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La Grèce, un rappel utile !

On peut juger la grécomania ambiante fort excessive : même s’ils devaient empirer, les problèmes budgétaires d’Athènes ne vont quand même pas changer la face du monde !

La Chine va-t-elle renflouer la Grèce ? Le gouvernement d’Athènes aura-t-il le courage de sabrer dans les dépenses alors qu’il a gagné les élections en promettant le contraire ? Comment l’Union européenne va-t-elle venir en aide au petit dernier de la classe ? Ces questions ont fait l’actualité au cours des dernières semaines, au point qu’on peut juger cette grécomania fort excessive : même s’ils devaient empirer, les problèmes budgétaires d’Athènes ne vont quand même pas changer la face du monde ! Ni même celle de l’Europe. Et quand, animés d’un chauvinisme monétaire déplacé, certains se désolent de voir la déroute grecque peser sur l’euro, ils ont évidemment tout faux : cet affaiblissement est bienvenu après un envol qui commençait à pénaliser les entreprises exportatrices.

On aurait toutefois tort de tirer l’échelle par exaspération, car si la situation grecque relève à plusieurs égards du cas particulier, elle a également valeur de leçon sur un plan beaucoup plus général. Cas particulier ? Le fait que les statistiques aient été”tripotées”, a accusé l’Union européenne, pour masquer la situation désastreuse du pays. On navigue là entre république bananière et URSS stalinienne. Il est tout aussi consternant que la dernière campagne électorale se soit jouée sur le thème de l’Etat providence, alors que les caisses sont plus que vides. Mais comment jeter la pierre de l’inconscience à Athènes, alors que Washington a fait pire sous l’administration Bush ?

A l’inverse, un déficit budgétaire 2009 se situant à 12,7 % du PIB n’est pas aussi extravagant qu’il en a l’air. Le Portugal naviguera dans ces eaux cette année, tout comme… la Grande-Bretagne. Quant à la dette publique, qui pourrait dépasser 135 % du PIB l’an prochain, elle demeure presque sage face à celle d’un Japon qui affiche 180 %. C’est une première leçon : au niveau des chiffres, la Grèce n’est pas LE vilain petit canard : elle n’en est qu’un parmi de nombreux autres ! Si sa situation était vraiment désespérée, comme certains le laissent entendre, les investisseurs internationaux ne lui auraient pas proposé 20 milliards d’euros, lors de son émission obligataire de la semaine dernière, alors qu’elle n’en demandait que cinq.

Certes, ils furent alléchés par un taux fort élevé. La Grèce paye aujourd’hui 6,50 % pour emprunter à 10 ans, alors que l’Allemagne s’en tire avec 3,20 %. La Belgique se situe à 3,75 %, l’Italie à 4 % et l’Irlande à 4,75 %. Doit-on toutefois considérer la prime considérable payée par la Grèce comme une situation exceptionnelle témoignant d’une crise aiguë ? Ou s’agit-il au contraire d’un retour à la normale ? C’est pour cette seconde hypothèse que Carsten Brzeski, économiste senior chez ING, penchait en… août 2008, un an après le début de la crise financière. Athènes se voyait déjà infliger une lourde prime, alors que son déficit budgétaire se creusait, mais sans faire l’actualité.

Conclusion : la crise financière a réveillé la notion de risque, à l’égard des Etats comme de l’immobilier américain. La création de l’euro en 1999, qui supprimait par définition l’important risque monétaire, avait en même temps masqué le risque débiteur, puisque toute prime avait rapidement disparu. A tort : il est normal que le gouffre grec suscite la méfiance et que la rigueur allemande inspire confiance. Normal aussi, à situation pareillement désastreuse, que les investisseurs préfèrent l’austérité irlandaise à l’indolence grecque. Car un Etat peut faire défaut. C’est même un phénomène fréquent au lendemain d’une crise financière, observent les économistes. La Grèce, cas particulier mais rappel fort utile !

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