Avocats: les dossiers chauds de la rentrée

Jean-Pierre Buyle © PG

L’ordre des barreaux francophones a un nouveau visage : l’avocat d’affaires Jean-Pierre Buyle. Le président d’Avocats.be fait le point sur les dossiers qui animeront le début de son mandat.

Jean-Pierre Buyle est le nouveau président d’Avocats.be. Cette structure réunit les 11 barreaux francophones et le barreau germanophone, soit près de 8.000 avocats, dont la moitié sont inscrits au barreau de Bruxelles. Un barreau que Jean-Pierre Buyle connaît bien, puisqu’il y a occupé le poste de bâtonnier entre 2010 et 2012. Sans jamais lâcher ses dossiers. Cette fois encore, le managing partner de Buyle Legal compte bien mener de front son activité d’avocat et de président de l’Ordre : “Les nuits sont plus courtes. Mais on s’y habitue”, glisse-t-il avec philosophie. “Ce qui me motive, c’est de réaliser quelque chose dans l’intérêt collectif. Je ne suis pas quelqu’un de carriériste”, ajoute l’avocat.

Spécialiste des questions bancaires, Jean-Pierre Buyle faisait partie de l’association Philippe & Partners avant de créer son propre cabinet, qui compte aujourd’hui près de 50 avocats. Son expérience et sa connaissance fine du métier lui permettent de poser un regard prospectif sur le monde du droit en Belgique. Les défis ne manquent pas.

Informatiser le monde du droit

Les projets d’informatisation de la justice ont jusqu’à présent tous plus ou moins échoué. En 2016, l’institution judiciaire est encore dominée par les échanges de documents papier. Jean-Pierre Buyle estime que les avocats peuvent apporter leur contribution à une digitalisation des communications dans le monde du droit. En juin dernier, un protocole d’accord a été signé en ce sens entre le SPF Justice, les ordres d’avocats, les notaires et les huissiers, afin de développer une série de projets numériques. C’est le cas notamment du e-deposit, qui permet de déposer par voie électronique des documents (conclusions, pièces de dossiers, etc.) auprès de certaines instances judiciaires, et de l’informatisation des déclarations de faillites, attendue pour l’année prochaine. Les avocats vont apporter leur pierre à l’édifice : “Le barreau va participer au préfinancement d’une plateforme numérique sécurisée qui servira à l’ensemble des justiciables”, explique Jean-Pierre Buyle.

Améliorer l’accès à la justice

Une procédure judiciaire coûte vite très cher. C’est la raison pour laquelle les professionnels du droit conseillent souvent à leurs clients d’éviter de passer par la case procès et que les règlements alternatifs de conflits (arbitrage, médiation, etc.) rencontrent de plus en plus de succès. Pour réduire les frais encourus lors d’une action en justice, Jean-Pierre Buyle veut agir sur deux leviers. Tout d’abord, encourager le recours aux assurances de type protection juridique. Ce genre de police est sous-utilisé en Belgique. “Il faut un meilleur incitant fiscal et une révision du champ d’application des contrats, qui est trop limitatif”, plaide Jean-Pierre Buyle. Les assureurs excluent en effet de leur couverture les domaines du droit qui font naître le plus de contentieux, comme le droit de la construction ou le droit familial. Le président d’Avocats.be espère aussi convaincre ses confrères de réviser leur modèle de tarification. “Les avocats doivent se remettre en question au niveau de la définition de leurs honoraires. Le système de tarif horaire est dépassé. Il faut, quand c’est possible, proposer un forfait à ses clients”, estime Jean-Pierre Buyle. L’avocat souhaite instaurer une barémisation des honoraires en fonction du type de prestation, et évoque même la création d’un statut d’avocat “conventionné” sur le modèle des médecins. “On pourrait imaginer que l’assurance juridique ne couvre les honoraires de l’avocat qu’à concurrence d’un montant maximum, fixé par le système de barémisation.” Le débat promet d’être animé : certains avocats risquent de peu apprécier que leurs honoraires soient réduits à un carcan strict. “C’est une question qui ne concerne pas que les particuliers, ajoute Jean-Pierre Buyle. Les entreprises aussi discutent les honoraires d’avocats. Le barreau doit évoluer sur leur prévisibilité.”

Assurer le financement de l’aide juridique

Le nouveau président d’Avocats.be soutient la réforme de l’aide juridique proposée par le ministre de la Justice Koen Geens (CD&V). Ce mécanisme permettant aux plus démunis de bénéficier des services d’un avocat a été remanié pour faire mieux correspondre l’indemnisation des avocats pro deo avec la durée réelle de leurs prestations. Les justiciables devront désormais mettre la main à la poche, à concurrence de 50 euros maximum par procédure. Le financement de l’aide juridique par le budget de l’Etat a été légèrement revu à la hausse. Mais cela ne suffira pas : c’est la raison pour laquelle la création d’un fonds de financement est envisagée. Celui-ci devait être alimenté par des additionnels sur les amendes pénales, mais le Conseil d’Etat a recalé la proposition du ministre. Jean-Pierre Buyle formule deux propositions pour approvisionner ce fonds de financement alternatif. Tout d’abord, les dépenses des procès, tant au civil qu’au pénal, pourraient être légèrement augmentés afin d’alimenter le fonds. Les amendes administratives prononcées par des instances comme la FSMA, le gendarme du secteur financier, ou l’IBPT, le régulateur du secteur télécoms, pourraient aussi y participer. Ensuite, les avoirs dormants sur les comptes en banque qui ne sont jamais réclamés (suite notamment à des successions), et qui filent à la Caisse des dépôts et consignations, pourraient aussi partiellement être réaffectés à ce mécanisme de soutien aux plus démunis.

Lutter contre l’ubérisation du métier d’avocat

Comme de nombreuses professions, l’avocature est menacée par ce phénomène, nouveau, porté par le numérique. L’ubérisation du métier d’avocat est déjà en cours, notamment en France, où des plateformes en ligne apparaissent, proposant des services juridiques de base à prix plancher, dans des domaines comme le divorce ou le bail. Les plus grands cabinets d’affaires investissent déjà dans des outils numériques leur permettant d’être plus efficaces. Mais si la profession ne se saisit pas de cet enjeu, certains avocats risquent de faire les frais de cette ubérisation du droit. Pour y faire face, le président d’Avocats.be propose de créer une banque de données commune à la profession, qui réunirait l’ensemble des décisions judiciaires. Aujourd’hui, pour consulter les jugements et arrêts les plus récents, il faut encore se rendre au greffe du tribunal. “Une telle banque de données donnerait un accès immédiat au million de décisions judiciaires produites chaque année en Belgique. C’est une priorité, mais on sait que les poches de l’Etat sont vides. On pourrait créer cette banque de données au sein du barreau via un système de mutualisation, comme cela existe déjà pour les primes d’assurance des avocats. Cela coûterait 40 euros par avocat et par an.”

CV EXPRESS

1977. Licence en droit à l’UCL.

1979. Licence spéciale en droit économique à l’ULB.

1979. Avocat au barreau de Bruxelles.

1984. Associé chez Ballon-Buyle-Maingain-Philippe.

1999. Associé chez Elegis.

2007. Associé chez Philippe & Partners.

2010-2012. Bâtonnier de l’Ordre francophone du barreau de Bruxelles.

2012 : Fonde le cabinet Buyle Legal.

2016 : Président d’Avocats.be

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