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L’impôt sur la fortune : la fausse bonne idée

Le sujet est très porteur électoralement. L’idée de présenter la note salée de la crise aux “nantis” semble, en effet, très populaire. Groen! estime qu’un tel impôt permettrait de récolter 7,5 milliards d’euros. Joli pactole ! Et d’autres partis lui emboîtent le pas.

Le sujet est très porteur électoralement. L’idée de présenter la note salée de la crise aux “nantis” semble, en effet, très populaire. Groen! estime qu’un tel impôt permettrait de récolter 7,5 milliards d’euros. Joli pactole ! Et d’autres partis lui emboîtent le pas.

Cette mesure me semble, cependant, tout à fait contreproductive. D’abord, elle va à l’encontre des initiatives prises, ces dernières années, par les pays européens. L’Italie fut le premier pays de l’Union à abandonner l’impôt sur la fortune en 1992. Elle fut suivie par l’Autriche (en 1994) et le trio Irlande, Danemark et Allemagne en 1997. Neuf ans plus tard, le Luxembourg a suivi le mouvement, tout comme la Finlande et la Suède. L’Espagne est la dernière en date à avoir abandonné cet impôt. C’était en 2008. Nos voisins néerlandais ont, quant à eux, choisi, en 2001, de remplacer l’impôt sur la fortune par une taxation de 30 % des revenus du patrimoine, calculée sur une base théorique forfaitaire fixée à 4 %. Dans ce paysage européen exonéré d’impôt sur la fortune, il reste néanmoins une exception de taille : la France.

L’exemple de l’Hexagone nous démontre que même si l’idée d’un impôt sur la fortune paraît séduisante, sa mise en oeuvre est très problématique. Qui ne connaît pas l’histoire de cet agriculteur retraité qui vit sur l’île de Ré ? Sa propriété s’est tellement appréciée qu’il doit s’acquitter d’un impôt sur la fortune de 16.000 euros par an. Et pour payer la note, l’homme a été obligé de vendre une partie de son terrain agricole. A l’opposé, certaines grandes fortunes françaises réussissent, par des montages plus ou moins compliqués, à éviter une note trop salée. La mesure, sur le terrain, n’a donc pas toujours l’impact social désiré.

Outre la difficulté de son application, le coût de cet impôt peut se révéler plus important que son revenu. Philippe Bruneau, président du Cercle des fiscalistes en France, déclarait ainsi à nos confrères du Figaro que depuis 1997, 300 milliards d’euros ont quitté la France. Soit une perte fiscale annuelle de 15 milliards d’euros. Et cet exode fiscal s’est renforcé puisqu’en 2008, 821 redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune ont quitté l’Hexagone, souvent pour la Belgique ou la Suisse. Pour limiter cet exode, les fonctionnaires mènent une offensive de charme à Londres, Bruxelles ou Genève, auprès des ressortissants français. Au menu : le bouclier fiscal qui assure que le taux d’imposition ne dépassera pas 50 % des revenus, une exonération de l’impôt sur la fortune, pendant cinq ans, pour les biens restés à l’étranger ou encore l’absence de contrôle fiscal pendant trois ans. Pourquoi cette tactique ? Si l’impôt sur la fortune permet de remplir les caisses de l’Etat, l’exil fiscal diminue également les rentrées de l’impôt des personnes physiques… Selon les derniers chiffres disponibles, l’impôt sur la fortune a rapporté 3,8 milliards d’euros en 2008. Alors que le manque à gagner, selon le fiscaliste Philippe Bruneau, s’élève, lui, à 15 milliards !

Bref, l’impôt sur la fortune semble accumuler les tares : pas aussi social qu’espéré, difficilement applicable et peu rémunérateur. Faut-il pour autant abandonner un glissement de la taxation du travail vers le capital ? Non, mais d’autres pistes pourraient être explorées, comme une taxation cohérente et globale des revenus, qu’ils soient issus du travail, des biens mobiliers ou immobiliers. On pourrait ainsi imaginer, sur la base d’un cadastre des revenus, un taux d’imposition identique, quelle que soit l’origine des revenus. Cependant, la mesure est moins porteuse en période électorale…

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