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L’Europe va-t-elle imiter la Fed ?

Récemment, devant le Congrès, le président de la banque centrale américaine a évoqué la possibilité d’une “politique de soutien complémentaire”. Spectaculaire volte-face de la part de Ben Bernanke, qui l’excluait presque totalement voici moins de deux mois.

Spectaculaire mais compréhensible, tant les indicateurs économiques se sont détériorés depuis lors. Sur le marché du travail en particulier, les chiffres de juin se sont avérés plus désastreux encore que ceux de mai. Au total de ces deux mois, les Etats-Unis ont créé 37.000 emplois à peine, une chute de plus de 90 % par rapport aux trois mois précédents. Or, il leur en faut plus de 12 millions pour revenir au niveau d’emploi d’avant la crise…

La Federal Reserve va-t-elle donc se remettre à acheter des obligations de l’Etat américain ? Ce n’est plus exclu. Et pourquoi l’exemple ne serait-il pas suivi par l’Europe ? Cette même démarche aurait ici un tout autre but que de soutenir l’économie en pesant sur les taux et en la goinfrant de liquidités supplémentaires : l’achat de papier grec serait, en principe en tout cas, le moyen le plus simple d’alléger la dette d’Athènes tout en évitant ce “défaut” qui hante les esprits et fait trembler les marchés. Au point de pousser l’once d’or à plus de 1.600 dollars.

Les propositions française et allemande de rééchelonnement de la dette grecque, qui envisagent un échange volontaire de papier suivant des modalités légèrement différentes, posent en effet un problème technique et un problème psychologique. Sur le plan technique, les agences de notation n’en démordent pas : une telle opération serait assimilée à un défaut de la part d’Athènes. Première conséquence : la faillite technique des banques grecques, qui ne pourraient plus se refinancer auprès de la BCE ! Sur le plan psychologique, cette mise à contribution des créanciers de la Grèce, réclamée de longue date par l’Allemagne mais également suggérée mercredi dernier par le FMI, est de nature à inquiéter les investisseurs au détriment de tout pays pouvant présenter des difficultés. Beaucoup attribuent largement à cette crainte la soudaine alerte qui a visé l’Italie. Le camp de ceux qui estiment cette option plus dommageable que bénéfique s’est d’ailleurs enrichi d’une personnalité assez inattendue : Jens Weidmann, président de la Bundesbank.

Or, sur le marché secondaire, la dette grecque à 10 ans se négocie à un peu plus de la moitié de sa valeur à peine, une moins-value très supérieure aux fameux 30 % de moins-value (haircut) généralement évoqués pour une mise à contribution des détenteurs d’obligations. Et ici, il n’est pas question de volontaires désignés réalisant une opération plus ou moins librement consentie. A l’instar des actions négociées en Bourse, le papier acheté sur le marché obligataire provient par définition de vendeurs qui s’y présentent spontanément.

De plus, ce marché secondaire n’est pas marginal par rapport à l’ampleur de la tâche à accomplir. Avec ses opérations de soutien, la BCE y a déjà acquis 14 % de la dette souveraine grecque. A noter que l’Union européenne et le FMI en détiennent pour leur part 16 %. Cela fait donc 30 % au total, contre 27 % “seulement” pour les banques commerciales, celles qui seraient mises à contribution dans une opération de rééchelonnement. Bras armé de l’Union face à la crise (lire notre dossier, à partir de la page 26), l’European Financial Stability Facility, ce fameux EFSF, pourrait-il ratisser le marché de la dette grecque comme la Fed l’a fait pour les obligations américaines ? Cela pourrait être un des sujets abordés lors du sommet de ce 21 juillet à Bruxelles. Défilé d’un côté, réunion de crise de l’autre…

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