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L’échec monétaire du sommet Europe-Asie ?

Le récent sommet Europe-Asie (ASEM) s’est clôturé sur des déclarations d’intention, et a certainement permis, à l’abri de l’imposant service de sécurité, de nouer des contacts ou de clarifier certains dossiers. Mais ce sommet s’est également terminé sur un constat d’échec, bien public celui-là : l’Europe et l’Asie n’ont pu s’entendre sur la future gestion des politiques monétaires.

Le récent sommet Europe-Asie (ASEM) s’est clôturé sur des déclarations d’intention, et a certainement permis, à l’abri de l’imposant service de sécurité, de nouer des contacts ou de clarifier certains dossiers. Mais ce sommet s’est également terminé sur un constat d’échec, bien public celui-là : l’Europe et l’Asie n’ont pu s’entendre sur la future gestion des politiques monétaires.

Quel en est l’enjeu ? Bien sûr, la question du taux de change entre l’euro et le yuan est importante. Les Européens, mais aussi les Américains, voudraient voir le yuan s’apprécier. Ceci diminuerait la compétitivité de la Chine sur les marchés mondiaux et permettrait, peut-être, de rééquilibrer les balances commerciales de la Chine et des Etats-Unis.

Défi crucial

Derrière cet enjeu commercial se cache également un défi bien plus crucial : la redéfinition du système monétaire international (SMI). Actuellement, le système en vigueur est un non-système : il conserve quelques lambeaux du système de Bretton Woods, notamment en accordant un rôle prépondérant au dollar comme monnaie de réserves internationales. Mais pour le reste, il n’y a aucun accord sur la flexibilité ou la fixité des taux de change. Ceci permet aux économies qui le jugent nécessaire d’accrocher leur devise à une monnaie en particulier ou à un panier de devises (c’est le cas de la Chine ou de la Russie).

La définition d’un nouveau SMI s’impose pourtant : dans une économie globalisée, il est indispensable que tout le monde suive les mêmes règles en matières monétaires. Cela vaut pour la Chine et d’autres pays émergents, qui maintiennent artificiellement leur compétitivité en accumulant des réserves. Mais cela vaut également pour les Etats-Unis, qui abusent de la position particulière de leur devise pour vivre au-dessus de leurs moyens. Par ailleurs, le poids de plus en plus élevé des pays émergents nécessite la définition d’un SMI qui corresponde mieux aux rapports de forces entre les puissances économiques.

Les Etats-Unis ne veulent bien entendu pas perdre les privilèges associés au fait que le dollar est actuellement la monnaie de référence par excellence et la monnaie de réserve, même s’ils n’en ont plus nécessairement la légitimité. Par ailleurs, de nouvelles puissances comme la Chine ou le Brésil se verraient bien jouer un rôle plus important sur le plan monétaire, puisque c’est déjà le cas sur le plan économique. Assistera-t-on alors à une “guerre des devises” entre les Etats-Unis et la Chine notamment ? J’ai déjà souligné précédemment que je ne suis pas adepte des mots violents en matière économique. Mais il est certain que les tensions vont être croissantes, dans les prochains mois, si ce n’est les prochaines années.

Problèmes techniques

Si un nouveau SMI est défini, redonner à une seule devise les contraintes et privilèges qui sont aujourd’hui ceux du dollar est trop risqué. La solution d’un panier de devises, rassemblant par exemple le dollar, l’euro, le real et le yuan, semble plus appropriée, mais pose d’autres problèmes techniques. Toute nouvelle solution aurait cependant à surmonter deux obstacles : d’une part, la quantité de dollars actuellement en circulation ou en réserves dans les banques centrales des pays émergents est affolante. Dès lors, délaisser le dollar au profit d’une ou plusieurs autres devises entraînerait des mouvements de changes très importants, ce qui ne serait pas sans conséquences sur l’économie mondiale. D’autre part, il faut que toute nouvelle solution soit validée de manière concertée. Car une “guerre des devises”, c’est-à-dire une solution non concertée, se solderait par une nouvelle crise économique et financière, bien plus importante que celle que nous avons vécue. Dans ce contexte, il est aussi urgent que la zone euro retrouve davantage de cohérence, pour éviter que sa monnaie ne soit affaiblie lorsqu’interviendra l’inévitable grand chambardement.

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