Panneaux solaires : le violent retour de flamme

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La fin de la déduction fiscale pour les investissements économiseurs d’énergie feraient passer de sept à douze ans le délai de rentabilisation des panneaux solaires. “Faux !”, rétorque la Confédération flamande de la construction. Mais ce n’est pas la seule menace qui plane au-dessus du secteur. Explications.

Pour autant que l’on fasse les bons choix, les panneaux solaires peuvent encore atteindre leur seuil de rentabilité en moins de sept ans, indique vendredi la Confédération flamande de la construction (VCB), en réaction à une information publiée dans L’Echo et De Tijd.

D’après ces deux journaux, le délai de rentabilisation des panneaux solaires photovoltaïques passe de sept à presque douze ans, à la suite de la suppression, par le gouvernement Di Rupo, de la déduction fiscale de 40 % pour les investissements destinés à économiser de l’énergie.

La VCB dit regretter la publication de ce calcul, selon lequel l’amortissement serait plus long de cinq ans : “De tels articles sèment injustement le doute chez les candidats à la construction, déplore-t-elle, ajoutant qu’il est nécessaire de bien informer les gens.

La hausse des prix du pétrole et du gaz naturel aura un impact plus important que ce que prévoient les modèles de calcul actuels, explique la VCB : “Le délai de rentabilisation des investissements dans les énergies renouvelables ne peut dès lors qu’être plus court”, conclut la Confédération.

Photovoltaïque : le violent retour de flamme

Problème : les projets de plusieurs commissaires européens visant à soutenir le secteur du photovoltaïque risquent bien de se heurter à une énorme surproduction. Ironie du sort, cette dernière résulte notamment d’une politique européenne censée encourager l’utilisation de cellules photovoltaïques.

En juin dernier, le groupe de travail de haut niveau de la Commission européenne a publié son rapport sur la nécessité de maintenir en activité les usines de plusieurs secteurs-clés en Europe. Cette instance recommande notamment de dégager davantage de capitaux en faveur du secteur photovoltaïque. Selon les experts, le succès des fabricants chinois de cellules solaires ne tient en effet pas tant aux faibles salaires pratiqués dans le pays – qui ne représentent somme toute que 10 % des coûts – qu’à leur financement public bon marché. “L’accès aux capitaux destinés à l’investissement doit être facilité de manière à créer un terrain de jeu plus équilibré en Europe”, a conclu le groupe de travail.

Il y a fort à parier, cependant, que cet appel aux subsides intervienne trop tard. Dans les circonstances actuelles, les producteurs de cellules photovoltaïques sont aussi intéressants pour les investisseurs que les banques. Sur les 50 gigawatts de capacité de production annuelle – presque autant que l’ensemble des panneaux solaires jamais installés – 50 à 70 % sont désormais inactifs, selon les estimations publiées dans une analyse sectorielle de la banque suisse Sarasin. Conséquence ? Une spirale baissière des prix.

Aux Etats-Unis, Evergreen Solar, Spectrawatt et, en septembre, Solyndra, ont déjà mis la clé sous le paillasson. Il y a deux ans, Solyndra avait pourtant encore bénéficié d’une garantie d’Etat à hauteur de 535 millions de dollars sous la forme d’emprunts, contre près d’un milliard de dollars de la part des investisseurs. Le contribuable américain a perdu la quasi-totalité de cet argent. Le secrétaire d’Etat à l’Energie Steven Chu ne s’en est guère ému lors d’une audition devant une commission du Congrès. “Nous devons agir sur le fil du rasoir pour avoir ce marché”, a-t-il déclaré.

Chu s’explique en pointant du doigt les subsides chinois. Mercom Capital Group a estimé que l’industrie chinoise de l’énergie solaire avait bénéficié, rien que sur les neuf premiers mois de l’exercice 2011, de 40,7 milliards de dollars d’emprunts émis par des banques d’Etat.

La moitié pour la Chine

Il y a cinq ans, l’Allemagne était encore – derrière le Japon – le plus important producteur de cellules photovoltaïques. Cette époque est bien révolue. En 2010, la production allemande a certes enregistré une progression de 38 %, mais la Chine affichait en parallèle une hausse de 175 % et Taïwan de 130 %. En chiffres absolus, la production chinoise s’est accrue en 2012 de 8,3 gigawatts – et dépasse les 13 gigawatts – ce qui représente près de la moitié de la production mondiale de cellules solaires (27,2 gigawatts, voir graphique en p.54). En 2010, les cellules solaires provenaient d’Asie à concurrence de 82 %.

L’ironie veut que cette production chinoise soit principalement acheminée vers l’Europe, où la demande est artificiellement stimulée – même dans les régions où le nombre d’heures d’ensoleillement est faible, comme en Belgique. Autrement dit, le secteur est maintenu en vie artificiellement, tant du côté de la demande que de l’offre.

La première déconvenue est intervenue en 2009 avec l’effondrement du marché espagnol. En conséquence, le prix des panneaux solaires japonais et européens a chuté de 35 %, celui des panneaux chinois de 45 %, selon la Banque Sarasin. Il n’en fallait pas davantage pour attiser l’appétit des consommateurs, ce qui a donné lieu à un pic de la demande en 2010. La capacité installée a augmenté de 16,6 gigawatts (+190 %) en Europe. Cette année-là, notre continent représentait, au niveau mondial, 82 % des nouvelles installations selon le bureau d’étude IMS Research.

Moment-charnière

Le monde politique a réagi en durcissant le mécanisme des subsides. Après avoir eu le vent en poupe, le secteur a été confronté à la surproduction, au dumping et aux pertes. IMS Research prévoit que cette année en Europe, la croissance reculera à 3 %. Hormis quelques exceptions comme First Solar, tous les fabricants de cellules solaires – y compris chinois – ont publié des pertes au terme du dernier trimestre. Très logiquement, l’ère de la consolidation a désormais sonné, avec son lot de reprises et de faillites.

Le constat de base est le suivant : la capacité installée progresse moins rapidement que les prix diminuent. Au cours des neuf premiers mois de l’année 2011, les panneaux solaires ont perdu environ 22% de leur valeur en Europe, davantage encore en Chine. Alex Polfliet, porte-parole de l’organisation sectorielle PV Vlaanderen, assure que certains panneaux se vendent désormais à 0,67 euro par watt-crête (Wp), soit 17 % de moins que le coût de production des panneaux solaires silicium-cristallin, que le producteur allemand de machines Centrotherm estimait en août à 0,81 euro par Wp. “La diminution de prix concerne essentiellement les panneaux. Le prix des transformateurs (la deuxième composante du prix d’une installation, Ndlr) ne baisse en revanche presque pas”, précise Ben Kunnen, consultant chez SolarTotal, un revendeur néerlandais qui a réalisé chez nous un chiffre d’affaires de 59 millions d’euros l’an dernier.

Le moment est donc crucial. “Au cours des deux prochaines années, les panneaux ne représenteront plus que 35 à 40% du coût total d’une installation, contre 50 à 60% aujourd’hui”, estiment les analystes de la Banque Sarasin. Les nouvelles diminutions de prix auront dès lors un effet moins important sur la demande, un facteur qui n’est pas de nature à soutenir un secteur en situation de surproduction.

En Allemagne, la rétribution pour la vente garantie de courant vert à partir d’installations privées a diminué de 15% au premier janvier. L’Allemagne est ainsi l’un des meilleurs élèves de la classe, selon Marie Latour, national policy advisor de l’European Photovoltaic Industry Association (EPIA). Là au moins, on note une systématisation des adaptations, contrairement à ce qui se passe en Grande-Bretagne. “Notre secteur a avant tout besoin de prévisibilité”, estime-t-elle. “Les investisseurs ne peuvent rien planifier dans un contexte qui change constamment”.

En Belgique également, cette prévisibilité fait défaut. Maarten Maes, partenaire chez Energietech, un installateur de panneaux solaires basé à Herent, prévoit que le secteur prendra une “sérieuse raclée” en Belgique étant donné que le gouvernement fédéral a supprimé l’avantage fiscal de 40 %. “Jusque-là, les panneaux solaires pouvaient être amortis en quatre ans. La réduction fiscale jouait un rôle majeur à cet égard”, précise-t-il. En deux ans d’activité, les deux associés d’Energietech ont procédé à trois embauches et leur carnet de commandes est plein… “Mais depuis la suppression de la déduction, nous sommes dans l’expectative”, témoigne Maarten Maes. Alex Polfliet estime que la durée d’amortissement des panneaux s’est allongée de trois ans.

L’EPIA prévoit que l’énergie solaire pourra devenir compétitive à partir de 2017 dans un cadre législatif efficient et ce, dans les principales régions d’Europe. En Italie, les installations commerciales pourraient concurrencer les énergies fossiles dès 2014, toujours selon l’EPIA. “D’ici là, des tarifs spéciaux seront nécessaires pour garantir les ventes.”

Guerre commerciale

Entre-temps, la surproduction risque de dégénérer en conflit commercial. Solar World Industries America, premier producteur américain de cellules photovoltaïques traditionnelles, a dégainé en premier en déposant une pétition auprès du ministère américain du Commerce pour protester contre le dumping chinois sur le marché américain. Des tarifs douaniers antidumping de 50 à 250 % pourraient être instaurés. China Photovoltaic Industry Alliance a répliqué en portant plainte contre le groupe américain Hemlock et la société norvégienne REC pour dumping en matière de polysilicium, la matière première utilisée pour fabriquer les wafers des cellules solaires les plus répandues.

Cela dit, une guerre commerciale pourrait coûter cher aux Etats-Unis, qui sont parvenus à garder leur balance commerciale positive vis-à-vis de la Chine dans cette niche grâce au polysilicium, comme le précise le site Web spécialisé Greentech Media. La Chine peut également compter sur un allié aux Etats-Unis : la coalition pour le solaire abordable (The Coalition for Affordable Solar), qui postule en substance que les panneaux solaires chinois bon marché rendent l’énergie solaire compétitive aux Etats-Unis et créent des dizaines de milliers d’emplois parmi les installateurs.

SolarWorld, un groupe allemand, tente également de lancer une procédure antidumping en Europe, une démarche qui accroît encore la complexité du dossier. L’Allemagne, grand fournisseur d’équipement de production pour le secteur photovoltaïque, est vulnérable aux contre-mesures chinoises. Avec Wacker Chemie, le pays abrite également le n°2 du polysilicium, derrière Hemlock.

Les dés sont jetés

Le secteur photovoltaïque européen et américain transfère désormais massivement ses activités vers l’Asie et recherche des niches moins concurrentielles, comme ce fut le cas avec d’autres secteurs voraces en capitaux en Europe.

Le commissaire européen de l’industrie et de l’entrepreneuriat Antonio Tajani ne souhaite pas se positionner par rapport au débat qui consiste à savoir si un nouvel apport d’argent meilleur marché permettrait d’endiguer le glissement de l’industrie photovoltaïque vers l’Asie, comme le propose le groupe de travail.

“La Commission reconnaît que les conditions d’encadrement de la fabrication de produits issus de la technologie-clé doivent être améliorées”, annonce Tajani par l’intermédiaire de son assistant et porte-parole. “L’an prochain, nous élaborerons une stratégie élargie et ciblée pour l’expansion industrielle de cette technologie au niveau de l’UE.”

L’ironie veut que le jour où la Commission européenne aura mis sa stratégie au point, ce n’est pas seulement la production, mais également le marché, qui se sera déplacé vers l’Asie.

Selon IMS Research, l’Europe ne représentera plus que 50% de la demande mondiale l’an prochain. Les Etats-Unis, la Chine et le Japon reprendront le flambeau. A l’horizon 2020, la Chine souhaite au moins disposer de 12 gigawatts de capacité d’intervention rapide par an.

Trends.be, avec Bruno Leijnse et Belga

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