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Le mini-job à 400 euros, vraie ou fausse bonne idée?

“Le progrès, c’est aussi de faire des réformes courageuses pour préserver l’emploi et anticiper les mutations sociales et culturelles comme l’a montré Gerhard Schröder.” C’est ce qu’a déclaré le président François Hollande à l’occasion du 150e anniversaire du SPD, le parti concurrent de la chancelière Angela Merkel, fêté la semaine dernière à Leipzig.

Le socialiste français approuve-t-il donc ces mini-jobs très mal payés créés en 2003 et qui sont à présent décriés au point que le SPD lui-même envisage de rectifier le tir ? Ces emplois à 400 euros par mois que nos libéraux flamands évoquent aujourd’hui à demi-mots, suscitant quelques protestations à gauche, et pour le reste, un silence un peu embarrassé, peut-être teinté d’incrédulité. Ces mini-jobs qui sont, de l’avis de l’Organisation internationale du travail, la “cause structurelle” de la crise de la zone euro.

Les mini-jobs créés par la fameuse loi Hartz II d’avril 2003 répondent clairement à la volonté de “forcer” les chômeurs à reprendre un travail plutôt que de rester sur le carreau durant de longues années. Une pareille démarche fut également observée aux Pays-Bas et au Danemark, notamment. La France a failli suivre : le contrat de première embauche (CPE) y fut instauré le 31 mars 2006 et… abrogé le 21 avril, sous la pression de méga-protestations de la part des étudiants et des syndicats. Ceux-ci accusaient le gouvernement (alors de droite) de créer des emplois très précaires. Outre-Quiévrain, le message “plutôt un petit boulot que pas de boulot du tout” n’est absolument pas passé. Le principe est cependant intéressant : il s’agit (aussi) de permettre aux personnes ne trouvant pas d’emploi correct de “rester dans le coup”, de ne pas se marginaliser en perdant la notion de travail et de ses contraintes. Un ministre belge n’a-t-il pas déclaré naguère qu’il faudrait offrir un réveil aux chômeurs, pour qu’ils ne perdent pas l’habitude de se lever à heure fixe le matin ?

Quel bilan peut-on tirer des mini-jobs allemands ? Leur impact sur l’économie du pays fut positif. Concentrés dans les services, où ils ont freiné l’inflation, ces mini-jobs ont permis à l’Allemagne de rester compétitive tout en maintenant l’emploi qualifié et bien rémunéré de son industrie. Tant mieux pour le pays dans son ensemble, mais qu’en est-il de ces malheureux travailleurs de second choix ? Parce que si cette “flexibilité accrue du marché du travail”, suivant l’expression consacrée, a bien pour but d’améliorer la compétitivité, ces mini-jobs sont par ailleurs censés être aussi temporaires que possible au niveau des employés et rester plutôt marginaux dans les entreprises.

C’est ici que le bât blesse. Peu de détenteurs d’un mini-job sont passés à un “midi-job”, l’emploi précaire de niveau supérieur (payé entre 400 et 800 euros), et encore moins à un emploi régulier. Par ailleurs, il n’est pas rare que des emplois existants aient été remplacés par plusieurs mini-jobs. Dans ces conditions, sans doute faut-il imposer certaines limites. Ainsi, alors que le mini-job porte souvent sur 12 ou 15 heures de travail par semaine (ce qui permet à certains d’en cumuler deux ou même trois), rien n’interdit la semaine de 40 heures ! Globalement, le mini-job a son utilité pour la société, mais aussi pour certains travailleurs, quand ils ne peuvent trouver un emploi véritable. On ne peut toutefois enfermer des millions de personnes dans ce système très précaire sans espoir d’en sortir. C’est dans cet esprit que l’Allemagne envisage sa réforme dans les prochains mois.

Guy Legrand

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