une politique monétaire de baisse du taux d’intérêt est alors totalement inefficace dans le cadre d’une relance puisqu’inéluctablement, les consommateurs se mettent à épargner et à moins dépenser. Cette baisse de la consommation a un effet négatif sur les entreprises, la production et l’emploi. En plus d’entraîner une récession, cela peut contribuer à la déflation et à des dépressions non-inflationnistes.

Le piège de la liquidité se conjugue souvent au paradoxe de David Ricardo (1772-1823). Selon cet économiste anglais (dont l’analyse fut biaisée car fondée sur l’examen des guerres Napoléoniennes), il existe une équivalence entre une augmentation de la dette publique et une augmentation de l’épargne en prévision de hausses d’impôts.

Si les agents économiques s’attendent à des hausses d’impôts, destinés à financer un déficit lui-même créé pour relancer la consommation, ils épargnent en prévision. Ces agents économiques contrarient donc les politiques de relance en économisant plutôt qu’en consommant. C’est d’ailleurs exactement ce à quoi on assiste probablement en Belgique quand on constate l’accroissement singulier des encours en carnets d’épargne.

Inciter les particuliers à consommer Que faire, dès lors, lorsque plus rien ne relance l’économie et qu’il faut inciter les particuliers à consommer ? Cela nécessiterait une injection de monnaie et une inoculation de transferts sociaux.

Cette injection contredit la discipline budgétaire qui cimente la formulation de l’euro, mais nos gouvernements n’ont pas le choix. Au reste, le problème de l’endettement public n’a pas été engendré par la crise : il lui est préalable. Il ne faut pas utiliser une crise pour régler un problème qui lui est antérieur. Ceci explique la volonté des autorités monétaires de maintenir les taux d’intérêt bas et d’inonder les économies grippées d’une abondance de liquidités.

Certains se réfèrent à la décennie japonaise perdue pour identifier des relents de tendances déflationnistes. Outre le fait que les répétitions de scénarios sont rares en économie, la situation japonaise des années 1990 est sans comparaison avec la réalité européenne contemporaine. A l’époque, la banque centrale du Japon avait mis en oeuvre une politique monétaire restrictive et le yen était une devise forte. De surcroît, les marchés immobiliers et d’actions japonais étaient notablement surévalués.

Quoiqu’il en soit, si l’Europe devait d’aventure plonger dans un état déflationniste, les autorités monétaires invoqueraient des politiques non conventionnelles à des degrés outranciers afin de contrer cette éventuelle tendance. Le risque du combat de la déflation serait alors inflationniste. Fondamentalement, la déflation est un scénario à écarter, dans un monde potentiellement inflationniste de création monétaire.

Alors quelle est la solution ? Il faut reconnaitre que l’austérité et la rigueur sont des postulats insensés à court terme. Le rejet social d’une rigueur sans croissance est le scénario le plus probable. Il est donc plus judicieux de repousser les échéances communautaires de retour à l’équilibre et d’accepter de diluer cet objectif sur plusieurs années. La mise en oeuvre d’une politique monétaire plus accommodante est également essentielle. C’est la seule manière de s’extraire du piège de Keynes.

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