Christelle Wils

Taxe Caïman: les contrats d’assurance-vie menacés?

Christelle Wils avocate chez Thales

Le ministre des Finances veut étendre l’application de la taxe Caïman aux contrats d’assurance-vie. Une intention louable de lutte contre les abus qui risque d’insécuriser à tort certains placements en bon père de famille.

Les contrats d’assurance-vie en branche 23 – qui sont ceux liés à des fonds d’investissement – ont toujours eu la cote auprès du législateur fiscal belge.

Ces produits ne donnent en effet lieu à aucune taxation à la sortie. Certes, les primes sont soumises à l’entrée à une taxe de 2 % mais ce coût est en pratique plus avantageux que l’impôt sur les revenus lorsque l’objectif est une épargne à moyen ou long terme.

L’idée du législateur fiscal est donc claire : promouvoir l’épargne du bon père de famille.

Les contrats d’assurance-vie restent d’ailleurs fort heureusement en dehors du champ d’application de la fameuse taxe d’abonnement sur les comptes-titres, cet impôt sur la fortune “à la belge” qui devrait, selon la volonté du gouvernement en tout cas, voir le jour l’an prochain.

Mais le 4 octobre dernier, le ministre des Finances Johan Van Overtveldt avait fait savoir, par un communiqué de presse, qu’il souhaitait faire entrer dans le champ d’application de la taxe Caïman certains contrats d’assurance.

Pour rappel, la taxe Caïman est celle qui frappe par transparence, depuis le 1er janvier 2015, les revenus perçus par des “constructions juridiques” (trust, fondation, société off-shore, SICAV détenue par une seule famille, etc.) dans le chef du fondateur de celles-ci.

Le souhait du ministre est, a-t-il indiqué, de viser “les constructions juridiques englobées ou intégrées dans certains contrats, comme des contrats d’assurance, pour couper le lien direct entre le fondateur et la construction juridique et ainsi échapper à la taxe Caïman“.

L’objectif est donc sans aucun doute de viser les situations abusives mises en place dans le but unique d’échapper à la taxe Caïman.

Le projet de loi-programme a entre-temps été déposé à la Chambre des représentants et le ministre le rappelle dans l’Exposé des Motifs : “ce projet n’a donc pas pour objectif de modifier quoi que ce soit au régime fiscal des assurances placement en général.

Hélas, la disposition proposée est trop générale.

Certes, il faut qu’une construction juridique soit “placée” dans le contrat, ce qui permet d’exclure de nombreux contrats.

Mais le texte, destiné à entrer en vigueur au 1er janvier 2018, semble s’appliquer à tous les contrats existants à cette date qui “contiennent” une construction juridique.

Il n’est donc pas précisé qu’il ne vise que des situations abusives, pourtant seules concernées à suivre la volonté du ministre.

En outre, en s’appliquant aux situations existantes au 1er janvier 2018, il est susceptible de faire entrer dans son champ d’application non seulement des contrats conclus avant le 1er janvier 2018 mais également des contrats conclus avant l’entrée en vigueur de la taxe Caïman…soit, à un moment où le contribuable ne pouvait bien évidemment être guidé par le souci d’éviter la taxe.

Bien que des arguments devraient pouvoir être développés à l’encontre de l’application de la taxe à ces contrats, la rédaction du texte en projet est regrettable.

La lutte effrénée du gouvernement contre les abus ne justifie en effet pas de faire peser un risque sur des contribuables non concernés ayant effectué des placements de bon père de famille.

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