Seconde résidence : attention aux répercussions fiscales

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Comme nous l’annoncions il y a quelques semaines, les bonnes affaires ne manquent pas sur le marché immobilier français. Mais toute acquisition doit se faire en parfaite connaissance de cause, notamment des modalités fiscales concoctées par le président François Hollande et son gouvernement.

Pas moins de 100.000 Belges possèdent une seconde résidence en France. Pour nos compatriotes qui envisagent de s’offrir un pied-à-terre outre-Quiévrain, ce ne sont pas les opportunités qui manquent. Le nombre de transactions a tendance à diminuer, d’où la tendance baissière des prix. Mais tant les seconds résidents belges dans l’Hexagone que les Belges candidats acheteurs doivent tenir compte des conséquences fiscales de leurs actes, chez nous comme en France. Impôts belges Vous êtes tenu de renseigner votre habitation française dans votre déclaration à l’impôt des personnes physiques en Belgique. Si vous la louez, vous devez déclarer les revenus locatifs sur base annuelle. Si le bien n’est pas mis en location, vous devez en mentionner la valeur locative, c’est-à-dire le montant brut annuel moyen que vous pourriez percevoir pour sa location. Le loyer doit être estimé correctement. Pour ce faire, vous pouvez demander une estimation à une agence immobilière locale par exemple.

S’il existe une convention préventive de double imposition entre la Belgique et le pays où se trouve votre seconde résidence, ce qui est le cas de la France, les revenus locatifs ou la valeur locative seront exemptés en Belgique. Il vous faudra toutefois tenir compte de ce qu’on appelle la réserve de progressivité. Il se peut donc que vous vous retrouviez dans une tranche d’imposition supérieure. Supposons que vous possédiez sur le sol français une villa d’une valeur locative de 15.000 euros par an. Bien qu’exonéré d’impôts en Belgique, ce montant doit être déclaré dans le royaume afin d’être pris en considération pour déterminer le taux de l’impôt applicable à vos autres revenus belges, ce qui pourrait faire grimper votre base imposable. Si vous relevez déjà de la tranche d’imposition de 45 %, il y a fort à parier que l’ajout de vos rentrées immobilières françaises vous projette dans la tranche d’imposition la plus élevée de 50 %. Vous devrez donc, en fin de compte, payer 5 % d’impôts supplémentaires sur vos revenus belges — pas sur vos revenus immobiliers français déjà taxés dans l’Hexagone. Si vous payiez déjà le prix fort de 50 % d’imposition, la possession d’un bien immobilier à l’étranger ne fait guère de différence.

Si votre propriété se trouve dans un pays avec lequel la Belgique n’a pas conclu de convention préventive de double imposition, vous serez imposé dans les deux pays, en Belgique et à l’étranger. Vous bénéficiez toutefois d’une exonération de 50 % sur l’impôt belge. Les 50 % restants sont redevables dans l’autre pays concerné.

Impôts français Vous êtes ou devenez propriétaire d’un bien immobilier sur le sol français ? Sachez qu’il vous faudra acquitter plusieurs taxes.

Vous devrez payer 5,09 % de “droits de mutation”. C’est moins que les 10 % de droits d’enregistrement redevables en Flandre ou les 12,5 % à Bruxelles et en Wallonie, soit une petite économie de 5 à 6 %. A cela viennent s’ajouter la taxe foncière et la taxe d’habitation, différentes d’une commune à l’autre et pouvant s’élever à plusieurs milliers d’euros par an. Vous devrez le cas échéant en outre payer l’impôt de solidarité sur les grosses fortunes, le fameux ISF, redevable sur tout bien (mobilier et immobilier) français d’une valeur supérieure à 1,3 million d’euros.

Si vous louez votre propriété immobilière française, vos revenus locatifs seront taxés dans l’Hexagone. Que les choses soient claires : vous devez les indiquer dans votre déclaration belge à l’impôt des personnes physiques mais ne serez pas imposé en Belgique. Le régime fiscal des revenus locatifs perçus en territoire français, particulièrement complexe, adopte un tout autre point de vue que le régime belge. Nous nous limiterons ici aux obligations fiscales liées à la location d’un bien meublé. Si les revenus locatifs ne dépassent pas 32.600 euros, le régime du “micro-loueur” est d’application. Dans ce cas, le bénéfice imposable est égal au montant des revenus locatifs, moins une déduction forfaitaire de 50 % dudit montant. La base imposable équivaut donc à 50 % du loyer.

Mettons que vous touchiez 5.280 euros de loyers pour votre meublé en France, vous serez taxé à concurrence de 50 % du loyer encaissé, c’est-à-dire sur 2.640 euros. L’impôt à acquitter équivaudra donc à 20 % de l’assiette imposable, soit 528 euros. Il est possible, dans certains cas, de déroger à ce régime. Si vous pouvez prouver que vos frais récurrents (amortissements compris) imputables au maintien de vos revenus locatifs excèdent 50 % du loyer perçu, vous pouvez appliquer la déductibilité des frais réels (factures d’entretien et de réparation, frais de gestion et de copropriété, frais d’assurance, charges d’emprunt, amortissement du bâtiment et du mobilier entre autres). Sachez également que le président François Hollande a majoré l’impôt sur les revenus locatifs d’un prélèvement social de 15,5 %, comme sur la plus-value (voir tableau). Le Belge est donc redevable de 20 % + 15,5 %, soit 35,5 % d’impôt sur 50 % du loyer encaissé pour un bien immobilier meublé. Bonne nouvelle toutefois : la TVA acquittée sur l’achat d’une nouvelle habitation peut être récupérée.

Le gouvernement français — toujours en quête de nouvelles rentrées fiscales pour les caisses de l’Etat — a jeté son dévolu sur les propriétaires de seconde résidence dans l’Hexagone, même domiciliés dans un autre pays. Le bénéfice — autrement dit la plus-value — réalisé à la revente d’un bien immobilier français est plus lourdement taxé depuis le 1er septembre 2013.

Vous payez sur la plus-value un premier impôt de base de 19 % auquel vient s’ajouter un prélèvement social de 15,5 %, dorénavant redevable par les propriétaires étrangers d’un bien en France également. Si le bénéfice réalisé entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2015 dépasse 50.000 euros, l’impôt de base et le prélèvement social seront majorés de 2 à 6 %. Il est possible de bénéficier d’une réduction tant de la taxe ordinaire que des prélèvements sociaux — le fameux abattement — si la plus-value est réalisée plus de cinq ans après l’achat.

L’impôt de base est diminué de 6 % par an jusqu’à la 21e année incluse. La 22e année et la dernière année d’exonération de l’impôt de base, la diminution est de 4 %. En cas de revente après 22 ans, l’impôt de base ne s’applique plus (voir tableau P.114). Le prélèvement social, quant à lui, est réduit de 1,65 % par an entre la 6e et la 21e année après l’achat. La 22e année, la réduction se chiffre à 1,6 % et de la 23e à la 30e année incluse, à 9 % par an. Tout bénéfice dégagé d’une revente 30 ans après l’achat est donc totalement exonéré tant de l’impôt de base que des prélèvements sociaux. “A première vue, les réductions décidées par François Hollande semblent positives mais il ne faut pas oublier que l’exonération fiscale complète n’intervient qu’au bout de 30 ans et non plus 22 ans, déclare Alain Lacourt, gestionnaire de patrimoine spécialisé dans l’immobilier français. Entre la 22e et la 30e année, les prélèvements sociaux restent d’application. Il faut en outre tenir compte de la possible majoration à tout moment du taux de 15,5 % des prélèvements fiscaux, une taxe liée à la réforme des pensions légales en France. Si les cotisations sociales sur les pensions augmentent, les prélèvements sociaux seront majorés, avec des répercussions négatives sur l’imposition de la plus-value réalisée sur les biens immobiliers.”

Complexe L’acquisition d’une seconde résidence en France ou ailleurs à l’étranger peut s’avérer très complexe. Si vous contractez un prêt dans une banque belge pour financer un tel achat, la banque réclamera des garanties sans aucun rapport avec votre bien étranger. Pour une raison fort simple : si le remboursement du prêt pose problème, la banque belge ne peut pas vendre le bien étranger hypothéqué comme elle veut. Vous devrez donc fournir toutes sortes d’autres garanties. Un placement immobilier à l’étranger constitue donc toujours une opération complexe et risquée. Il est vivement recommandé de se faire conseiller et assister par un expert qui peut renseigner l’acheteur sur les avantages d’une éventuelle société, l’établissement d’un éventuel plan fiscal et successoral, voire les possibilités d’immigration.

JOHAN STEENACKERS

Echange d’informations entre la Belgique et la France Vous vous demandez peut-être comment le fisc belge est au courant de votre pied-à-terre français. Autrefois, certains contribuables belges rivalisaient de tours de passe-passe pour cacher leur bien étranger au fisc. C’est impossible depuis quelques années déjà. La Belgique a en effet conclu avec certains pays des conventions internationales “d’échange automatique de données relatives au droit de propriété ou à la cession du droit de propriété de biens immobiliers”.

Si vous possédez une seconde résidence dans un des pays concernés, en France notamment, les administrations fiscales étrangères devront automatiquement en informer le fisc belge. Des Belges rusés tentent de dissimuler leur propriété étrangère dans une société immobilière étrangère. La société civile immobilière (SCI) française en est un bel exemple. Les associés ou gérants d’une SCI sont pourtant tout sauf anonymes car les actes constitutifs des sociétés françaises — dont les SCI — mentionnant l’identité et l’adresse des associés fondateurs en France sont enregistrés en bonne et due forme. Le fisc français renseignera donc son homologue belge sur l’identité des actionnaires d’une SCI.

Ce qu’il faut en retenir L’achat d’un bien immobilier en France peut avoir des répercussions fiscales importantes et complexes, tant en Belgique que dans l’Hexagone. Les propriétaires d’un bien immobilier outre-Quiévrain sont dans le collimateur du gouvernement français, même s’ils résident à l’étranger. Nous déconseillons l’acquisition d’un bien immobilier sur le sol français à titre de placement en vue d’une revente à court terme visant à réaliser une plus-value. Une telle acquisition ne peut se faire qu’en toute connaissance de cause, notamment des récentes majorations de l’impôt sur la plus-value décidées par le gouvernement français, applicables aux étrangers également.

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