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La banqueroute est nécessaire, chaque siècle !

La dette, c’est du temps. Et le prix du temps, c’est l’intérêt. Mais dans le cas de la dette publique, un phénomène singulier doit être mis en évidence. En effet, une dette publique est, par essence, collective.

Son remboursement est quant à lui individuel puisque, dans le meilleur des cas, c’est l’impôt qui permet d’honorer la dette publique. C’est ainsi que, profitant d’effets d’aubaines, le Royaume s’est immergé dans une immense dette publique dont, comme pour le financement des pensions, il déporte le remboursement sur les futures générations… peu consultées.

En bonne logique, le niveau de la dette publique et le taux d’intérêt qui y est associé devraient être mis en perspective avec les impôts futurs à lever. Le taux d’intérêt lié à la dette publique devrait être cohérent avec la pression fiscale (ou la dépréciation monétaire) à venir. Il agirait alors comme une mesure du maintien du contrat collectif socio-économique.
Lorsque les taux d’intérêt sont bas, les contribuables devraient se réjouir de ce que le coût réduit de l’emprunt exige une moindre ponction fiscale ultérieure. Or ces emprunts à taux d’intérêt bas n’ont aucun succès. Cela signifie que le créancier prend le dessus sur le contribuable de demain. L’individu et le présent prennent le pas sur la collectivité et le futur.

Mais attention : le titulaire d’une créance publique implique le maintien de l’ordre social et des forces politiques contemporaines.

Il en est pourtant rarement ainsi car la dynamique sociale et économique est fluide. De plus, la valeur d’une créance sur les autorités publiques suppose la pérennité du pouvoir d’achat de la monnaie, qui constitue l’unité de compte centrale. L’Histoire regorge, en effet, de dettes publiques non honorées et la principale manière d’y arriver (outre la spoliation des créanciers), c’est l’inflation.

Cette dernière est, en effet, un moyen commode de déprécier silencieusement l’unité monétaire, et donc de rembourser la dette publique avec de la monnaie effritée, sans confronter la population à des impôts et des questions de justice sociale y afférentes.

Mais en tant que telle, l’inflation ne résout rien si le taux d’intérêt de la dette publique en reflète l’anticipation, à l’instar du fait que ce taux d’intérêt doit refléter les impôts futurs. Pour être efficace, l’inflation doit donc être soudaine et conjuguée avec ce que les économistes appellent la “répression financière”, c’est-à-dire la canalisation de l’épargne vers le financement des dettes publiques (au travers des banques et entreprises d’assurances) qui portent un taux d’intérêt artificiellement bas.

Si cela ne fonctionne pas, la dette publique n’est plus sous contrôle, les choses tournent mal et les créanciers sont spoliés. Les rappels historiques en sont nombreux : l’hyperinflation des empereurs romains Dioclétien et Constantin, les multiples tentatives de confiscation de Philippe le Bel, qui rogne les pièces d’or et envoie les Templiers sur le bûcher afin de capturer leurs biens, les assignats français de la Révolution française, l’hyperinflation de la République de Weimar, etc.

Le contrôleur des finances du Royaume de France entre 1768 et 1774, l’abbé Terray (1715-1778), disait que “la banqueroute est nécessaire, une fois tous les siècles, afin de mettre l’Etat au pair”.

Que tirer des leçons de l’histoire ? A notre estime, l’inflation sera donc une des principales variables d’ajustement aux dé-séquilibres que nous traverserons. Au reste, déconnecter la création de monnaie de celle de richesse conduit d’habitude à des poussées inflationnistes. Elle aura des conséquences défavorables pour les rentiers mais permettra aux Etats de diminuer la valeur de leur endettement.

L’inflation est l’avertissement que le bien-être futur sera plus onéreux. Croire, comme certains économistes, que les prochaines années seront caractérisées par une situation de croissance morne avec une inflation quasiment nulle nous semble relever plutôt du postulat de principe que d’une étude empirique de l’économie.

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