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La junte de Wall Street

Tout a commencé en avril. Le 21 de ce mois, en 1967, dans le silence du matin, les chars des cadets de l’Ecole des blindés se sont lourdement mis en branle pour encercler les bâtiments publics. Déjà casernées à l’intérieur des villes, les troupes ont rapidement pris position. Le bâtiment de la radio, le parlement et l’aéroport d’Ellinikon sont cernés. En quelques minutes, le palais royal est sous contrôle. Des centaines de personnalités politiques sont immédiatement arrêtées et déportées vers les îles. C’est un pronunciamiento insurrectionnel. L’armée prend le pouvoir à Athènes, sous la direction d’un triumvirat dirigé par le colonel Geórgios Papadópoulos.

Tout a commencé en avril. Le 21 de ce mois, en 1967, dans le silence du matin, les chars des cadets de l’Ecole des blindés se sont lourdement mis en branle pour encercler les bâtiments publics. Déjà casernées à l’intérieur des villes, les troupes ont rapidement pris position. Le bâtiment de la radio, le parlement et l’aéroport d’Ellinikon sont cernés. En quelques minutes, le palais royal est sous contrôle. Des centaines de personnalités politiques sont immédiatement arrêtées et déportées vers les îles. C’est un pronunciamiento insurrectionnel. L’armée prend le pouvoir à Athènes, sous la direction d’un triumvirat dirigé par le colonel Geórgios Papadópoulos.

L’homme du putsch est un excellent officier. Sous-lieutenant au début de la Seconde Guerre mondiale, il combat contre l’armée italienne et la Wehrmacht. En 1944 il forme une milice chargée d’arrêter les communistes avant de rejoindre l’Angleterre. Après avoir suivi une formation à la CIA en 1953, il dirige les services secrets grecs.

Papadópoulos est un ambitieux. Mais c’est surtout un factieux et un séditieux. En 1956, il participe à une tentative de coup d’Etat contre le roi Paul Ier de Grèce, mais c’est en 1967 qu’il renverse le régime et instaure la loi martiale, au motif de la lutte contre les communistes. Le régime grec est, il est vrai, fragile. La démocratie, instaurée par les premières élections démocratiques de 1963, est balbutiante. Le jeune roi Constantin II, fils de Paul Ier, n’a que 24 ans lorsqu’il accède au trône, à la mort de son père, en 1964. Constantin II devra s’exiler à Rome, en décembre 1967.

La tyrannie de Papadópoulos est terrifiante et le film Z de Costa-Gavras restitue cette ambiance de basculement dictatorial. La censure est établie et les arrestations de masse se conjuguent à la torture. Les communistes sont persécutés sous le silence de l’Eglise orthodoxe. La répression décime les étudiants, dont beaucoup choisissent de s’enfuir du pays. En 1973, le dictateur abolit la monarchie et devient chef de l’Etat après un plébiscite trompeur.

Aujourd’hui, la dictature grecque est bien loin. Papadópoulos est décédé en prison en 1999. Sous son climat clément, Athènes est une ville qui rayonne grâce à une jeunesse entreprenante. Mais parfois, dans la poussière méditerranéenne et l’anachronisme des villes du Sud, on respire, de manière fugace, un parfum de révolution d’autrefois. L’armée reste très présente dans ce pays qui s’est arrogé le rôle de bastion de l’Europe contre les influences moyen-orientales.

Révolution à Wall Street

En 2010, ce sont Wall Street et les agences de rating qui ont fomenté une révolution économique. Après les colonels, les seigneurs du FMI ? Ce n’est plus le triumvirat de Papadópoulos qui dirige la Grèce, mais sa traduction militaire en russe, une troïka, qui est aux commandes du pays. Celle-ci est composée de la Commission européenne, de la Banque centrale européenne et du FMI. Symbole des temps : ses représentants sont installés dans les hôtels localisés autour du square de la Constitution, juste devant le parlement. Cette troïka hellénique n’est pas là pour asservir le pays, mais pour en sauver la prospérité.

Partout en Europe, l’étau se resserre sur les pays en déséquilibre. Les prêteurs complaisants sont devenus des créanciers exigeants. En fait, les banques d’affaires confrontent aujourd’hui les gouvernements européens à la finitude de leurs modèles de répartition sociale. Ils posent l’équation fiscale qui se structure désormais dans la dépendance des capitaux étrangers.

Mais, en Grèce comme ailleurs, il faut rester très prudent. Le pouvoir n’appartiendra jamais à la Banque centrale européenne ou au FMI. C’est la rue qui le possède. Un gouvernement peut, au mieux, convaincre des bienfaits d’une devise, telle l’euro. Il ne pourra jamais l’imposer. Et c’est là que se situe le véritable message de la crise financière et économique : il s’agit de la prospérité des futures générations, dont les aînés ont emprunté la croissance. Le manifestant grec et le banquier anglo-saxon convoient le même message : la confrontation à 30 années de déséquilibres budgétaires.

Le mauvais scénario serait que l’euro, forgé pour sceller la paix entre les nations européennes, soit le ferment de troubles sociaux qui appellent des réactions autoritaires. Les jeunes ne se retrouveront pas dans la vieille Europe, âgée, rentière et industrielle. La jeunesse contestataire est persécutée lors des coups d’Etat mais, en Grèce, ce sont les étudiants de l’Ecole polytechnique qui, en 1973, firent basculer le régime des colonels. Et ça non plus, il ne faut pas l’oublier.

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