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Le compromis à la belge a vécu

La Fête nationale n’aura jamais aussi bien porté son nom qu’en ce dimanche 21 juillet 2013. C’est que les raisons de se réjouir sont nombreuses : la septième génération accède au trône, le gouvernement Di Rupo vient de sceller la sixième réforme de l’Etat, les statuts employés-ouvriers sont harmonisés, le budget fédéral semble tenir la route et celui des Régions est en bonne voie. Un vent nouveau soufflerait-il sur notre plat pays ? On serait tenté de dire oui. Mais le “bof” est peut-être plus à propos.

Passé l’engouement des annonces fracassantes, l’heure est désormais à la prise de recul. Philippe sur le trône, c’est certes un changement important. Un autre style, assurément. Un autre cabinet, aussi. Mais voir naître une monarchie plus moderne, souhait formulé par le Roi Albert dans son discours d’abdication, ne deviendra en tout cas pas réalité avant la fin de la législature. Au grand dam de certains partis politiques, notamment au nord du pays, où “moderne” signifie simplement “protocolaire”. Dans l’intervalle, il y aura les élections cruciales de 2014, et le “baptême du feu” de Philippe que tous les médias, flamands en tête, attendent au tournant. Et s’ils se sont montrés plutôt réservés jusqu’ici, il ne fait aucun doute que la moindre gaffe, la moindre fragilité, seront pointées du doigt sans autre forme de procès. Les relations entre la monarchie, les médias et les politiques n’ont jamais été simples ; il y a peu de chances qu’elles le deviennent à partir de dimanche prochain.

Quant à la réforme de l’Etat, même si tout le monde s’accorde à dire qu’elle constitue une étape fondamentale dans le glissement des compétences du fédéral vers les entités fédérées, force est de constater qu’elle ne fait pas non plus l’unanimité. Sans doute essentiellement à cause de son caractère éminemment complexe. Le commun des mortels, même le mieux informé, n’en saisira à coup sûr pas toutes les finesses, tant les modalités sont alambiquées. On transfère, oui, mais plutôt des parties que le tout, et rarement avec l’entièreté des moyens afférents aux (bouts de) compétences transférées. Fiscalité, emploi, santé : ces compétences sont une fois de plus saucissonnées et réparties entre le fédéral et les Régions selon des clés pas toujours très claires. Exemple avec la fiscalité : les Régions prélèveront directement 25 % de l’IPP et décideront souverainement de leur taux d’imposition. Mais attention, la progressivité de l’impôt telle que décidée par le fédéral devra être respectée et la concurrence fiscale entre Régions ne sera pas tolérée. Cherchez l’erreur ! Il y en a d’autres.

Le résultat final, c’est une usine à gaz où chacun pourra à loisir mettre le doigt sur une petite fuite, demander de resserrer un boulon, se plaindre d’une trop faible productivité au regard du temps et des moyens investis. Pour l’harmonisation des statuts, c’est pareil : le système retenu est tellement compliqué que chaque travailleur licencié devra sans doute faire appel à un avocat pour pouvoir calculer la durée légale de son préavis. Osons l’avouer : le compromis à la belge a vécu. On ne peut pas sans cesse arrondir les angles, sous peine de finir par tourner en rond. A un moment donné, il faut être plus franc du collier. En gardant évidemment comme priorité le bien-être de la population, qui passe d’abord et avant tout par la compréhension du système dans lequel elle vit et travaille. Alors de grâce, faisons-le simple, ce système. Et aussi efficace que possible. D’ailleurs, a-t-on déjà songé à mesurer l’efficacité d’une réforme ? Espérons que la sixième aura au moins cela de positif.

CAMILLE VAN VYVE

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