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Le langage des bulles

Après la crise financière de 2008, l’initiative avait été prise d’oeuvrer à l’éducation financière. Un dictionnaire de poche du jargon financier me semblait une introduction très utile à un manuel plus approfondi. Voici donc une petite liste de termes creux, utilisés à tort et à travers. Attention : tout excès peut avoir des conséquences néfastes pour votre santé financière !

Après la crise financière de 2008, l’initiative avait été prise d’oeuvrer à l’éducation financière. Un dictionnaire de poche du jargon financier me semblait une introduction très utile à un manuel plus approfondi. Voici donc une petite liste de termes creux, utilisés à tort et à travers. Attention : tout excès peut avoir des conséquences néfastes pour votre santé financière !

“Irrationnel” : très utilisé lors de krachs boursiers ou de baisses soudaines. Remarquez que les hausses sont rationnelles – parfaitement explicable par les “fondamentaux”(1) – alors que les baisses sont toujours irrationnelles.

“Action de qualité” : une action dont le conseiller financier est tombé amoureux. La liste des actions de qualités qui se sont crashées est longue comme un jour sans pain. Un label attribué aussi rapidement et erronément que celui du “nouveau Merckx” dans le cyclisme. La qualité est rare.

“A contre-courant” :à peu près tous les investisseurs affirment investir à contre-courant. Les plus grandes bulles ont été gonflées par une multitude d’investisseurs à contre-courant. Évitez ces prophètes de l’avis contraire.

“Volatilité” : comme dans l’expression “Beaucoup de volatilité aujourd’hui”, ou “Les marchés seront volatils”. Comprenez alors : ils peuvent augmenter et baisser, mais pas nécessairement dans cet ordre. Ou : nous n’avons pas la moindre idée de ce qui se passe.

“Spéculation” : les mouvements inattendus et négatifs sont généralement attribués à la spéculation. Les mouvements inattendus et positifs, aux achats réalisés par Warren Buffett, les Chinois ou les Arabes. Ou les trois. Nous aurions pourtant tort d’en déduire que les Chinois ne spéculent jamais. Les spéculateurs ne sont pas la cause, tout au plus la dernière goutte qui fait déborder le vase.

“Opportunités” : notion très utilisée, comme dans “Il y a toujours des opportunités” ou en combinaison avec un terme précédent – pour les plus avancés : “Un investisseur à contre-courant décèle toujours des opportunités.” Un appel à ne jamais dompter votre désir d’acheter.

“TINA” : la sirène qui a envoyé de nombreux investisseurs se fracasser sur les écueils de la finance. Depuis 2000, elle n’a cessé de chanter : les taux sont bas, les livrets d’épargne ne rapportent rien, il faut acheter des actions.

“Investissement à long terme” : un investissement à court terme qui tourne mal. Mais le sujet est rapidement clos…

“Niche” : comme dans “Cette entreprise est leader dans sa niche”. Demandez toujours dans quelle niche, car le fleuriste du coin est leader dans celle des plantes à couper et des chrysanthèmes vendus localement.

“D’un point de vue technique, la situation est favorable. L’analyse technique est l’art de disséquer ce qui s’est mal passé. Ces scientifiques conduisent leur voiture en regardant dans le rétroviseur. Un sport passionnant jusqu’au premier virage.

Gardez cette liste avec vous. Marquez une croix chaque fois que votre conseiller financier utilise un de ces termes. A 5 sur 10, demandez-lui d’arrêter de dire n’importe quoi ; à 7 sur 10, dirigez-vous calmement vers la sortie. A 10/10, vous saurez que c’est Jim Cramer(2) qui vous fait face.

Réactions : trends@econopolis.be

(1) La valeur intrinsèque, souvent calculée au jugé.

(2) Jim Cramer est le présentateur de l’émission financière “Mad Money” sur CNBC, connu pour son optimisme à toute épreuve.

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