Six questions à se poser avant d’investir dans l’immobilier hôtelier

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Les taux associés aux produits d’épargne sont retombés à un plancher historique. A en croire certaines publicités, un investissement dans l’immobilier hôtelier serait aussi sûr qu’un livret. “Cette comparaison avec des produits d’épargne ou de placement ne tient pas la route, réagit Jo Poppe (Axel Lenaerts Invest). Une chambre d’hôtel s’apparente plutôt à un appartement.”

Un important site belge consacré aux investissements dans des chambres d’hôtel est néerlandophone : vous trouvez sur www.devastgoedgids.be une liste d’articles informatifs, apparemment impartiaux, entrecoupés de liens vers “nos projets favoris”. Il est important de savoir que ce site collabore avec trois promoteurs : Creadomus, Bricks & Leisure et Twin Properties, trois entreprises ayant leur siège à la même adresse à Gand. Derrière chaque projet recommandé par De Vastgoedgids se cache un membre de ce trio. En d’autres termes : il ne s’agit pas a priori d’une source d’information objective.

Peut-être vos recherches vous mèneront-elles à un autre site néerlandophone : www.koophotelkamers.be. Vous y trouverez des liens vers 10 projets en Belgique. Il s’agit d’hôtels exploités sous la bannière Ibis, Radisson, Mercure ou encore Ramada. A première vue, vous avez chaque fois affaire à un vendeur différent. Mais les apparences sont trompeuses : il s’agit à nouveau de projets proposés par les trois entreprises citées ci-dessus, ainsi que par Industrie Hotelière. Et dans une offre d’emploi publiée par cette dernière pour un poste de sales manager, nous pouvons lire : “Industrie Hotelière est l’un des principaux promoteurs belges actifs dans l’immobilier de rapport et les résidences secondaires. Il comprend également les sociétés Gromabel, Twin Properties…”.

Sur la page d’accueil de www.koophotelkamers.be, vous trouverez également, dans le coin inférieur droit, une publicité d’Ibis Styles Hotels au slogan alléchant : “Chambre d’hôtel à Zeebrugge : plus sûr que le compte d’épargne”. La comparaison est totalement hors de propos. Le rendement proposé par les banques sur votre compte d’épargne est garanti. Un rendement maigre, certes, mais qui vous est acquis. En cas de faillite, le fonds de protection des dépôts vous donne également la certitude de récupérer votre mise à concurrence de 100.000 euros par établissement bancaire. Ce n’est pas du tout le cas d’un investissement dans des chambres d’hôtel.

Si vous cliquez sur la publicité, vous aboutissez à un autre site web. Les mentions en “petits caractères” y précisent effectivement qu’aucune garantie n’est fournie en matière de rendement. On vous prévient également qu’il s’agit d’un investissement de plus de 100.000 euros, qui ne relève donc pas de la loi relative aux prospectus. En d’autres termes : il n’est pas soumis aux mêmes obligations en termes d’information que les produits d’épargne ou de placement commercialisés par les banques. Par exemple : contrairement aux produits bancaires, les publicités en faveur des chambres d’hôtel ne doivent pas obtenir l’aval de la FSMA, l’organe de surveillance des marchés financiers. Enfin, ces mentions en petits caractères vous apprennent le nom du vendeur de ces chambres d’hôtel : Creahotels, dont l’adresse e-mail est info@creadomus.be. A croire que toutes les voies de l’Internet mènent aux mêmes promoteurs dans l’immobilier hôtelier…

Mais si une chambre d’hôtel n’est certainement pas “aussi sûre” qu’un compte d’épargne, cela ne signifie pas pour autant que l’investissement ne soit pas rentable. Pour le savoir, nous avons dressé une liste de questions que vous devriez vous poser par rapport à tout projet qui vous est proposé. Nous les avons soumises à Jo Poppe, le pragmatique associé d’Axel Lenaerts Invest, à Stefan Pintjens (Test-Achats Invest), qui a envoyé un enquêteur anonyme en reconnaissance, et au notaire Bart van Opstal. Et nous avons écouté la position de Creadomus sur ce sujet.

1. QU’ACHETEZ- VOUS ?

• Pleine propriété

” Ceux qui achètent une chambre d’hôtel chez moi acquièrent la chambre et la partie correspondante du terrain en pleine propriété, répond Jo Poppe. Nous vendons actuellement des chambres d’un hôtel Ibis existant et en service. Il est exploité par le groupe Cayman. Toutes les chambres sont vendues à des investisseurs.”

Selon Jo Poppe, un investissement dans une chambre d’hôtel est comparable à un investissement dans un appartement. Vous y êtes tout autant tributaire des copropriétaires. Les mêmes règles sont d’application. Sauf que vous n’allez pas louer la chambre vous-même, mais rémunérer un tiers qui le fera pour vous. Vous ne décidez pas non plus de l’aménagement ni de la rénovation de votre chambre. “La famille Cayman possède 25 ans d’expérience dans le secteur. Elle est propriétaire de 11 hôtels existants et de cinq hôtels en construction.”

• Bail emphytéotique

Chez Creadomus, il s’agit d’hôtels Ibis qui doivent encore être construits, étendus ou rénovés. C’est une première différence.

Deuxième différence : les investisseurs n’acquièrent pas la pleine propriété du terrain. “Les investisseurs ont la pleine propriété de la chambre d’hôtel et la pleine jouissance du terrain, explique un porte-parole qui préfère que son nom ne soit pas mentionné dans l’article. Autrement dit : vous payez un canon, en échange duquel vous acquérez le droit d’utiliser votre part du terrain pendant 99 ans. Le bail emphytéotique est très courant dans les investissements dans des chambres d’hôtel. L’avantage d’un tel contrat est qu’il permet de fixer certaines règles pour les investisseurs.”

Une troisième différence réside, selon lui, dans le nombre de chambres qui sont vendues. “Nous commençons par investir dans le terrain. Ensuite, nous développons l’hôtel que nous exploitons sous franchise. Enfin, nous vendons la moitié des chambres d’hôtel à des investisseurs”, explique-t-il. Le porte-parole souligne que l’hôtel est soumis à la loi sur la copropriété et que Creadomus ne détient pas la moitié des droits de vote à l’assemblée des copropriétaires, mais autant de droits de vote que le deuxième propriétaire par ordre d’importance. “Nous ne pouvons donc pas imposer notre volonté.”

“Nous assurons nous-mêmes l’exploitation. L’acquéreur est en effet tenu de céder l’exploitation à un exploitant central, sans quoi c’est la cacophonie.” Les copropriétaires peuvent cependant décider de mettre sur la touche un exploitant si celui-ci faillit à ses devoirs. Mais ils devront alors trouver eux-mêmes un successeur, ce qui est autrement plus périlleux.

Le contrat avec Creadomus prévoit également une “obligation de maintien en état” pour les investisseurs. “La plus grosse erreur que l’on puisse commettre dans des projets de ce type est de ne pas investir dans la rénovation par appât du gain.” Une partie du chiffre d’affaires de l’hôtel est automatiquement mise de côté pour la rénovation régulière du bien. L’investisseur est en outre obligé de mettre la main au portefeuille si des travaux plus importants s’avèrent nécessaires. C’est l’obligation de maintien en état. Ceux qui ne peuvent pas mettre suffisamment d’argent sur la table si l’association des propriétaires décide par exemple de rénover la toiture risquent même ce qui s’apparente à une expropriation. Le bail emphytéotique prévoit en effet des clauses pénales et même une vente forcée.

2. COMBIEN DEVEZ-VOUS INVESTIR ?

L’achat d’une chambre d’hôtel à Charleroi via Axel Lenaerts Invest vous coûtera 115.625 euros. Mais il faut y ajouter les honoraires du notaire et les droits d’enregistrement. Comptez environ 2.000 euros pour le notaire et l’équivalent de 14.453 euros en droits d’enregistrement. Soit un investissement total de 132.078 euros. Chez Creadomus, nous avons reçu la réponse suivante : “Le prix d’entrée moyen pour une chambre d’hôtel s’élève à 100.000 euros. Le prix tout compris (TVA, frais de notaire, etc.) atteint ainsi 150.000 euros. Ce montant doit cependant être nuancé, car il dépend en grande partie de la situation précise de l’hôtel, du type de chambre, de l’enseigne…”

3. QUE RAPPORTE VOTRE INVESTISSEMENT ?

• Hôtel existant

Jo Poppe évoque un “rendement prouvé de 7,7 %” avant impôts. “Nous connaissons le chiffre d’affaires réalisé par l’hôtel en 2015, explique-t-il. Ce n’est certes pas une garantie pour l’avenir, mais une bonne indication.” Les propriétaires des chambres d’hôtel se partagent 90 % du bénéfice. Les 10 % restants du bénéfice reviennent au groupe Cayman.

Le bénéfice est évidemment affecté par les coûts. Jo Poppe énumère soigneusement les recettes et les charges. “La location des chambres et des salles de réunion, les ventes de boissons et de repas. Pour résumer, chaque euro que les clients de l’hôtel dépensent est versé dans un pot commun qui regroupe toutes les recettes. On en déduit les frais liés au contrat de franchise avec Accor (le propriétaire d’Ibis), au personnel, à l’entretien, à la commercialisation, à la rémunération du management, au gaz, à l’eau et à l’électricité, au programme de rénovation, etc. pour obtenir le bénéfice. A partir de 2018, 5 % du chiffre d’affaires provenant de la location des chambres sera affecté au fonds pour la rénovation. La fréquence de remplacement des moquettes, des meubles et de l’équipement sanitaire est fixée à l’avance. Les chambres devront également être entièrement remises à neuf à intervalles réguliers.”

Les investisseurs doivent encore déduire de leur quote-part bénéficiaire la rémunération du syndic, le gestionnaire du bâtiment, comme dans le cas d’un appartement.

• Hôtel neuf

Chez Creadomus, on nous précise qu’il est nécessaire d’investir dans la construction ou la rénovation avant d’envisager le moindre rendement. “Un hôtel atteint généralement sa vitesse de croisière après cinq ans, ajoute le porte-parole. Pour les hôtels existants, les rendements fluctuent entre 2 et 3 %. C’est ce que nous apprend le passé.”

“Toutefois, précisera le porte-parole à plusieurs reprises durant la conversation, nous ne donnons aucune forme de garantie de rendement. Le rendement d’une chambre d’hôtel dépend du taux d’occupation, du prix de la chambre (loyer) et de la structure des coûts de l’hôtel.” Nous n’obtiendrons cependant pas d’autre information sur le calcul de ce rendement.

Les acquéreurs potentiels de chambres d’hôtel reçoivent cependant un tableau contenant une estimation des rendements futurs d’un projet compte tenu de différents scénarios d’occupation. L’enquêteur de Test-Achats Invest nous a fourni ces simulations (lire l’encadré ” L’avertissement de Test-Achats Invest”).

4. DE QUELS IMPÔTS ÊTES-VOUS REDEVABLE ?

La réponse de Jo Poppe est claire : d’une part, vous êtes redevable d’un précompte immobilier sur la base d’un revenu cadastral de “maximum 180 euros”. D’autre part, vous devez vous acquitter d’un impôt sur les revenus locatifs. Si vous réalisez l’investissement par l’intermédiaire d’une société, vous serez également frappé d’une taxe sur les revenus de l’entreprise. Si vous achetez une chambre d’hôtel en tant que personne privée, renseignez-vous sur les règles applicables à la location de chambres meublées.

“Pour 10.000 euros de revenus, précise Jo Poppe, vous pouvez déclarer 6.000 euros de revenus immobiliers et 4.000 euros de revenus mobiliers. Sur vos revenus immobiliers, vous pourrez déduire le cas échéant 2.115 euros d’intérêts sur un éventuel emprunt. Restent 3.085 euros, qui seront imposés au taux maximum de 53 % sur la tranche d’imposition supérieure. Sur vos revenus locatifs mobiliers, 50 % sont exonérés d’impôts, tandis que les 2.000 restants sont taxés à 27 %, soit 540 euros.”

Creadomus ne nous a pas fourni la même réponse. Le mystery shopper de Test-Achats Invest, qui s’est fait passer pour un acquéreur potentiel, a précisé qu’il n’avait reçu que des réponses vagues à toutes ses questions de nature fiscale. “Il existe de nombreux régimes fiscaux appliqués dans la pratique, en fonction du montage, et les différences peuvent dès lors être considérables, a indiqué le porte-parole. L’acheteur d’une chambre d’hôtel doit se renseigner auprès de son fiscaliste ou de son contrôleur.”

Face à notre insistance, le porte-parole a fini par ajouter ceci : “Nous avons par exemple un hôtel à Zeebrugge, dont nous avons structuré l’exploitation dans une société interne. Les acheteurs regroupent temporairement leur droit d’utilisation dans cette société en échange d’une créance. Chaque paiement effectué par la société, jusqu’à ce que cet emprunt soit remboursé, constitue donc une transaction exonérée d’impôts. L’acquéreur ne paie donc pas d’impôts sur les revenus locatifs et peut du reste récupérer sa TVA”.

5. QUI SUPERVISE ?

” Le notaire s’assure de la validité des transactions immobilières. Cela dit, il existe également un comité d’audit. Les propriétaires peuvent désigner trois personnes au titre de représentants, qui sont invitées chaque année à participer à une assemblée avec la direction, à qui elles peuvent poser des questions de nature financière ou stratégique.”

Jo Poppe ajoute qu’Ibis/Accor contrôle chaque jour les chiffres liés à l’exploitation. “L’accord avec Ibis s’étend sur 15 années. Ils ont évidemment le souhait que l’hôtel soit bien géré et, en conséquence, contrôle son exploitant. Il y a moins de risques de vide locatif ou de mauvais payeur qu’avec un appartement.”

6. À QUI VENDRE LA CHAMBRE D’HÔTEL ?

Une chambre d’hôtel s’achète de préférence pour du long terme. Cependant, un événement peut survenir qui vous contraigne à trouver des fonds de manière urgente.

Jo Poppe affirme qu’une revente peut s’envisager simplement. “Souvent, les copropriétaires, enthousiasmés par le rendement de leur investissement, sont désireux d’acquérir une chambre supplémentaire. Axel Lenaerts Invest est également prêt à racheter la chambre, car la demande est supérieure à l’offre.”

Chez Creadomus, le son de cloche est différent. “Nous sommes promoteurs, et notre priorité est donc la vente de nos propres chambres d’hôtel. C’est compréhensible, explique le porte-parole. Vous pouvez proposer votre bien aux copropriétaires. C’est la façon la plus courante de revendre votre chambre. Vous pouvez aussi solliciter un agent immobilier. Par ailleurs, vous pouvez aussi nous la proposer.”

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