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Le danger d’un taux d’intérêt trop bas

Le choeur des “hourra, la reprise est en route” chantés par les chefs de gouvernement, commence à se faire très discret. N’est-il pas temps d’entonner un autre refrain ?

Le sentiment de panique envahit de plus en plus Ben Bernanke, patron du hedge fund fédéral des Etats-Unis, autrefois connu sous le nom de Banque centrale. Il craint un “double creux” et veut dès lors recourir à des armes moins conventionnelles dans la lutte contre la déflation. En les utilisant, il peut cependant aggraver la crise financière, également en Europe.

Ben Bernanke peut imprimer autant de billets verts qu’il veut mais il est incapable d’imprimer des emplois. L’effet d’un taux d’intérêt zéro, du rachat de toutes sortes de papier obligataire toxique et des milliards de stimuli publics commence à s’estomper. Le choeur des “hourra, la reprise est en route” chantés par les chefs de gouvernement, commence à se faire très discret. N’est-il pas temps d’entonner un autre refrain ?

Un médicament qui a causé le mal

A chaque pas qu’elle fait, la Federal Reserve semble s’enliser davantage. Le récent rachat d’obligations d’Etat à long terme a fait baisser le taux à 10 ans jusqu’à 2,7 %. En Allemagne, ce taux est à 2,4, soit un pour cent entier de moins qu’au début de l’année. En Belgique, nous flirtons avec la barrière de 3 % pour des durées de 10 ans. Les commentaires affirmant qu’un taux d’intérêt peu élevé est bon pour l’économie, dominent.

N’y a-t-il donc personne qui songe aux conséquences négatives ? En novembre 2002, j’écrivais déjà dans Trends-Tendances que le taux était trop bas et que cela engendrerait des problèmes. “On peut un peu dégonfler son pneu pour amortir les chocs. Mais l’économie américaine roule sur les jantes.” On souligne trop les avantages d’un taux d’intérêt bas et on passe sous silence les désavantages qu’il entraîne :

– Un taux d’intérêt peu élevé est bon pour des économies qui ont des dettes (comme les Etats-Unis ou le RU) mais rabote les revenus dans les pays qui économisent (comme la Belgique).

– Il déstabilise l’épargne à long terme et les bilans des fonds de pension et des assureurs.

– Un taux d’intérêt artificiellement bas incite les pouvoirs publics à continuer à accumuler les dettes et à toujours reporter à plus tard les économies indispensables à réaliser.

– Un taux d’intérêt peu élevé encourage les investisseurs à rechercher des rendements supérieurs, ce qui aboutit à la renaissance de produits de pacotille structurés dans le secteur financier. En pratiquant cette politique, les banques centrales incitent donc à la création de nouveaux produits toxiques qu’elles devront peut-être nettoyer plus tard.

– Et avons-nous oublié qu’un taux d’intérêt trop bas entraîne la formation de bulles, le gonflement de valorisations jusqu’à des niveaux ridicules.

Y a-t-il quelqu’un en faveur d’une hausse du taux ?

La politique menée actuellement n’a pas aidé le Japon à briser le cercle vicieux. Peut-être faut-il donc élaborer des stratégies alternatives. Ne serait-il pas préférable d’augmenter le taux d’intérêt à court terme jusqu’au niveau de l’inflation souhaitée, quelque part aux alentours de 1,5 % ? La baisse du taux à long terme pourra ainsi être freinée.

Un niveau pour le taux long aux alentours de la croissance nominale (2,5 % – 4 %) serait meilleur pour la stabilité du système financier. Et entre-temps, l’Etat ne doit pas “imprimer des emplois” artificiels mais créer un cadre dans lequel les emplois deviennent plus attractifs que les machines. L’essentiel du message est qu’un taux d’intérêt très bas n’est pas une solution mais bien l’une des principales causes de la crise financière. Nous ne devons pas administrer un médicament qui a provoqué la maladie.

Réactions : trends@econopolis.be

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