Vacance immobilière: voici 6 remèdes à l’inoccupation

LEOPOLD VIEW. Désertée depuis quelques années, la tour abritant anciennement des bureaux accueillera à terme 201 appartements. © MATEXI

Un immeuble à moitié occupé ne fait généralement pas le bonheur des propriétaires investisseurs. L’inoccupation a malgré tout un côté positif : elle stimule l’innovation.

Revenus sûrs et prévisibles, perspective d’une belle plus-value. Tels sont les arguments classiques que promoteurs et agents immobiliers avancent pour vendre leurs produits (d’investissement). En omettant soigneusement de mentionner le risque d’inoccupation.

Sur le marché résidentiel étriqué, l’inoccupation de longue durée ne représente une menace que pour les immeubles à problèmes et les quartiers où l’on construit trop. Sur le marché de l’immobilier commercial par contre, l’inoccupation est tangible. Selon les chiffres de la société de conseil en immobilier CBRE, l’inoccupation dépasse les 10 % dans certains quartiers du marché bruxellois des bureaux. La palme revient à la périphérie ouest où près d’un tiers des immeubles de bureaux sont vides. Sur le marché anversois des bureaux également, l’inoccupation prend des proportions préoccupantes : 11,7 %. Le marché du retail n’est pas épargné non plus. L’inoccupation est particulièrement interpellante dans les rues commerçantes des petites villes. CBRE l’estime à quelque 9 % pour l’ensemble du marché belge des commerces.

Les propriétaires et investisseurs actifs dans ces segments immobiliers savent que l’inoccupation a un coût. ” Il y a d’abord le manque à gagner en termes de revenus locatifs, explique Jean-Paul Sols, CEO de la société d’investissement financier Intervest Offices & Warehouses (IOW). Une partie des frais de maintenance est également à charge du propriétaire. A cela il faut encore ajouter le précompte immobilier non récupérable. L’un dans l’autre, les frais se montent facilement à 30 euros par m2 par an. Si l’inoccupation devient structurelle, les frais prennent rapidement des proportions non négligeables. ”

L’inoccupation est contagieuse – si on n’intervient pas rapidement, le fléau risque de contaminer tout le bâtiment, voire tout le quartier – mais n’est pas irréversible. Voici six remèdes efficaces.

1.Mieux vaut prévenir que guérir

” Immobilier ne veut pas dire immobilisme, clarifie Alexander Kortleve, le spécialiste des bureaux de CBRE. La tendance à considérer l’immobilier comme un pur produit financier est la véritable cause du problème d’inoccupation. Le propriétaire qui raisonne en ces termes perd le contact avec son produit et ses locataires. Les locataires veulent un propriétaire actif. Pas un magnat injoignable qui n’est là que pour encaisser le loyer. ”

Bref, il s’agit de fidéliser les locataires par une gestion active et une écoute attentive de leurs besoins et souhaits. Ceci dit, le départ d’un locataire est toujours possible. Les entreprises grandissent, rapetissent, changent, et leurs besoins de bureaux évoluent en conséquence.

 Début 2017, Deloitte quittera les trois bâtiments qu'il occupe actuellement à Diegem. Le site sera redéveloppé afin d'attirer un nouveau locataire. Un grand atrium sera construit afin de relier les bâtiments entre eux.
Début 2017, Deloitte quittera les trois bâtiments qu’il occupe actuellement à Diegem. Le site sera redéveloppé afin d’attirer un nouveau locataire. Un grand atrium sera construit afin de relier les bâtiments entre eux. © PG

Une inoccupation momentanée n’est pas problématique en soi. A partir de quel moment l’inoccupation devient-elle structurelle et pose-t-elle un réel problème ? ” Difficile de préciser une durée, répond Jean-Paul Sols. Mais quand l’immeuble a déjà été proposé plusieurs fois en réponse à des appels d’offres et n’a jamais été retenu, il est temps de tirer la sonnette d’alarme. Il y a peut-être quelque chose qui cloche avec le concept. Le contexte économique joue aussi évidemment. Sur un marché où le taux d’inoccupation ne dépasse pas 10 %, le risque de vacuité structurelle est limité. Entre 10 et 15 %, c’est encore gérable. Mais au-delà de 15 %, le risque de devoir brader devient réel. Il est alors grand temps de réagir et d’innover. ”

2.Actions commerciales

Proposer des incitants est un procédé classique pour convaincre les candidats-locataires. Cela va de l’exonération de loyer momentanée à l’intervention dans les frais d’aménagement en passant par une majoration de la commission des courtiers. Jean-Paul Sols n’y est pas favorable. ” La méthode des incitants est galvaudée, estime-t-il. C’est comme pour les antibiotiques : il ne faut pas en abuser, sans quoi ils ne font plus aucun effet. ”

Selon Alexander Kortleve, les incitants sont déjà institutionnalisés sur le marché des bureaux. ” Au départ, il y avait une certaine logique économique. Un bail de neuf ou 12 ans est plus intéressant pour le propriétaire qu’un contrat de trois ans. Dans pareil cas, proposer un incitant à un locataire qui hésite à s’engager pour une plus longue durée se justifie entièrement. La méthode est comparable aux réductions de prix accordées par les supermarchés pour l’achat en grande quantité. ” Les incitants peuvent s’avérer utiles pour lutter contre l’inoccupation. Mais si on ne joue que sur le prix, le procédé est une solution de facilité. Une réduction drastique du loyer pourrait même être contre-productive. ” Le candidat-locataire finit même par douter car il se dit que cette réduction cache peut-être un problème avec le bâtiment “, explique Alexander Kortleve.

3.Nouveaux concepts

Quand l’immeuble a déjà été proposé plusieurs fois en réponse à des appels d’offres et n’a jamais été retenu, il est temps de tirer la sonnette d’alarme.” – Jean-Paul Sols (Intervest Offices & Warehouses)

Jean-Paul Sols ne cache pas qu’IOW est parfois tenté d’opter pour des incitants. ” Nous n’échappons pas au marché mais nous avons développé parallèlement d’autres pistes de manière à pouvoir argumenter à d’autres niveaux que celui du prix exclusivement. ” Ce n’est pas un hasard si Jean-Paul Sols parle non pas de ” locataires ” mais de ” clients “. Il anticipe une évolution du marché des bureaux vers un hospitality business. ” Nous sommes de moins en moins fournisseur de hardware, c’est-à-dire de biens immobiliers uniquement, et de plus en plus de véritables exploitants d’immeubles “, dit-il.

Pour illustrer ses propos, Jean-Paul Sols cite l’exemple de la tour de bureaux Sky Building située Uitbreidingsstraat à Anvers. La façade verte de l’immeuble entièrement rénové, rebaptisé Greenhouse Antwerp, attire le regard mais les vrais changements se situent à l’intérieur. Une partie du rez-de-chaussée a été aménagée en business hub RE : flex, un concept de bureau pour flexworkers et coworkers. L’immeuble abrite en outre 12 salles de réunion mises à la disposition des visiteurs occasionnels et des utilisateurs fixes. Ces derniers bénéficient aussi de toute une série de services et de facilités : service repassage, centre de fitness, snack, distributeur de paquets, restaurant, etc. ” Nous n’allons pas jusqu’à nous mettre aux fourneaux mais nous participons à l’élaboration du menu et à la fixation des prix, confie Jean-Paul Sols. Il y a 10 ans, nous ne devions pas nous occuper de tout cela. Si nous le faisons aujourd’hui, c’est parce que cela fait parfois toute la différence. Cela demande évidemment du personnel supplémentaire et donc une certaine grandeur d’échelle pour être rentable. ”

Peu d’inoccupation en périphérie

En ce qui concerne l’immobilier commercial en périphérie, les magasins situés le long des grandes routes et dans les retail parks, l’inoccupation est quasi nulle. CBRE l’évalue à 2 ou 3 %. “C’est fort peu, confirme Geoffrey Wilkinson, spécialiste retail chez CBRE. Mais le taux d’inoccupation est un peu plus élevé en certains endroits.”

La popularité grandissante des retail parks au détriment du magasin routier solitaire est cause d’inoccupation. “La plupart des retailers privilégient une masse critique où ils coexistent avec d’autres acteurs. C’est exactement ce qu’offrent les retail parks”, explique Geoffrey Wilkinson.

Quelles sont les différentes options qui s’offrent au propriétaire d’un bien inoccupé ? “Quand un bien se vide, il faut commencer par se demander s’il répond encore à la demande actuelle, fait remarquer le spécialiste retail. Dans la négative, le bien doit être adapté, c’est la seule option. Il peut être divisé, éventuellement combiné avec d’autres biens, voire réaffecté.”

En réaction au marché des bureaux en pleine mutation, IOW a lancé la formule Turn-Key Solutions. Qu’est-ce qui retient de nombreuses entreprises de déménager ? ” L’incertitude inhérente au changement, répond le CEO. L’incertitude quant au coût de l’aménagement, la durée des travaux, etc. Nous proposons aux entreprises de les accompagner pendant leur déménagement. En tant que propriétaire, nous sommes bien placés pour le faire car nous connaissons parfaitement les possibilités et les limites du bâtiment. Nous essayons par ailleurs de réduire le nombre de m2. Si un locataire cherche 1.000 m2, nous voyons s’il est possible de le contenter avec 850 m2. Cette démarche ne s’inscrit pas vraiment dans la logique du propriétaire – le contexte actuel nous y incite – mais nous préférons louer moins de mètres carrés que brader la valeur locative. ”

4.Occupation temporaire

Mieux vaut une occupation temporaire qu’un bâtiment vide. Le concept fait de plus en plus d’émules. Les gestionnaires de bâtiments inoccupés comme Camelot, Interim Vastgoedbeheer, Entrakt et FMT se sont spécialisés dans la mise en adéquation de biens inoccupés.

En ce qui concerne l’immobilier retail, les magasins pop-up font désormais partie intégrante du paysage urbain. Dans les grandes villes commerciales comme Londres, New York et Paris, les plateformes internet intelligentes telles qu’Appear Here, Storefront et PopUp Immo surfent sur la vague. Le pop-up n’y est plus synonyme de second choix.

” Dans notre pays, certains acteurs ont fait de la gestion de l’inoccupation temporaire leur créneau de prédilection “, commente Jean-Paul Sols qui dirigeait aussi Vastned Retail Belgium jusqu’à il y a peu. Des acteurs qui profitent par exemple de l’approche des fêtes de fin d’année, époque à laquelle les entreprises sont prêtes à payer des loyers assez élevés.

RE-FLEX. Une partie du rez-de-chaussée de Greenhouse Antwerp abrite un concept de bureau innovant où se rencontrent flexworkers et coworkers.
RE-FLEX. Une partie du rez-de-chaussée de Greenhouse Antwerp abrite un concept de bureau innovant où se rencontrent flexworkers et coworkers. © DR

Le phénomène du pop-up est moins courant dans l’immobilier de bureaux, en partie parce que les espaces de bureau temporaires sont le terrain de jeu privilégié des entreprises comme Regus.

5.Rénovation et reconversion

A Evere, Matexi s’est attelé à un des plus grands projets de reconversion du pays. En 2014, le développeur de projets immobiliers a racheté à Aberdeen la célèbre tour Léopold. Un seul étage de l’immeuble était encore occupé. Matexi reconvertit l’ancien immeuble de bureaux en un espace de logements modernes qui devrait compter environ 200 unités.

L’inoccupation est contagieuse mais n’est pas irréversible.

La reconversion n’est pas un exercice aisé, témoigne Jean-Paul Sols. ” Les exemples de projets réussis ne manquent pas mais ils ne riment pas toujours avec création de valeur. Encore faut-il que la situation s’y prête. Dans le centre-ville, le potentiel de reconversion en immobilier résidentiel ou en kots d’étudiants est réel mais en périphérie, c’est une autre histoire. ”

Redévelopper un immeuble sans en changer la destination, voilà qui est dans les cordes d’IOW. La société a investi 7 millions d’euros dans le redéveloppement de Diegem Campus, à la limite de Bruxelles. Deloitte quittera le bâtiment début 2017 pour s’installer dans le flambant neuf Gateway près de l’aéroport. ” Deloitte avait besoin de plus d’espace. Mais ce n’est pas la seule raison de leur départ (Deloitte déménage également pour des raisons de mobilité, Ndlr), explique Jean-Paul Sols. Nous avons pris note des motifs invoqués pour justifier leur départ. Le personnel était dispersé dans trois bâtiments, ce qui rendait la communication interne difficile. La dispersion n’est pas propice aux nouvelles méthodes de travail. Aussi avons-nous décidé de reconnecter les trois bâtiments entre eux en construisant un grand atrium. ” L’atrium donnera aussi accès à tous les services et facilités. Doté d’un auditorium de 200 personnes, l’immeuble dispose d’un atout supplémentaire pour convaincre les locataires indécis et les utilisateurs occasionnels.

Le début des travaux est prévu pour février 2017. Ils dureront huit mois. ” A partir du moment où le concept de l’immeuble est mûrement réfléchi, comme c’est le cas ici, le jeu en vaut la chandelle, estime Jean-Paul Sols. Parfois, il faut trancher dans le vif et oser se débarrasser d’un immeuble inoccupé. ”

6. Attendre des temps meilleurs

Aux Pays-Bas, quelque 9 millions de m2 de bureaux sont désespérément vides. Nos voisins du Nord cherchent proactivement de nouveaux locataires. Certains propriétaires de bureaux ont toutefois décidé de ne pas sortir leurs projets de reconversion des cartons. La raison tient en un mot : Brexit. Les Néerlandais, Amstellodamois en tête, espèrent que les sociétés financières de la City jetteront leur dévolu sur le plat pays. ” Le quartier d’affaires du ZuidAs à Amsterdam devrait les intéresser, estime Jean-Paul Sols. Certains bureaux du centre-ville également. Mais pour ce qui est des quartiers excentrés, où le taux d’inoccupation est le plus élevé, le Brexit ne changera pas grand-chose. Sur le marché belge des bureaux, en tout cas, nous n’observons aucune évolution favorable. ”

Le marché des bureaux a connu son époque de gloire, aujourd’hui terminée. ” La tendance à limiter le nombre de m2 et à les agencer autrement est clairement structurelle “, constate le CEO d’IOW.

” Il se peut que le Brexit apporte un certain soulagement à Bruxelles, estime pour sa part Alexander Kortleve. Mais attendre des temps meilleurs ? Ces temps meilleurs ont déjà commencé. A Gand, 5 % seulement des immeubles de bureaux sont vides. A Anvers, le taux d’inoccupation est plus élevé mais quelque 130.000 espaces de bureaux sont en chantier. Bon nombre d’entreprises attendent avec impatience de déménager. ”

Quand un musée accueille des start-up
Vacance immobilière: voici 6 remèdes à l'inoccupation
© INTIEM EVENTS

A Deurne, près d’Anvers, le Sterckshof est à vendre. Ce château de style néo-Renaissance flamand a abrité le musée provincial de l’Orfèvrerie pendant des années. Jusqu’à ce que la province et la ville d’Anvers décident de déménager la collection du musée dans le centre-ville. Comme la province ne trouvait pas d’acheteur pour cette prestigieuse demeure seigneuriale, elle a fait appel au gestionnaire de biens inoccupés FMT. “L’ancienne caféteria du musée abrite aujourd’hui le Bar Stark, un bar branché qui remporte un énorme succès, explique Glenn Versieck, directeur général de FMT Belgique. Le rez-de-chaussée est occupée par des start-up. Ici aussi, le succès est au rendez-vous avec la très populaire marque de mode O’Rèn. Elle a débuté chez nous dans d’autres locaux de 20 m2 et occupe aujourd’hui 300 m2 au Sterckshof.” FMT organise deux fois par an une exposition d’oeuvres d’art dans les anciens couloirs du musée et loue régulièrement la cour intérieure pour l’organisation de festivités en tous genres.

FMT est une entreprise néerlandaise. “Les Pays-Bas ont une longue tradition en matière de squats et les propriétaires veillent à ne pas laisser leurs biens inoccupés”, explique Glenn Versieck. FMT a ouvert sa filiale belge en 2012. “Mais la branche belge n’est pas un copier-coller de sa grande soeur néerlandaise, poursuit le directeur général. Cela ne marcherait pas car la Belgique n’a pas l’habitude des squatters.”

En Belgique, FMT vise deux catégories d’utilisateurs : les start-up et les artistes. Et pour ce qui est de l’offre, elle cible essentiellement les pouvoirs publics. “Obligés de donner le bon exemple, les organismes publiques sont particulièrement sensibles à l’inoccupation, assure Glenn Versieck. Nous privilégions les biens atypiques, les châteaux, les casernes, les prisons, etc. qui attirent les créatifs. Ceux-ci n’hésitent d’ailleurs par à intégrer le lieu dans leur approche marketing.”

“Nous ne sommes pas des agents immobiliers, précise le directeur général de FMT Belgique. Notre mission n’est donc pas immobilière à proprement parler. Chez nous, un bien idéalement situé, sur le Meir par exemple, ne coûte pas plus cher qu’un immeuble inoccupé derrière l’église de Borgerhout.”

Les baux conclus avec FMT peuvent être résiliés à relativement court terme, de quatre à six semaines. “Nos clients bénéficient de prix très démocratiques calculés au prorata du nombre de m2, à partir de 125 euros par mois, précise encore Glenn Versieck. Le délai de résiliation très court est le revers de la médaille. Pour les propriétaires, c’est un plus, dans le cas où ils trouvent une affectation définitive. Une occupation temporaire facilite aussi la commercialisation définitive. Il est toujours plus agréable de faire visiter un bâtiment occupé à un candidat-locataire ou un candidat-acheteur plutôt qu’un bien où l’agent ne sait pas où se trouve l’interrupteur. En accord avec le propriétaire, nous pouvons redéfinir une possible réaffectation définitive. FMT entend se démarquer de la concurrence par sa gestion conceptuelle et la revitalisation des sites. L’initiative temporaire devient alors le baromètre du succès potentiel de la réaffectation.”

L’arrivée imminente de ces bureaux d’un genre nouveau n’est évidemment pas une bonne nouvelle pour les propriétaires d’immeubles surannés inoccupés. ” De fait, reconnaît Alexander Kortleve. A cette nuance près que toutes les entreprises ne cherchent pas à tout prix à s’installer dans le dernier immeuble de bureaux à la mode. ”

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