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L’Espagne, la crise et la guerre des cueilleurs de fruits

La récession dont je vous parle souvent ne se résume pas à des chiffres ou des scénarios. Elle prend aussi, hélas, la forme bien réelle de personnes en plein désespoir. Ces fameux exclus ou laissés-pour-compte, on en trouve de plus en plus en Espagne et en particulier en Andalousie…

La récession dont je vous parle souvent ne se résume pas à des chiffres ou des scénarios. Elle prend aussi, hélas, la forme bien réelle de personnes en plein désespoir. Ces fameux exclus ou laissés-pour-compte, on en trouve de plus en plus en Espagne et en particulier en Andalousie, région très visitée par les Belges pendant les grandes vacances. Il suffit de quitter les cafés et les hôtels en bord de plage et d’écouter les locaux pour se rendre compte des difficultés de la région. C’est ce qu’a fait le New York Times.

Le drame en Andalousie est plus important pour la simple raison que le taux de chômage y est de 27 %, contre 20 % dans le reste du pays. N’oublions pas que, contrairement à la Belgique, les allocations de chômage ne sont pas illimitées. Pour l’heure, s’il n’y a pas d’explosion sociale, c’est en partie grâce au travail au noir et à l’entraide familiale qui reste très forte. Autrement dit, le système D évite que la marmite sociale déborde.

Un danger pointe cependant à l’horizon : les Espagnols de souche, par nature très hospitaliers, risquent de développer une amertume à l’égard des travailleurs immigrés, notamment ceux qui occupent des postes du type “cueilleurs de fraises”.

Pour comprendre ce début d’amertume, il faut revenir 10 ans en arrière. L’exemple-type est celui de l’ouvrier espagnol du bâtiment, qui a profité du boom immobilier pour quitter les champs et le secteur éprouvant de la cueillette des fruits. Un départ opéré avec soulagement, car les cadences y sont infernales et les salaires misérables. L’ouvrier en question a donc quitté cet enfer pour travailler dans l’immobilier et, bien souvent, en a profité pour emprunter afin d’acheter sa maison. A présent que le secteur de l’immobilier a licencié à tour de bras, ce même ouvrier espagnol n’arrive plus à rembourser son prêt…

Le révolver du crédit sur la tempe, il se dit désormais prêt à retourner dans les champs. Seul hic, des Roumains, des Polonais et des Nord-Africains l’ont remplacé dans ce dur labeur. Et les fermiers locaux – c’est en tout cas le constat fait par la presse – ne veulent plus des Espagnols de souche. Ils craignent que ceux-ci soient moins durs à la tâche que les immigrés qui font ce boulot depuis 10 ans… pour le plus grand profit des fermiers locaux qui, évidemment, ne s’embarrassent pas trop de respecter le droit du travail. Résultat : seuls 5 % des cueilleurs sont aujourd’hui originaires du pays.

Entre le recours à la soupe populaire et le départ forcé à l’étranger – en France, notamment – le danger est que certaines personnes, déstabilisées par la dureté de cette crise, stigmatisent des Noirs ou des Nord-Africains qui, eux-mêmes, sont déjà sous-prolétarisés. Lorsque des natifs du pays et des migrants se disputent des emplois agricoles éprouvants et mal payés, c’est que la crise est bien là !

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