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L’implacable mouvement de la BCE

Lorsque Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne (BCE), a prononcé l’expression “vigilance forte” lors de sa dernière conférence de presse, les marchés financiers ont réagi au quart de tour : l’euro s’est brutalement apprécié, et tout le monde a compris que la BCE allait bouger bien plus tôt que prévu.

Lorsque Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne (BCE), a prononcé l’expression “vigilance forte” lors de sa dernière conférence de presse, les marchés financiers ont réagi au quart de tour : l’euro s’est brutalement apprécié, et tout le monde a compris que la BCE allait bouger bien plus tôt que prévu. Ces deux mots, que l’on n’attendait pas avant le milieu de l’année, signifient en effet que face aux derniers développements en matière d’inflation, la BCE, fidèle à son mandat et sauf surprise de dernière minute, devrait, dans un délai d’un mois ou deux, relever son taux directeur.

Pourquoi tant d’agitation autour de deux mots somme toute très communs ? Il faut savoir que si l’exercice de la politique monétaire est une science, il comporte aussi l’art d’esquisser la ligne de conduite future de la banque centrale. En effet, toute une littérature économique s’est développée autour du vocabulaire des banques centrales. Sachant que cette littérature existe et qu’une attention particulière est portée aux termes utilisés, les banques centrales utilisent leur communication à leur avantage. Tout réside ici dans les anticipations : l’annonce d’un possible mouvement futur du taux directeur modifie les anticipations des agents économiques, ce qui produit à l’avance l’effet escompté de la modification de taux (qui n’a pas encore eu lieu donc…). Ainsi, finalement, la décision qui est prise est plus efficace : elle peut être de moindre ampleur et donc limiter la volatilité des marchés. En d’autres termes, une banque centrale qui communique bien devra en général prendre des mesures moins brutales.

Ainsi, chaque fois que la BCE a utilisé les termes “vigilance forte”, elle a procédé à un relèvement de taux lors de sa réunion suivante, à une exception près : elle avait alors attendu… un mois supplémentaire. Les mots prononcés il y a deux semaines ont donc résonné comme des coups de tonnerre.

Que cherche à faire la BCE en durcissant le ton ?

Fondamentalement, on ne peut reprocher à la BCE de faire son travail. Elle a un mandat visant à maintenir l’inflation proche mais inférieure à 2 %. Pour ce faire, maintenir les anticipations d’inflation est crucial. Or, avec la reprise économique et les tensions inflationnistes sur les matières premières, les anticipations d’inflation commencent à être revues à la hausse. Cette évolution n’est pas acceptable pour la BCE, car si elle n’agit pas tout de suite, elle serait amenée à devoir agir plus fermement encore à l’avenir, ou pire encore, l’évolution de l’inflation pourrait lui échapper. Il vaut donc mieux de son point de vue tuer dans l’oeuf toute tension inflationniste, et asseoir un peu plus sa crédibilité. Rappelons au passage que la BCE avait été tout aussi intransigeante en juillet 2008 lorsqu’elle avait augmenté son taux directeur de 25 points de base en raison de la très forte inflation, alors même que l’économie de la zone euro était déjà en récession. Elle est peut-être encore critiquée aujourd’hui à ce sujet, mais au moins personne ne doute plus de sa détermination face à l’inflation.

La BCE prendrait un risque en relevant son taux directeur

Si la prochaine décision de la BCE est compréhensible compte tenu de l’inflation, un relèvement de taux pourrait avoir des conséquences néfastes compte tenu des autres problèmes de la zone euro. Sachant que certains systèmes bancaires européens sont dépendants des liquidités de la BCE à concurrence de 15 % à 20 % du total de leur bilan, un relèvement de taux aggraverait encore leur situation financière. Par ailleurs, l’impact sur les taux longs pourrait augmenter le coût de financement des Etats, ce qui n’est pas non plus le bienvenu dans les circonstances actuelles. Enfin, à l’heure où les tensions sociales s’exacerbent, une hausse des taux pourrait être très mal perçue. Car Monsieur Tout-le-Monde ne saisit pas nécessairement la théorie des anticipations, ni l’impact de la politique monétaire sur la croissance et les prix, ni même le risque pour son propre pouvoir d’achat d’une inflation incontrôlée. La mesure pourrait être comprise comme la volonté de la Banque centrale européenne de brider la croissance à l’heure où on en a le plus besoin. Ce n’est bien sûr pas son objectif. Le vocabulaire de la BCE lors de sa prochaine réunion de politique monétaire méritera donc une attention encore plus importante…

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