Une seconde résidence en France, toujours rentable ?

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La récente réforme fiscale française contrarie surtout les détenteurs d’un patrimoine immobilier important.

Les propriétaires d’une seconde résidence en France ont eu chaud cet été. Le gouvernement français, désireux de “rectifier” sa fiscalité du patrimoine, avait imaginé lever une taxe forfaitaire nationale sur les secondes résidences appartenant à des personnes non domiciliées dans l’Hexagone. Plusieurs milliers de Belges étaient donc concernés. Cette taxe, d’un montant de 20 % de la valeur locative, risquait d’alourdir le budget annuel de quelques centaines à plus d’un millier d’euros, selon les cas.

Les premiers à s’indigner furent des… Français domiciliés à l’étranger, notamment pour échapper au célèbre “Impôt de solidarité sur la fortune” (ISF). Leur levée de bouclier a porté ses fruits, pour le(s) bien(s) de tous. Le projet tant redouté a été avorté. Ceci étant, le gouvernement français a tout de même décidé de modifier certains avantages fiscaux relatifs aux résidences secondaires. Qui rendent l’attrait de ce type d’investissement un peu moins sonnant et trébuchant.

Ce qui a changé

Ce n’est pas une, mais deux “lois de finances rectificatives” qui ont été éditées à près de deux mois d’intervalle, le 29 juillet et le 19 septembre. La première inclut l’allègement de l’ISF via le relèvement du seuil d’imposition de 800.000 à 1,3 million d’euros ; la suppression du bouclier fiscal ; un alourdissement de la fiscalité des donations (suppression de la réduction accordée en fonction de l’âge du donateur et réintroduction du délai de rappel fiscal à 10 ans au lieu de 6) ; une hausse des droits de cession à titre gratuit pour les patrimoines importants (augmentation de 5 % des taux des deux tranches les plus élevées des barèmes des droits de succession et de donation) ; et le relèvement des droits de partage (de 1,1 à 2,5 %).

La loi de septembre introduit, elle, un nouveau calcul des plus-values immobilières, taxées à 19 %. Pour bénéficier de l’exonération de celles-ci, il faut désormais patienter 30 ans au lieu de 15. Avec ceci que l’abattement progressif est maintenu, mais essentiellement sur les cinq dernières années (0 % entre 0 et 5 ans, 2 % entre 6 et 17 ans, 4 % entre 18 et 24 ans, 8 % entre 25 et 30 ans).

Pour les seconds résidents belges, ce sont surtout les points liés à la fiscalité des donations et à l’imposition des plus-values qui comptent. “Ces nouvelles mesures frappent de plein fouet les Belges disposant de plusieurs immeubles. Ceux qui ont “juste” une maison en Bretagne ou un appartement à Méribel, ne voient pas leur situation fondamentalement changée”, résume Valérie-Anne de Brauwere, avocate spécialisée en droit fiscal et en estate planning (Thales Avocats). Et de pointer deux exemples, liés à des biens d’une valeur de 300.000 et de 1 million d’euros, propriété d’un couple ayant deux enfants. En matière de donation, et dans les deux cas, “l’abattement de 150.000 euros indexés par enfant réduit à néant la base imposable”, explique-t-elle. Pour ce qui est de l’imposition des plus-values, au bout de 15 ans, par contre, le calcul diffère. Pour l’un, l’impact de la réforme s’élève à près de 9.000 euros. Pour l’autre à quelque 60.000 euros (voir tableau ci-dessous).

“Des taxations qui peuvent toutefois facilement être évitées avec une donation réalisée au préalable”, poursuit-elle. “En effet, la plus-value réalisée par le donateur à l’occasion de la donation n’est pas imposable. Celle réalisée par le donataire sera nulle ou faible puisque le prix d’acquisition en est la valeur déclarée dans la donation.”

Des affaires à faire ?

Sachant que la réforme des plus-values immobilières prend effet le 1er février 2012, certains observateurs s’attendent à des répercussions sur le marché immobilier. Tout dépend du degré d’urgence dans le chef des candidats vendeurs. “Ceux qui ont le projet de vendre, intervient Alain Lacourt, conseiller en structuration de patrimoine (Lacourt Patrimonia), seront tentés de réaliser de plus lucratives plus-values et vont donc se dépêcher de signer un compromis de vente avant fin novembre, délais administratifs obligent.” “Ceux qui peuvent se permettre d’attendre, reprend Valérie-Anne de Brauwere, vont patienter quelques années de plus afin de bénéficier au maximum de l’abattement progressif ou de l’exonération, quitte à louer leur bien.” En clair, les ventes vont s’accélérer jusqu’en février prochain, avant de laisser la place à un calme plat.

Les experts préconisent donc de bonnes affaires à réaliser dans les prochains mois, ventes rapides équivalant souvent à prix rabotés. Cela dit, “le couple de Belges qui rêve d’une maison en France ne pense pas spécialement à la plus-value, qui lui apparaît alors lointaine. Le but premier est le plaisir en termes de loisirs”, nuance Alain Lacourt.

Moins taxées qu’en Belgique

Quand on la compare avec la Belgique, la situation française n’est pas si mauvaise. “D’un point de vue strictement fiscal, l’immobilier en France est soumis à une moindre imposition que chez nous, et ce, proportionnellement à la valeur de l’immeuble, c’est-à-dire au prix au m2”, souligne Alain Lacourt.

A l’achat, le Belge paie 10 % de droits d’enregistrement en Flandre ou 12,5 % en Wallonie contre… 5 % de droits de mutation en France. La détention fait l’objet, chez nos voisins, d’une taxe foncière et d’une taxe d’habitation plus élevées que notre précompte immobilier. Cependant, comme certaines communes belges prisées par les seconds résidents lèvent une taxe supplémentaire, la taxation annuelle d’un bien est similaire, voire un rien plus importante outre-Quiévrain. Lors de la vente, l’exonération de la plus-value est plus rapide en Belgique, où elle est atteinte après cinq ans seulement. Mais en France, la donation, qui permet de purger la plus-value, bénéficie d’avantages fiscaux. La transmission y est donc plus aisée. Rien n’empêche alors les bénéficiaires de vendre le bien… à moindre frais.

Une chose est sûre, le prix du terrain et sa rentabilité suffisent à faire pencher la balance en faveur de la France. “Certaines régions sont tellement demandées que les prix du marché dépassent toute concurrence, avec à la clé des plus-values de 100, 200, parfois 300 %, s’exclame Alain Lacourt. La France est la première destination touristique au monde en termes de nuitées passées par des non-résidents sur son territoire.” Ainsi, elle compte pas moins de 3,2 millions de logements utilisés pour “week-ends, loisirs et vacances”. Rien d’étonnant à ce que l’épargne française soit par conséquent investie à 66 % dans l’immobilier, contre quelque 50 % chez nous. “Quand on dit que les Belges ont une brique dans le ventre, les Français, eux, ont un parpaing !, lance le conseiller. Ce qui explique également qu’en règle générale, l’actif immobilier soit moins lourdement imposé du côté français que du côté belge.” Quoi qu’il en soit, hausse de l’imposition ou pas, l’investisseur qui parie sur la France n’est pas près de perdre sa mise.

Frédérique Masquelier

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