Les prix de l’immobilier ne peuvent-ils que grimper ? Quatre mythes passés au crible

BERT DE VOS EN MARC DE CEUSTER "Rien que pour l'immobilier résidentiel, 150 à 200 facteurs influencent le prix" © FRANKY VERDICKT

Oui, la situation géographique détermine largement la valeur d’une habitation. Mais quelque 200 autres facteurs sont eux aussi déterminants. Les universitaires Marc De Ceuster et Bert De Vos passent au crible quatre mythes sur le marché immobilier.

Quelle est la valeur de votre habitation ? Dans des publications comme Le Guide Immo de Trends-Tendances, vous trouverez des informations sur les prix dans votre commune et votre province. Mais chaque habitation est différente et sa valeur est donc unique. Vous y chercherez donc en vain la valeur de votre maison. Le nouvel ouvrage Vastgoed, gewikt en gewaardeerd s’ouvre sur une clause de non-responsabilité. “Si vous espérez trouver dans cet ouvrage un tableau qui indique clairement le prix de votre habitation, nous vous conseillons de le refermer”, préviennent les auteurs Marc De Ceuster et Bert De Vos. Le livre est néanmoins pertinent pour celui qui souhaite mieux comprendre le fonctionnement et la fixation des prix sur les marchés immobiliers.

En passant, les auteurs, tous deux professeurs à l’Antwerp Management School dans le cadre du Master en Real Estate (MRE), ont balayé pour nous quelques idées reçues tout en proposant des visions novatrices. Nous leur avons soumis quatre clichés. Alors info ou intox ?

“Faire abstraction de l’homme n’est jamais une bonne idée. Certainement pas dans un domaine aussi vital que l’immobilier résidentiel” – Marc De Ceuster

Affirmation 1: la valeur d’un bien immobilier est déterminée par la situation, la situation et la situation

“La situation est sans aucun doute un élément important pour déterminer la valeur d’un bien, mais je ne comprends pas bien pourquoi vous répétez ce mot trois fois. En effet, de nombreux autres facteurs influencent le prix”, déclare Bert De Vos. “Avec nos étudiants du Master en Real Estate, nous en débattons chaque année et dressons la liste de tous ces facteurs. Rien que pour l’immobilier résidentiel, 150 à 200 facteurs influencent le prix. Certains sont évidents tels que le nombre de chambres ou l’architecture du bien, alors que d’autres le sont un peu moins comme la longueur d’une allée.”

D’un point de vue macro, Bert De Vos et Marc De Ceuster distinguent six critères sur le marché du logement du côté de la demande : la démographie, les revenus et le patrimoine du ménage, l’accessibilité au crédit, la fiscalité liée au logement, l’augmentation attendue des prix de l’immobilier et le taux d’inflation escompté. Du côté de l’offre, ce sont surtout les attentes des promoteurs immobiliers en termes de bénéfices qui jouent un rôle.

Dans leur livre, les auteurs font référence à une enquête sur l’influence de la diversification internationale sur les marchés immobiliers commerciaux. On s’attendait à ce que celle-ci fasse baisser le risque, mais cet impact s’est avéré très limité, ce qui nuance aussi l’importance de la situation du bien. “Sur le marché immobilier commercial, les variables économiques comme le taux d’intérêt sont très déterminantes. Et celles-ci sont souvent identiques à l’échelle mondiale”, poursuit Marc De Ceuster.

Affirmation 2: les prix de l’immobilier ne peuvent que grimper

“Pourquoi avons-nous connu une crise financière mondiale ? Parce que les prix de l’immobilier aux États-Unis se sont subitement effondrés, entraînant dans leur chute la globalité du marché des subprimes. Il ne faut donc pas remonter bien loin dans le temps pour démontrer le contraire de cette affirmation. L’histoire économique a connu de nombreux exemples de bulles financières dans l’immobilier”, rappelle Marc De Ceuster.

Il souligne aussi l’importance de la différence entre les augmentations de prix nominales et réelles. Si les graphiques des évolutions nominales des prix du logement montrent souvent des courbes en forte croissance, la correction liée à l’inflation en cas d’augmentations réelles des prix entraîne des pourcentages de hausse bien plus modestes. Une étude historique du professeur néerlandais Piet Eichholtz risque de décevoir ceux qui ont une confiance aveugle dans le potentiel toujours croissant de l’immobilier.

Marc De Ceuster : “Piet Eichholtz a étudié, sur une période de 350 ans, les prix des transactions immobilières le long du canal Herengracht à Amsterdam et les a corrigés en fonction de l’inflation. Sur cette longue période, il a constaté une augmentation annuelle moyenne réelle des prix d’à peine 20 points de base (0,20%, NDLR), ce qui est minime. Personne n’applique un horizon de placement de 350 ans, certes, mais une autre constatation intéressante de cette enquête est qu’il y a eu de grandes fluctuations des prix et qu’une tendance peut vite s’inverser. La volatilité est donc relativement importante. Autrement dit, pour obtenir un bon rendement immobilier, il faut avoir un peu de chance et vivre à la bonne période.”

Affirmation 3: louer, c’est jeter son argent par les fenêtres

L’immobilier résidentiel a une double fonction : le logement et le placement. Celui qui achète un bien pour y habiter “profite” de ces deux fonctions. Car par le biais des versements mensuels, l’acheteur bâtit aussi un patrimoine immobilier. Le loyer du locataire ne lui permet que de se loger et est versé au propriétaire-bailleur. On peut dès lors en déduire rapidement que les locataires enrichissent surtout les bailleurs.

Or, cette conclusion est un peu hâtive dans le sens où elle néglige les alternatives de placement pour le locataire. Celui-ci peut investir la différence entre la charge d’amortissement et le loyer. En outre, les coûts (d’entretien) liés à la propriété sont souvent sous-estimés.

Marc De Ceuster et Bert De Vos font remarquer dans leur livre qu’il peut être plus avantageux, d’un point de vue économico-financier, de louer, mais ils ajoutent d’emblée que l’aspect psychologique et émotionnel joue également un rôle. “En fonction de la situation personnelle, les deux options se défendent”, estime Marc De Ceuster. “La question cruciale est de savoir si l’option choisie vous convient. Faire abstraction de l’homme n’est jamais une bonne idée. Certainement pas dans un domaine aussi vital que l’immobilier résidentiel. Combien de personnes envisagent leur logement comme un placement ? Les considérations liées au rendement sont sans doute présentes dans un coin de leur tête, mais le choix d’une habitation est souvent dicté par d’autres raisons. Le quartier est sympa pour les enfants, la maison est agréable…. L’achat d’un bien offre la sécurité de logement et dissipe la crainte de voir son loyer augmenter. Dans ce sens, acheter constitue néanmoins, pour de nombreuses personnes, une décision rationnelle, car elle supprime une part d’incertitude.”

Bert De Vos : “Nous pouvons aller plus loin. C’est ainsi que le concept real estate as a service a le vent en poupe. Aujourd’hui, nous sommes encore animés par un désir important de possession : nous voulons être propriétaires. Mais je ne serais pas surpris si, à l’avenir, la question ne portait plus seulement sur l’achat ou la location, mais aussi sur l’utilisation. Ce n’est toutefois pas pour demain. Nous allons encore traîner ce désir de possession pendant quelques générations. Comme un escargot qui porte sa maison sur le dos.”

Affirmation 4: la valeur d’une habitation équivaut au prix que l’acquéreur est prêt à payer

“Il y a du vrai là-dedans”, répond Marc De Ceuster. “Par définition, la notion de valeur du marché suppose que la valeur est indissociable de ce qui se passe sur le marché. Si la vente a lieu sans que l’acheteur et/ou le vendeur n’y soi(en)t contraint(s), le prix obtenu correspond alors à la valeur du marché. Mais cela ne traduit pas une éventuelle surévaluation ou sous-évaluation. Le marché peut être en surrégime, ce qui signifie que l’acheteur paie un prix trop élevé. Le livre comporte une citation de la revue The American Economic Review de 1933 : When the blind lead the blind, both fall into the ditch (Si un aveugle guide un aveugle, ils tombent tous les deux dans le fossé, NDLR). Un expert peut difficilement ignorer le marché pour déterminer la valeur d’un bien, mais il devrait peut-être donner l’alerte s’il constate une démesure.”

Traduction : virginie·dupont·sprl

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