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Le dollar et le siphon financier

Lorsqu’on examine la politique monétaire des Etats-Unis, il faut adopter une approche empirique. Il n’y a pas d’invariant à déceler, si ce n’est peut-être la doctrine Roosa (1919-1993), du nom du sous-secrétaire d’Etat au Trésor de Kennedy, père spirituel de Paul Volcker.

Lorsqu’on examine la politique monétaire des Etats-Unis, il faut adopter une approche empirique. Il n’y a pas d’invariant à déceler, si ce n’est peut-être la doctrine Roosa (1919-1993), du nom du sous-secrétaire d’Etat au Trésor de Kennedy, père spirituel de Paul Volcker.

Dans les années 1960, Roosa formula les préceptes de la politique monétaire américaine. Il affirmait que si la quantité de dollars en circulation explosait, ce n’était pas un problème américain, mais celui des pays qui accumulaient des surplus commerciaux ; il visait particulièrement l’Allemagne et le Japon qu’il pressait de développer leur consommation intérieure.

Le privilège des Etats-Unis

Lorsque les Etats-Unis dévaluent leur monnaie, ils imposent une réévaluation des autres devises qui pénalisent les économies exportatrices. Celles-ci doivent alors acquérir des dollars pour affaiblir leur propre devise…tout en soutenant le dollar. Ce seigneuriage est incroyable mais c’est le privilège des Etats-Unis d’imposer le dollar comme monnaie de réserve. C’est ainsi qu’ils diffusent leur inflation dans toute l’économie.

L’observateur attentif remarquera qu’à 50 ans d’intervalle, les Américains ont la même revendication : ils exigent une relance de la demande intérieure européenne et chinoise, une réévaluation de la monnaie chinoise et s’opposent à toute dépréciation de l’euro, qui mettrait un frein aux exportations américaines tout en contrariant les importations européennes. L’histoire se répète.

De surcroît, les Etats-Unis vivent depuis des décennies dans une tension extrême, poussant les feux d’une économie surtout alimentée par l’endettement et la consommation intérieurs. Cette caractéristique est une distinction importante par rapport aux économies européennes dont le degré d’ouverture, et donc de fragilité monétaire, est plus important.

Cette singularité de l’économie américaine s’ajoute au fait que le dollar reste nolens volens la devise de référence. Les Etats-Unis entretiennent subtilement cette prédominance monétaire au travers d’orientations géopolitiques qui sont congruentes avec la politique monétaire.

Par deux fois depuis la Seconde Guerre mondiale, les Américains ont soldé leurs dettes de manière unilatérale. C’est arrivé en 1971, lorsque Nixon a suspendu la convertibilité en or du dollar, mettant fin aux accords de Bretton Woods et à un système de parités fixes entre les devises occidentales. A l’époque, les Américains avaient accumulé un tel déficit commercial vis-à-vis du reste du monde que les réserves d’or ne représentaient plus qu’un quart des dollars en circulation à l’extérieur du pays. La seconde manifestation d’autorité monétaire fut la diffusion des crédits immobiliers américains, dont la déliquescence a entraîné un risque systémique et de nombreuses faillites bancaires.

Quelle réponse dans un monde globalisé ?

La solution imaginée par Nixon n’est plus transposable dans une économie globalisée et complexe, tant en termes de flux commerciaux que d’interdépendances monétaires. Pour la première fois de leur histoire, les Etats-Unis ne contrôlent plus militairement leurs créanciers. Une dépréciation du dollar ne peut donc pas relever d’un acte régalien destiné à appauvrir les créanciers de la dette publique américaine, sauf à induire des déséquilibres dans le domaine géopolitique.

De plus, la globalisation a conduit à une exportation de toutes les capacités industrielles vers les pays asiatiques. Les Etats-Unis se sont dépossédé des investissements productifs, ou au moins d’une partie de la chaîne de production. Cette démarche correspond à l’optimisation des avantages comparatifs de David Ricardo mais crée une fragilité inhérente.

Elle rappelle la fameuse phrase de Ross Perot, candidat aux présidentielles de 1992 et de 1996, qui, pour s’opposer aux accords de libre-échange NAFTA (USA-Canada-Mexique) avait invoqué un giant sucking sound, c’est-à-dire un effet d’aspiration des emplois industriels et des capacités manufacturières par les partenaires des Etats-Unis. Il n’a pas eu raison car c’est l’affiliation de la Chine à l’OMC qui a contribué à rebattre les cartes du commerce international.

Que vont faire les Etats-Unis ? La réponse sera probablement un mélange de complaisance monétaire (qui devrait conduire à un dollar structurellement faible) et d’un protectionnisme industriel larvé. Personne ne contestera ces orientations, car l’interdépendance des économies place les pays dans un état de dépendance, voire de vulnérabilité, par rapport aux Etats-Unis qui, dans le passé, donnaient des réponses militaires vigoureuses à leurs déséquilibres internes. Cette époque est heureusement révolue.

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