Lawbox, la boîte à outils juridiques

Thibaut Roberti, Frédéric Dechamps et Stephaan Cloet, conseiller en business et innovation de Lawbox. © CHRISTOPHE KETELS (BELGAIMAGE)
Gilles Quoistiaux Journaliste Trends-Tendances

La start-up bruxelloise a fait pivoter son “business model”. A l’origine fournisseuse de modèles de contrats pour les particuliers, les entrepreneurs et les PME, elle licencie désormais ses services pour de grandes organisations comme Partena, Axa ou Carrefour.

Effrayés par les tarifs des avocats, de plus en plus de justiciables piochent en ligne des informations juridiques. Les particuliers, mais aussi les entrepreneurs ou les créateurs de start-up n’hésitent plus à télécharger des documents ” juridiques ” qui circulent sur Internet. Conditions générales de vente, contrat de travail, contrat de bail : en ligne, on trouve tout. Mais la qualité et la fiabilité ne sont pas forcément au rendez-vous.

Pour répondre à cette problématique, Lawbox met en vente des modèles de documents validés par des avocats. Cette jeune société bruxelloise s’engage à ce que ces modèles soient adaptés aux législations les plus récentes, et pratique des tarifs compétitifs pour les clients soucieux de maîtriser leurs frais juridiques. Si le client souhaite un avis complémentaire ou un suivi dans l’adaptation du contrat à son cas particulier, la plateforme peut le mettre en contact avec des avocats partenaires.

Marque blanche

Ce business est toujours actif. Mais désormais, Lawbox développe surtout deux types de produits : la commercialisation de sa plateforme en marque blanche et la fourniture de ses outils permettant de générer des modèles de contrats, pour de plus gros clients. ” Suite à des discussions avec de potentiels investisseurs, nous nous sommes rendu compte que notre valeur résidait davantage dans l’outil technologique que nous avons développé plutôt que dans les modèles de contrats eux-mêmes. C’est la raison pour laquelle nous avons opéré ce pivot “, explique Frédéric Dechamps, fondateur et actionnaire de Lawbox.

Nous nous sommes rendu compte que notre valeur résidait davantage dans l’outil technologique que nous avons développé plutôt que dans les modèles de contrats eux-mêmes.” – Frédéric Dechamps, fondateur et actionnaire de Lawbox

La plateforme Lawbox est donc commercialisée en marque blanche auprès de grandes entreprises. C’est ainsi que Partena a créé LegalSmart, un outil en ligne regroupant plus d’une centaine de modèles de contrats dans des domaines relatifs aux ressources humaines. Cette plateforme est ouverte à tous. Mais Partena en fait la promotion auprès de ses clients business, qui cherchent par exemple des modèles de règlement de travail, de contrat d’étudiant, de lettre de démission, d’avenant à un contrat de travail, etc.

LegalSmart regroupe des modèles de contrats créés par Partena, mais aussi des modèles disponibles sur Lawbox. Certains, très spécifiques, sont payants – par exemple un modèle de règlement concernant l’usage des caméras de surveillance sur le lieu de travail. Mais la plupart sont gratuits. ” Il s’agit d’un service proposé par Partena à ses clients. C’est aussi un outil marketing, qui valorise leur savoir-faire et le contenu qu’ils créent en interne “, souligne Frédéric Dechamps.

Une cinquantaine de documents sont générés chaque jour sur LegalSmart. Dans ce projet, la marque Lawbox n’est pas visible directement : c’est bien le client – en l’occurrence Partena – qui est en première ligne. Mais derrière, c’est l’outil technologique de la legaltech qui tourne. Le client rémunère Lawbox via le paiement d’une licence, doublé d’un système de profit sharing (partage des revenus) sur la vente des documents. ” Nous nous occupons de la maintenance, de l’encodage, du support technique, du système de chat et de l’outil de notation “, détaille Thibaut Roberti, CEO de Lawbox. Les questions juridiques peuvent être réorientées vers les conseillers du client ou vers les avocats partenaires de Lawbox.

La start-up a déployé ce système de ” marque blanche ” dans d’autres grandes organisations, notamment chez LAR, une marque d’Axa s’occupant de protection juridique. L’assureur a créé un site, The Legal Village, qui partage de l’information en matière de protection juridique. On y retrouve également un service de Lawbox : l’accès à des documents à caractère juridique, tels qu’une lettre de démission, une mise en demeure pour réclamer des arriérés de loyer ou un courrier de contestation d’un P.-V. de stationnement. Tous ces documents sont téléchargeables gratuitement, après enregistrement sur le site. Il s’agit d’un outil de communication, mais aussi une façon nouvelle pour l’assureur d’approcher de futurs clients potentiels. Une personne qui recherche des documents de ce type pourrait en effet être intéressée par un produit d’assurance juridique.

Frédéric Dechamps, fondateur et actionnaire de Lawbox
Frédéric Dechamps, fondateur et actionnaire de Lawbox© CHRISTOPHE KETELS (BELGAIMAGE)

Adapter un contrat en 10 minutes

Outre cette activité de ” marque blanche “, Lawbox commercialise ses outils de gestion de documents, à destination des services juridiques des entreprises. La start-up a en effet remarqué que la gestion des contrats et des documents juridiques au sein des sociétés est encore peu structurée. Souvent, des documents Word se baladent sur les serveurs et sont échangés par mail. Une multitude de versions successives coexistent. Tout cela génère des erreurs potentielles et du boulot ” administratif ” inutile pour les juristes. ” Adapter un contrat de franchise de 30 pages peut vite prendre une heure et demie. Avec notre service, un nouveau contrat peut être généré en 10 minutes “, avance Frédéric Dechamps.

Plutôt que de devoir parcourir l’ensemble du document pour changer les noms, les adresses, les montants et les dates, la start-up propose au juriste de remplir un certain nombre de champs prédéfinis. Lawbox promet à ses clients un gain rapide de temps… et donc d’argent. ” Nous fournissons un outil technique, précise Thibaut Roberti, CEO de Lawbox. Le contenu du document appartient au service juridique, c’est lui qui crée son modèle. Nous amenons le processus technique qui permet de créer une version inaltérable du modèle de document, à partir de laquelle le client pourra faire ses adaptations, au cas par cas. ” A ce service s’ajoutent des fonctionnalités de partage de documents, de signature électronique et d’alertes – par exemple pour prévenir qu’un contrat arrive prochainement à terme.

Pour un projet pilote de six mois concernant une dizaine de documents, la start-up facture entre 10.000 et 15.000 euros. Une fois que le projet est mis en place, Lawbox propose un système de licence, dont le montant varie en fonction du nombre d’utilisateurs. Plusieurs sociétés, comme Carrefour ou EDF Luminus, testent actuellement cette fonctionnalité auprès de Lawbox. La jeune pousse a identifié plusieurs secteurs prioritaires, qui font un usage intensif de documents juridiques : elle adressera cette offre dans les prochains mois aux agents immobiliers, aux comptables et aux… avocats. Alors que les start-up de la legaltech sont parfois suspectées de marcher sur les plates-bandes des avocats, Lawbox fait le pari de devenir leur fournisseur de services plutôt que leur concurrent.

Fonds propres

Créée en 2016, Lawbox s’est jusqu’à présent financée sur fonds propres. En 2018, la start-up revendique un chiffre d’affaires de 120.000 euros et un budget à l’équilibre. ” Nous n’avons pas encore fait de levée de fonds, et nous nous en réjouissons, avance Frédéric Dechamps, son fondateur. Nous sommes parvenus à créer de la valeur sans diluer l’actionnariat des fondateurs et sans changer l’équipe. ” Des discussions ont néanmoins été entamées avec des investisseurs. Lawbox n’exclut pas une levée d’argent frais dans le courant de l’année, qui lui permettrait de mettre un coup d’accélérateur à son développement commercial.

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