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Le bon sens comme arme anti-crise

Où en est la “re-régulation” du secteur financier ? Beaucoup estiment qu’elle ne progresse guère, voire que les banquiers sont parvenus à la bloquer. Erreur ! Elle avance, (très) lentement mais (assez) sûrement. Il est vrai que le cadre législatif renforcé, qui fut si rapidement promis au plus fort de la crise, semble beaucoup plus lent à se mettre en place que la taxation imaginée par des Etats soucieux de regarnir leurs caisses.

Où en est la “re-régulation” du secteur financier ? Beaucoup estiment qu’elle ne progresse guère, voire que les banquiers sont parvenus à la bloquer. Erreur ! Elle avance, (très) lentement mais (assez) sûrement. Il est vrai que le cadre législatif renforcé, qui fut si rapidement promis au plus fort de la crise, semble beaucoup plus lent à se mettre en place que la taxation imaginée par des Etats soucieux de regarnir leurs caisses. Sur ce dernier plan, c’est presque la surenchère. Alors que la Belgique et l’Allemagne ont déjà dessiné un canevas et avancé des objectifs, les conservateurs britanniques, donnés gagnants aux prochaines élections, ont annoncé en fin de semaine dernière leur intention d’imposer le secteur bancaire à hauteur d’un gros milliard de livres par an.

Question, sans doute, de ne pas paraître plus bank-friendly que les travaillistes actuellement au pouvoir, lesquels ont ponctionné les bonus de près de 2 milliards. Les Tories vont même plus loin que le Labour. D’abord, il s’agirait d’un impôt annuel et non d’un one shot comme la taxation des bonus. Ensuite, cet impôt serait levé même si les autres pays ne suivent pas, alors que les Travaillistes n’envisageaient une telle imposition que dans un cadre international. Plus fort : si ce dernier se met en place, la dîme imposée par les conservateurs pourrait être alourdie. Si le gouvernement choisit le concept suédois, on évoque 1,5 à 2 milliards de livres. En retenant le modèle Obama, l’ardoise grimperait à 5 milliards par an !

Surenchère pré-électorale ? Possible. Il reste assez remarquable que même les milieux conservateurs montrent aujourd’hui les dents à l’égard du secteur financier. C’est pareil aux Etats-Unis, où les Républicains ont, à la mi-mars, assez facilement suivi le plan présenté par le démocrate Chris Dodd, président du Senate banking committee. Après les divers compromis d’usage, bien sûr. On espère un accord définitif pour l’été.

Les grandes manoeuvres internationales en matière de réglementation ne sont pas au point mort pour autant. C’est demain, vendredi 16 avril, que se termine la consultation sur les mesures proposées par le Comité de Bâle pour renforcer la régulation, le contrôle et la gestion des risques du secteur bancaire. Eventuellement revu et corrigé, l’ensemble sera définitivement exprimé pour la fin de cette année et implémentéà la fin 2012. Comme le Financial Times le révélait lundi, les banques concoctent cependant déjà des échappatoires aux exigences accrues de fonds propres…

En attendant, les Etats y vont aussi de leurs resserrements de vis, en direct ou par la bande. La semaine dernière, la SEC, l’organe de surveillance des marchés financiers américains, a ainsi proposé que les émetteurs de dettes structurées soient obligés de conserver 5 % de leur marchandise. Ne voilà-t-il pas une manière simple et efficace d’empêcher que se reproduise une crise financière du type de celle vécue en 2007-2008 ? On sait en effet que cette dernière fut, sinon générée (quoique…), en tout cas largement amplifiée et propagée par la revente de crédits hypothécaires pourris groupés sous un emballage fallacieux. Pour dire les choses très crûment : “Dorénavant, si vous vendez de la m…, il vous en restera sur les mains.”

On a parfois l’impression qu’aux Etats-Unis, toute tentative de réglementation est bridée par la liberté contractuelle éhontée que s’octroient les banques et par la puissance impudente des lobbies financiers. Si la crise financière incite aujourd’hui à Washington à oser des trucs de bonne femme marqués du sceau du bon sens, tous les espoirs sont permis ! Au fait, ne pourrait-on élargir une telle démarche à d’autres produits et secteurs ?

par Guy Legrand, directeur adjoint

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