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L’union fait la force… disaient-ils

Ce n’est pas vraiment le rôle des économistes de se mêler des affaires politiques. Alors faut-il discuter ici des questions communautaires ? La réponse est oui.

Ce n’est pas vraiment le rôle des économistes de se mêler des affaires politiques. Alors faut-il discuter ici des questions communautaires ? La réponse est oui. Non pas tellement parce que les tensions autour de BHV ont atteint leur paroxysme ces dernières semaines et parce que c’est LE sujet du moment. Mais il est important que les économistes réagissent à ces questions compte tenu de l’impact négatif qu’elles peuvent avoir sur l’économie belge dans les prochains mois.

Diriger un pays, ce n’est pas uniquement s’occuper du social et de l’économique. Dès lors, comme économiste, il faut accepter que la question de la non-nomination de tel ou tel bourgmestre et que la question de la scission de l’arrondissement BHV passent de temps à autre à l’avant-plan. Mais si on ne peut empêcher ces discussions, on peut au moins rappeler quelques principes de base pour que leur impact négatif sur l’économie soit minimisé.

Ne pas perdre de temps

Le premier principe, ce serait évidemment d’éviter de perdre du temps dans ces discussions. Rappelons que l’on ne peut pas lancer la “procédure de la sonnette d’alarme” en matière économique, et que l’évolution du chômage, la question du vieillissement de la population ou l’état des finances publiques ne se mettent pas au frigo comme de simples discussions politiques. On se félicitera du fait que jusqu’à présent, le monde politique a fait preuve d’un certain pragmatisme. Lorsque la crise économique et financière a éclaté, il a accepté de mettre ces questions communautaires entre parenthèses. Mais chaque fois que la reprise économique pointait à l’horizon, elles refaisaient surface, comme si le fait d’avoir une croissance supérieure à 1 % donnait le feu vert pour relancer la bataille communautaire. Aujourd’hui, la tâche pour assurer la stabilité économique et sociale du pays est encore tellement importante. Peut-on se permettre le luxe de perdre du temps ?

Analyse coûts-bénéfices

D’autre part, on sait que les discussions sur BHV ne sont que la partie émergée d’un iceberg, que l’on nomme pudiquement l’évolution de la structure fédérale du pays. Mais au fond, derrière tout cela se cache la question de la scission du pays. D’où un deuxième principe : les bénéfices ET les coûts de toute évolution des structures doivent être étudiés. Or dans ce cas, la scission pure et simple devient beaucoup moins intéressante que certains ne le laissent penser. On ne détricote pas 180 ans de liens sans en payer le prix. Les coûts administratifs pour les entreprises qui deviendraient subitement des multinationales, et la perte d’image pour les “nouveaux pays”, les plongeraient dans de graves récessions. Par ailleurs, les nouvelles entités créées ne seraient pas automatiquement membres de l’Union européenne ni de la zone euro. Et cerise sur le gâteau, les institutions européennes seraient situées dans un pays (ou un district, on ne sait pas trop…) qui ne ferait pas partie de l’Union… Un beau casse-tête en perspective pour les juristes de tous bords.

Mais surtout, la dette publique belge (qui ne le serait plus…) apparaîtrait très vite comme un obstacle insurmontable. A supposer que les partis politiques trouvent une entente sur la clé de répartition de celle-ci (ce qui paraît hautement improbable), il est presque certain que le rating des nouvelles dettes flamande, wallonne et autres soient fortement abaissés, entraînant une hausse insoutenable de la charge d’intérêt. Le problème est à ce point important que l’on pourrait presque considérer que l’ampleur de la dette est le meilleur garant de l’unité du pays, loin devant le Roi, les Diables Rouges et le chocolat…

Transferts intelligents

Cela ne signifie pas que toute évolution est exclue, au contraire. On sait par exemple qu’il est indispensable de mieux responsabiliser les Régions car elles ne supportent pas toujours les coûts de leurs décisions (notamment en matière de fonction publique). Dès lors, les discussions sur la réforme de l’Etat et les transferts de compétences devraient suivre un troisième principe : pour maximiser le bénéfice et pour minimiser le coût de nouveaux transferts de compétences, ils devront toujours se faire vers l’entité qui est la mieux à même d’aborder le problème. Par exemple, s’il est vrai que Flandre, Wallonie et Bruxelles ont des marchés du travail très différents, cela ne veut pas nécessairement dire qu’elles ne font pas face aux mêmes types de problèmes : une personne non qualifiée est toujours moins bien armée face à la recherche d’un emploi, et ce quelle que soit son origine. Des politiques d’emploi visant les peu qualifiés à l’échelon national ne sont donc pas si inutiles que cela. Le même principe devrait être appliqué à l’ensemble des fonctions de l’Etat, en considérant même la possibilité de remonter certaines compétences au fédéral.

On pourra toujours dire que le problème ne doit, au contraire de ce qui est dit ici, pas être pris sous l’angle économique. Il faudrait d’abord choisir une nouvelle structure pour le pays et laisser ensuite l’économie s’adapter à celle-ci. C’est un autre point de vue, mais puisque c’est le citoyen qui payera l’addition, je considère qu’il vaut mieux, comme au restaurant, qu’il choisisse dans le menu en jetant un coup d’oeil sur les prix.

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