Pourquoi la loi sur les garanties locatives est un échec

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Avec la nouvelle loi sur les garanties locatives, le législateur voulait faciliter l’accès financier au marché locatif. Problème : la loi n’est largement pas appliquée sur le terrain, dénonce le Groupe de travail Garantie locative.

La garantie locative est un élément important dans la recherche d’un logement. Beaucoup de candidats locataires éprouvent des difficultés à constituer cette garantie, ce qui peut effectivement entraver leur accès au marché du logement.

“Autant dire que la garantie revêt une importance cruciale dans l’exercice du droit à un logement décent”, estiment, dans un communiqué commun, les membres du Groupe de travail Garantie locative, qui rassemble CAW Mozaiek/Woonbegeleiding, le Réseau belge de lutte contre la pauvreté, le Rassemblement bruxellois pour le droit à l’habitat, Samenlevingsopbouw Brussel, Solidarités Nouvelles et le Vlaams Overleg Bewonersbelangen.

“Avec la nouvelle loi, le législateur voulait faciliter l’accès financier au marché locatif, rappelle le Groupe. D’une part, en limitant le montant de la garantie à deux mois de loyer maximum en cas de compte individualisé au nom du locataire ; d’autre part, en donnant la possibilité de constituer la garantie au moyen de versements mensuels réguliers pendant trois ans maximum et pour un montant maximal de trois mois de loyer.”

Un deuxième objectif de la loi était de lutter contre une exclusion en raison de l’origine de la garantie, grâce à un formulaire neutre. “Un tel formulaire ne mentionne en effet pas si la garantie a été avancée ou si elle a été constituée grâce à une intervention du CPAS”. Enfin, la loi prévoyait également une évaluation du système un an après son entrée en vigueur.

“Si la Conférence interministérielle du logement a effectivement (et tardivement) créé un groupe de travail intercabinets dans le cadre de cette évaluation, ce dernier a toutefois dû suspendre ses activités lorsque le gouvernement est tombé, sans résultats”, déplore le Groupe de travail, qui énumère un certain nombre de problèmes constatés sur le terrain.

Problème n° 1 : certaines formes de garantie prévues ne sont pas proposées

La garantie bancaire n’est par exemple pratiquement pas appliquée. Le Groupe de travail Garantie locative a chargé 10 personnes, clientes auprès de quatre banques différentes, de téléphoner à leur banque pour s’informer sur la garantie bancaire. Ces entretiens téléphoniques ont été filmés et permettent de formuler les constats suivants :

– des frais de dossier élevés, de l’ordre de 250 euros, sont réclamés, en contradiction totale avec l’objectif poursuivi (instaurer une formule qui permette aux personnes à faibles revenus de constituer une garantie locative) ;

– les informations sont rares, floues, voire incorrectes (sur les intérêts, par exemple) ;

– des conditions supplémentaires sont posées par les banques, comme un revenu suffisant, un travail, un critère d’âge, un remboursement en 12 mois (le délai légal est de 36 mois) ;

– la possibilité d’une garantie bancaire est parfois tout simplement niée ;

– des “malentendus” entre les enquêteurs et les employés de banque sont constatés, ces derniers se référant presque systématiquement au système du compte bloqué ou à un système de prêt à usage personnel (avec intérêt).

“Les chiffres des fédérations flamandes de locataires pour 2010 (basés sur 12.052 dossiers) confirment que le recours à ces garanties bancaires est extrêmement bas et constant (autour de 1,5 %), sans compter que la majorité de ces garanties bancaires résulte d’une convention type avec le CPAS. Les chiffres de “Convivence – Samenleven” corroborent ces constats : aucun des usagers n’a pu constituer sa garantie au moyen d’une garantie bancaire.”

Problème n° 2 : dans un grand nombre de cas, on a recours à une autre forme de garantie

Les chiffres des fédérations flamandes de locataires montrent que, dans ces dossiers, 19 % des garanties sont payées en espèces aux propriétaires. Selon les chiffres bruxellois de l’association “Convivence – Samenleven”, c’est même le cas de 197 garanties locatives sur 321 (61 %). Bien que cette forme de garantie soit manifestement en contradiction avec les exigences légales, depuis déjà 1984, il semble que près d’un propriétaire sur cinq continue à exiger que la garantie locative soit payée de main à main, indique le groupe de travail.

Une partie importante des dossiers des fédérations flamandes de locataires (12,7 %) concerne d’une part un compte Korfina et, dans une moindre mesure, une garantie écrite du CPAS. Le compte Korfina est un produit d’assurance-vie assez couramment utilisé par les agences immobilières. Dans ce cas, il est souvent exigé davantage que l’équivalent de deux mois de loyer.

La deuxième forme de garantie est une garantie écrite par laquelle le CPAS se porte caution auprès du propriétaire à concurrence d’un certain montant. Cette forme de garantie a l’inconvénient de permettre au propriétaire de savoir que le candidat locataire est un usager du CPAS et qu’il a dû faire appel à celui-ci pour pouvoir constituer sa garantie. C’est précisément ce que le législateur a voulu éviter au moyen du formulaire neutre.

Problème n° 3 : autres constats

– Le fait qu’en pratique, tout le monde n’a pas les mêmes possibilités de choix : certaines personnes se voient contraintes d’accepter la forme de garantie qui est proposée par le propriétaire à la signature du contrat de bail ;

– le formulaire neutre prévu par le législateur n’est pas ou pratiquement pas utilisé ;

– le fait que des propriétaires demandent des renseignements complémentaires sur le profil socioéconomique des candidats locataires, ce qui peut les conduire à refuser certains de ces candidats.

Une demande d’action politique

Les membres du Groupe de travail Garantie locative, soutenus par plusieurs organisations de la société civile, demandent que les responsables politiques agissent pour améliorer de manière structurelle l’accès au marché locatif, et en particulier la constitution de la garantie locative. Le Parlement a un rôle important à jouer à cet égard.

Instaurer un fonds central des garanties locatives : “Un fonds central reste, pour bon nombre d’acteurs, le meilleur moyen de régler le problème de la garantie. L’idée a déjà été portée par quelques propositions de loi et est également mentionnée dans l’accord de gouvernement bruxellois et wallon. Le Groupe de travail Garantie locative élabore pour le moment de façon très concrète le concept d’un fonds central des garanties locatives.”

A court terme, résoudre les problèmes sur le terrain : “Les responsables politiques doivent, à plus court terme, mettre la pratique davantage en conformité avec les objectifs du législateur, dans l’attente de la réalisation du fonds central de garanties locatives. Dans ce but, une modification de l’article 10 de la loi sur les baux à loyer est nécessaire. Le Groupe de travail Garantie locative a développé plusieurs propositions afin d’adapter le texte.”

Trends.be

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