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Le paradoxe du pire

L’économiste Nouriel Roubini affirmait récemment que 2013 présenterait une configuration de “parfaite tempête” sur le plan économique. Franchement, il est facile de prévoir le pire…

L’économiste Nouriel Roubini affirmait récemment que 2013 présenterait une configuration de “parfaite tempête” sur le plan économique. Franchement, il est facile de prévoir le pire, car le pire arrive toujours un jour ou l’autre. Et ce jour-là, on retiendra de vous que vous aviez raison, et non pas le fait que votre prévision était peut-être fondée sur de mauvais éléments, ou qu’elle était probablement chronologiquement erronée. Le pire arrivera donc certainement en 2013… ou en 2012, 2014 ou encore en 2020, mais il arrivera, et les raisons qu’il arrive ne manqueront pas. A bien y réfléchir, le pire peut en fait arriver chaque jour, alors pourquoi se focaliserait-on sur 2013 ? Il peut même arriver demain.

Scénario catastrophe…

En quelques semaines, l’horizon macroéconomique s’est en effet assombri. Sans parler à ce stade de nouvelle récession, et après avoir connu une période de forte croissance au tournant de 2010 et 2011, les indicateurs avancés montrent que l’économie mondiale risque à présent d’entrer dans une période de croissance plus lente. La dépression (psychologique, et non pas économique…) guette même les marchés financiers, las de tant de mauvaises nouvelles.

Malheureusement, ce ralentissement de la croissance arrive à un mauvais moment. Aux Etats-Unis, le plus grand plan de relance jamais organisé entre l’administration présidentielle et la réserve fédérale a certes évité le pire, mais une croissance faible montrerait que le résultat en termes de croissance est finalement assez décevant. Alors que l’assouplissement quantitatif de la Fed va prendre fin, les autorités sont donc déjà face à un nouveau dilemme : faut-il croire que le ralentissement n’est que passager, ou bien à nouveau tenter de relancer l’économie, et dans ce cas, par quel moyen ? A ce sujet, les cartes dont disposent les autorités américaines sont de moins en moins nombreuses. Les premiers signes d’inquiétude sur la dette publique US se sont déjà fait entendre. Si une nouvelle relance se fait à coup de milliards de dollars imprimés, combien de temps faudra-t-il pour que le doute s’installe vis-à-vis de la monnaie américaine ? On le voit, la situation économique et financière pourrait très vite s’envenimer.

En Europe, le ralentissement économique arrive également à un très mauvais moment, car les questions cruciales se succèdent à une vitesse folle. Le drame grec met une pression énorme sur le devenir de la zone euro. Et là aussi, la BCE, la Commission européenne et les gouvernements des Etats membres sont devant un dilemme. Chacun sait que la survie de la zone euro dépend de l’acceptation de transferts (même temporaires) entre les pays membres, des plus riches aux plus pauvres. Or, un ralentissement de la croissance rend certains choix plus difficiles : l’électorat allemand accepterait-il par exemple de consacrer davantage de moyens à la Grèce si le chômage devait réaugmenter, ou si la croissance devait stagner ?

Le pire peut être évité

Que ce soit aux Etats-Unis ou en Europe, la frontière qui sépare le chaos d’un nouveau souffle économique porteur est donc ténue, et le pire peut ne pas attendre 2013 ou une autre date, mais il peut arriver demain. Le sens dans lequel penchera la balance dépendra de deux éléments. D’une part, de la dynamique propre des économies, car certains indicateurs, peut-être négligés par les plus pessimistes, montrent qu’il y a de fortes chances que le ralentissement de la deuxième partie de l’année ne soit que temporaire. D’autre part, il dépendra de quelques décisions cruciales de politique économique, qui seront prises dans les prochains jours ou les prochaines semaines, et dont les conséquences se feront sentir bien avant 2013. Par ailleurs, dans les prochains mois, de nouveaux problèmes surviendront et de nouvelles décisions devront être prises, et ainsi de suite jusqu’à ce que la dynamique économique et quelques mauvaises décisions se combinent pour engendrer le pire, après-demain, dans un an ou dans une éternité. C’est donc un paradoxe intéressant : le pire arrivera forcément un jour, même s’il peut aussi être évité chaque jour.

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