Christelle Wils

La dernière régularisation fiscale, le prix (trop ?) élevé de la tranquillité

Christelle Wils avocate chez Thales

La DLU quater est enfin ouverte aux droits de succession. Les contribuables qui en feront usage auront droit à la tranquillité. Mais à quel prix ?

Bien qu’elle soit entrée en vigueur au milieu de l’été 2016, la loi “fédérale” sur la DLU quater ne permettait pas, jusqu’il y a peu, le traitement de certains dossiers, puisque celle-ci ne pouvait pas régir les demandes portant sur des impôts régionaux.Or, ces impôts régionaux comprennent, entre autres, les droits de succession et les droits de donation qui ont souvent été éludés dans le passé.

Les accords de coopération et instruments régionaux nécessaires à l’instauration d’une procédure de régularisation pour ces impôts ont été publiés cet été. La DLU quater leur est donc enfin ouverte.

Des amendes salées

Mais ne nous réjouissons pas trop vite car l’amende sera bien souvent salée.

La procédure de régularisation pour les droits de succession et de donation est similaire en Région bruxelloise et en Région wallonne. Elle est en outre calquée sur la procédure fédérale (applicable pour la régularisation des impôts sur les revenus).

Les capitaux fiscalement prescrits, à savoir dans les très grandes lignes ceux qui existent depuis plus de dix ans, sont soumis à un prélèvement de 37 %, lequel passe à 38 % à partir du 1er janvier 2018, 39 % à partir du 1er janvier 2019 et 40 % à partir du premier janvier 2020.

Les montants non prescrits sont, eux, soumis au tarif normal d’imposition qui leur était applicable au moment auquel lesdits impôts étaient dus, majorés de 22 points de pourcentage. Ce pourcentage passe à 23 points à partir du 1er janvier 2018, 24 points à partir du 1er janvier 2019 et 25 points à partir du 1er janvier 2020.

En Région flamande, les tarifs applicables aux capitaux fiscalement prescrits sont identiques à ceux qui sont prévus dans les deux autres Régions.

En revanche, les règles sont différentes pour les montants fiscalement non prescrits. Il faut à leur égard distinguer ceux qui n’ont pas été soumis à l’impôt sur la succession de ceux qui n’ont pas été soumis aux droits d’enregistrement.

Les premiers sont passibles d’un prélèvement forfaitaire de 35 % pour une obtention en ligne directe ou entre partenaires et de 70 % pour une obtention autre qu’une obtention en ligne directe ou entre partenaires.

Les montants fiscalement non prescrits qui n’ont pas été soumis à la taxe d’enregistrement sont, eux, soumis à un prélèvement forfaitaire de 20 %.

Un prélèvement contre nature ?

Mais n’est-il pas “contre nature” de soumettre des montants prescrits à un prélèvement fiscal ?

Dans le cadre de la DLU ter, le déclarant avait en effet la possibilité de soumettre les montants prescrits au prélèvement de 35 % en vue d’obtenir une immunité pénale. Il s’agissait d’une sorte de “transaction pénale” et le paiement de 35 % avait lieu dans des dossiers dans lesquels le risque de poursuites pour blanchiment d’argent était présent.

La régularisation des montants fiscalement prescrits est désormais obligatoire lorsque le déclarant ne peut pas démontrer au moyen d’une preuve écrite que ceux-ci ont été soumis à leur régime fiscal ordinaire. La sanction a donc désormais un aspect fiscal.

Il est bien entendu important d’examiner au cas par cas si on se trouve face à une telle preuve écrite. Cependant, en pratique, une telle preuve sera, dans bien des cas, difficile à rapporter étant donné qu’elle concerne des capitaux anciens.

Et c’est d’ailleurs précisément la raison pour laquelle le droit reconnaît qu’après un certain délai, il y a prescription. Le fisc n’a plus les pouvoirs de prélever l’impôt car les preuves ne peuvent plus être rassemblées. Il en va de la sécurité juridique.

Le prélèvement appliqué sur les montants prescrits est donc très critiqué et critiquable.

Il s’agit hélas du prix (élevé) de la tranquillité pour le contribuable qui souhaite éviter les soucis inhérents à une longue procédure judiciaire.

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