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L’absurdité de l’indice Big Mac

Si ce qui se passe aux Etats-Unis préfigure la situation future sur le continent européen, alors les choses ne se présentent pas bien pour les journaux. La présence de l’iPad ajoute un nouveau défi.

L’indice Big Mac de The Economist tente de donner une juste valeur aux différentes monnaies par rapport au dollar américain. L’idée qui a présidé à la création de cet indice est celle de la parité de pouvoir d’achat (PPP), une expression chère aux économistes pour dire qu’une monnaie doit exprimer la valeur d’un certain nombre de biens ou de services que l’on peut acquérir dans un pays. Si aujourd’hui, avec 14,5 yuans, on peut acheter un hamburger en Chine et s’offrir le même pour 3,71 dollars aux Etats-Unis, cela signifie que le yuan vaut 0,26 dollars US. Le yuan s’échange à présent à 0,15 dollar, et est donc surévalué de 40 %. CQFD.

En 1986, c’était une idée amusante, créative et innovante. La parité de pouvoir d’achat était déjà une théorie acceptée depuis longtemps par les économistes mais il manquait toujours une base de comparaison homogène dans les différents pays (disons un petit panier de biens et de services ayant la même valeur utilitaire dans tous les pays). Les auteurs économistes anglo-saxons ont manifestement pensé avoir découvert avec le Big Mac un produit simple qui était une norme homogène et mondiale.

Si depuis 25 ans, on exhibe fièrement l’indice Big Mac, c’est qu’on ne le conçoit plus comme un gadget mais qu’on y croit. Au début, The Economist laissait encore subsister des doutes quant au sérieux de son indice mais au fil du temps, la fine ligne d’ironie mêlant humour et réalité s’est estompée.

Indice truffé d’erreurs

Evaluons donc les signaux du Big Mac dans le temps. Nous ne tiendrons pas compte des petits écarts et ne prendrons en considération que les grands déséquilibres entre la parité McDo et le taux de change réel. En 1986, The Economist annonçait que le franc belge (42 BEF/USD) était surévalué de 25 % par rapport au dollar. Le franc devait donc monter à 56 pour avoir une juste valeur face au billet vert. En 1990, le franc s’échangeait à 34,65 et la boule de cristal Big Mac voyait toujours le rapport USD/BEF plus haut, à savoir à 44. Aujourd’hui, le franc – après conversion – se situe à moins de 30 par rapport au dollar US.

Depuis 1986, l’indice est truffé de signaux erronés. Qu’il s’agisse du franc, du mark, du dollar de Hong Kong, du dollar australien, du yen, etc., etc. D’accord, il y a aussi quelques succès occasionnels. Nous avons rassemblé les Big Mac de ces 25 dernières années et réalisé une évaluation unique de l’euro par Big Mac que vous pouvez comparer à l’euro (recalculé via le mark). Ici aussi, la valeur prévisionnelle de l’indice est douteuse (voir graphique ci-contre).

Un mauvais hamburger peut vous rester sur l’estomac

La prémisse de l’indice Big Mac est en effet erronée. Ce hamburger n’est pas un point de comparaison objectif et homogène entre différents pays. Aux Etats-Unis, le hamburger est une véritable denrée de base. A tous les coins de rue, il y a des McDo, Wendy, Kentucky Fried Chicken, Hooters et une douzaine d’autres chaînes de fast-food qui se font concurrence pour attirer l’Américain obèse. En Europe, la concurrence est (provisoirement) moins intense et ces restos se trouvent dans des emplacements commerciaux coûteux. On applique ici aussi des règles plus sévères en matière alimentaire. En Chine et en Russie, la situation est encore différente : les McDo y sont le Disneyland des pauvres.

Par ailleurs, la valeur des devises est également déterminée par les déficits budgétaires, les expériences auxquelles se livrent les banques centrales en matière d’impression de monnaie et aussi les faillites. En 2000, le Big Mac trouvait le peso argentin évalué correctement et le réal brésilien sous-évalué de 35 %. Or ces monnaies ont ensuite connu une chute impressionnante de 70 % et de 50 %. Un mauvais hamburger peut vous rester sur l’estomac. Il est donc temps de jeter cet indice de pacotille à la poubelle.

Réactions : trends@econopolis.be

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