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Le défi de l’énergie

Récemment, un journaliste m’a demandé quel était, entre la révolution libyenne et le tremblement de terre au Japon, l’événement susceptible d’avoir l’impact le plus important sur l’économie belge. C’est une question pertinente, mais la réponse est un peu dérangeante…

Récemment, un journaliste m’a demandé quel était, entre la révolution libyenne et le tremblement de terre au Japon, l’événement susceptible d’avoir l’impact le plus important sur l’économie belge. C’est une question pertinente, mais la réponse est un peu dérangeante : on demande aux économistes d’analyser les situations sous l’angle économique. Le fait qu’ils n’y incluent pas d’émotions ne signifie en aucun cas qu’ils n’ont pas de compassion ou qu’ils “oublient les gens”, comme le suggérait un chroniqueur matinal en mal d’inspiration devant un café un peu trop serré.

Personne ne nie qu’une crise l’est avant tout pour ceux qui la subissent. Dans ce cadre, il est toujours difficile de parler d’impact sur notre vie ou sur les marchés financiers, à côté des morts, des désastres ou des guerres. Et s’il fallait le rappeler, d’autres personnes sont mieux placées pour le faire. Ces précautions prises, restons donc dans la dimension économique.

Sans entrer dans les détails des effets de ces crises sur l’économie mondiale, les problèmes en Afrique du Nord et au Moyen-Orient nous rappellent que nous restons très dépendants du pétrole, alors que les conséquences du tremblement de terre au Japon ravivent les craintes à l’égard de l’énergie nucléaire, dont il est tout aussi difficile de se passer à court terme. En d’autres termes, si ces crises ont un point commun – toujours sous l’angle un peu froid de l’économie – c’est de nous rappeler que la production d’énergie sera un défi majeur dans les prochaines décennies. Les derniers chiffres disponibles montrent à quel point réussir ce défi ne passera pas uniquement par des économies, par l’éolien et le solaire.

Une planète énergivore

Ainsi, selon l’Agence internationale de l’énergie, le pétrole représentait, en 2008, 33 % environ de la production totale d’énergie sur la planète. En 1973, il en représentait encore 46 %. Il ne faudrait pas en déduire pour autant que le volume de pétrole “extrait” a diminué. Au contraire : il a augmenté sur la même période de 34 % et atteint aujourd’hui quelque 90 millions de barils par jour. On l’aura compris : sur 40 années, notre consommation d’énergie a explosé puisqu’elle a doublé !

Pour l’avenir, les prévisions de la Commission européenne font état d’une progression supplémentaire de la consommation d’énergie qui devrait, à l’échelle mondiale, progresser d’environ 50 % à l’horizon 2030. Dans le cas de l’Europe, au mieux pourrait-on maintenir stable la consommation d’énergie. Mais surtout, la dépendance à l’égard de l’énergie fossile serait à peine diminuée, y compris dans l’hypothèse optimiste où la part d’énergie renouvelable doublerait. Et pour cause : 33 % de l’énergie consommée par les ménages européens concerne les activités de transport. Or, il s’agit du secteur le plus dépendant des énergies fossiles et pour lequel il existe le moins de substituts.

Roulera-t-on un jour à l’électrique ? C’est possible, encore faudra-t-il disposer d’énergie électrique en suffisance. Précisément, dans un scénario “de base”, l’énergie électrique issue du nucléaire interviendrait encore à concurrence de 15 % dans la production totale d’énergie en 2030. Or, la crise japonaise risque de modifier les plans de certains pays en la matière, ce qui nous ferait sortir du scénario de base. Dans les conditions actuelles, ceci ne ferait que renforcer la pression sur la demande des énergies fossiles. À titre d’exemple, le remplacement de toute la production électrique nucléaire japonaise impliquerait une augmentation de la demande mondiale de l’ordre de 1,5 million de barils par jour (1,7 %).

L’énergie : à la fois défi et opportunité

Ces projections ne sont pourtant pas une fatalité. Au contraire : la crise de l’énergie est une opportunité pour nos économies. Sans doute les moyens de production d’énergie de demain restent-ils à inventer. Les innovations futures nécessiteront d’importants investissements en recherche et développement, et leur mise en oeuvre pourrait doper la croissance économique, à condition de s’y prendre suffisamment tôt car les questions énergétiques se traitent toujours sur le long terme. Par conséquent, stimuler aujourd’hui l’innovation afin d’assurer une vraie transition énergétique et un approvisionnement plus diversifié, sans dogme politique, paraît très important.

En revanche, bien que des politiques de régulation ou de contraintes soient socialement intéressantes aux yeux de certains, elles prolongent l’illusion que l’énergie est bon marché. Or, on ne gagnera pas la guerre du prix du pétrole, il augmentera inexorablement.

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