Le logement étudiant attire de plus en plus les promoteurs

Lovano, la première résidence haut de gamme construite à Louvain-la-Neuve par Eckelmans. © PG

Longtemps marginalisé, le segment du logement étudiant se professionnalise de plus en plus. Les promoteurs s’engouffrent dans la brèche, y voyant une belle possibilité de diversifier leur portefeuille et de profiter des marges plus élevées que dans le résidentiel classique. L’investissement n’est toutefois pas dénué de risques.

Ils sont de plus en plus nombreux à investir le marché. L’occasion de diversifier un portefeuille, de s’aventurer sur un segment relativement stable ou encore de réhabiliter par la même occasion d’anciens immeubles de bureau. Bref, les perspectives sont nombreuses et intéressantes à plus d’un titre. Les promoteurs de tous bords ne s’y sont pas trompés. Qu’ils s’appellent BPI, Willemen, Immobel, Home Invest Belgium ou encore Bluestone Invest. De grands acteurs qui se sont lancés il y a peu sur le segment du logement étudiant. Ils lorgnent le terrain de jeu d’acteurs traditionnels tels qu’Eckelmans ou Upgrade Estate. Et bousculent donc quelque peu les codes en vigueur, pouvant même mener à une certaine dérégulation du marché vu l’offre de plus en plus importante et quelque peu désordonnée en matière de gestion locative. ” Ces arrivées nous poussent en tout cas à être plus prudents, reconnaît Thibault Van Dieren, directeur général d’Eckelmans, le principal groupe immobilier spécialisé en logement étudiant à Bruxelles et en Wallonie avec plus de 5.000 lits. Il faut avant tout rester attentif à la valeur d’un investissement dans la durée. ”

Après avoir connu une sous-offre ces dernières années, le marché tend désormais à l’équilibre à Louvain-la-Neuve, Louvain et Bruxelles, les trois principaux marchés estudiantins du pays. A Louvain, la volonté politique locale de diminuer le prix des loyers a même entraîné une certaine suroffre.

 (94 logements) développé par BPI dans le quartier Dansaert et dessiné par le bureau d'architecture ÁRTER* utilise pour la première fois, dans un projet d'ampleur en Belgique, le principe du bois contrecollé. Ce qui permettra de terminer le chantier en un an à l'été 2018.
(94 logements) développé par BPI dans le quartier Dansaert et dessiné par le bureau d’architecture ÁRTER* utilise pour la première fois, dans un projet d’ampleur en Belgique, le principe du bois contrecollé. Ce qui permettra de terminer le chantier en un an à l’été 2018.© BPI

Cette situation générale à l’équilibre n’occasionne toutefois pas de statu quo en matière de développements immobiliers. Au contraire même. La profonde mutation du parc de logements actuellement en cours multiplie d’ailleurs les projets. ” Les promoteurs privés reprennent quelque peu la main par rapport aux logements proposés par les universités ou mis à disposition par des particuliers dans des maisons qui ne sont pas toujours les plus adaptées, estime Béranger Dumont, développeur immobilier chez BPI. Il y avait également un désordre au niveau urbanistique. Nous voyons donc apparaître sur le marché de plus en plus de résidences pour étudiants, de manière à compenser les manquements. C’est aussi lié à une demande de plus en plus importante et à une nouvelle façon de vivre, qui privilégie la vie en communauté et surtout davantage de confort. Il s’agit en tout cas d’un signal intéressant. ”

“Je pense sincèrement qu’il faudra légiférer en la matière et obliger les promoteurs à proposer à chaque fois un modèle intégré de gestion locative. Sans cela, cela peut vraiment mettre à mal le secteur et sa réputation.” – Thibault Van Dieren

Et Sophie Lambrighs, CEO d’Home Invest Belgium, une SIR présente sur ce segment depuis de nombreuses années, d’embrayer : ” La professionnalisation du secteur a augmenté l’attrait des promoteurs traditionnels. Il s’agit d’un marché moins risqué qu’auparavant. Les produits développés sont aujourd’hui bien loin des petits kots aménagés dans des maisons inadaptées et dont le confort était sommaire. Ce qui fait que l’offre en matière de nouvelles résidences est en constante hausse. ” Une évolution qui est, à la base, liée à une inadéquation entre la demande et l’offre pour les étudiants étrangers. Habitués à loger toute l’année dans des habitations confortables et parfois dotées d’une multitude de services, ils ont poussé le marché à s’adapter à de nouvelles exigences. Un élément déclencheur qui a provoqué un effet boule de neige pour les étudiants belges, entraînant de nouveaux développements de qualité. Bruxelles s’est donc en fait adaptée aux standards internationaux en la matière. ” Et puis il ne faut pas oublier que le nombre d’étudiants est en constante hausse ces dernières années. Et cette tendance va se poursuivre à l’avenir, ajoute Béranger Dumont. Un élément bien évidemment important pour les promoteurs, qui ne font que suivre cette nouvelle demande. ”

Un prix de sortie très élevé

S’aventurer sur le segment du logement étudiant permet également de diversifier un portefeuille qui nécessite des évolutions constantes. Le bureau tire la langue. Le résidentiel classique arrive doucement à saturation à Bruxelles. Les promoteurs doivent donc se réinventer de nouvelles sources de revenus. ” A cet égard, le logement étudiant peut être très intéressant pour les promoteurs, fait remarquer Gaétan Clermont, CEO d’Eaglestone Equity Partners. Le prix au mètre carré est à la fois très attractif et très élevé à la sortie puisqu’il atteint de 4.000 à 6.000 euros/m2. Ce qui est relativement important par rapport à des appartements traditionnels. Sauf que, au mètre carré, le niveau des loyers et les prix d’achat sont supérieurs au segment résidentiel. En termes de rentabilité, cela laisse donc bien davantage de marge aux promoteurs. D’où leur attrait pour ce marché. ” Un constat quelque peu tempéré chez BPI et Home Invest Belgium, qui estiment que la rentabilité n’est pas plus intéressante sur ce segment que sur le segment résidentiel. ” Pour le promoteur, les rendements sont équivalents, précise Sophie Lambrighs, dont le projet haut de gamme The Link à Auderghem (123 logements) affiche complet depuis deux ans. Par contre, l’obsolescence d’un logement étudiant est plus rapide qu’un appartement vu son utilisation plus intensive. Il faut en tenir compte, tant pour le promoteur que pour l’investisseur. Pour le reste, je ne pense pas que le marché soit en sous-offre de logements de qualité. C’est sur ce segment-là que les développements sont les plus nombreux d’ailleurs. ” On pense par exemple au projet Woodskot à Bruxelles-Ville (BPI), Erasmus Garden à Anderlecht (Eckelmans), DeltaView à Auderghem (Immobel) ou encore aux projets d’Upgrade Estate à Mons (ancienne gendarmerie), Anderlecht (Akoté), Gand (Ganda Upkot) et Jette (JetUpkot).

La Résidence Erasme Campus, construite à Anderlecht par Eckelmans, ouvrira ses portes en septembre et comptera 350 studios.
La Résidence Erasme Campus, construite à Anderlecht par Eckelmans, ouvrira ses portes en septembre et comptera 350 studios.© ECKELMANS

Les affres de la gestion locative

Un bémol néanmoins à l’arrivée de nouveaux promoteurs sur un marché historiquement occupé par des acteurs tel qu’Eckelmans. L’approche est clairement différente entre les deux : les premiers couplent le plus souvent la vente d’appartements à une gestion locative intégrée (dont le coût revient en moyenne à 12 % du loyer), les autres vendent le plus souvent les appartements à la pièce. Sans accompagner cette transaction d’une gestion locative. Une situation qui peut mener à des situations chaotiques, notamment quand une flopée de propriétaires doivent s’entendre sur la manière de gérer les espaces communs. ” Il s’agit clairement d’une tendance qui m’inquiète car elle peut être néfaste pour les propriétaires, précise Thibault Van Dieren. Je pense sincèrement qu’il faudra légiférer en la matière et obliger les promoteurs à proposer à chaque fois un modèle intégré de gestion locative. Sans cela, cela peut vraiment mettre à mal le secteur et sa réputation. ” Un avis partagé par Philippe Janssens, du bureau Stadim, qui est très prudent en matière d’investissement sur le segment du logement étudiant. Il le déconseille même. ” Je ne suis pas convaincu qu’il s’agisse nécessairement d’une bonne affaire pour les promoteurs, explique-t-il. Les risques sont nombreux. Quant aux investisseurs, mes appréhensions sont encore plus grandes. Mieux vaut investir dans des SIR comme Xior Student Housing. Cela leur épargne tous les tracas liés à la gestion locative, qui peut vite devenir ingérable.

Par Xavier Attout.

Le bail étudiant va faire son apparition

Un bail locatif spécialement dédié aux étudiants pourrait voir le jour en Wallonie dès la prochaine rentrée académique. Il devrait rééquilibrer le rapport de force entre propriétaires et locataires. Parmi les nouvelles règles, on relèvera celle qui facilitera la sortie locative anticipée du bien, sans motif. Un étudiant qui arrête ses études pourra par exemple mettre fin à son bail sans autre justification.

A Bruxelles, l’instauration d’un bail étudiant est actuellement en discussion au Parlement. Il limite la durée du bail à 12 mois, assure davantage de flexibilité en matière de sortie locative et met en place un label de qualité.

“Le loyer reste le critère numéro 1 pour un étudiant”

Des kots qui sentent les effluves de houblon, les poubelles qui débordent, la douche qui fuit, des murs plus fins que le carton, une quinzaine de colocataires qui laissent traîner leurs affaires ou encore les fêtards d’un soir qui dorment dans le salon à même le sol. Les résidences estudiantines ressemblent de moins en moins à la description des kots des années 1990 et 2000. La hausse de l’offre s’est accompagnée d’une (nette) hausse des standards de qualité depuis les années 2010. Les étudiants aspirant le plus souvent à un certain confort et une offre de services. “Aujourd’hui, le logement étudiant est un bien de qualité mais qui reste accessible financièrement car, quoi qu’on dise, le prix reste le critère numéro un, estime Thibault Van Dieren, directeur d’Eckelmans. Pour le reste, il y a une importante évolution de la manière d’habiter. Les étudiants ont besoin d’être ensemble et de vivre ensemble tout en ayant leur espace de confort. Cela se traduit par de petits studios et des espaces communs où ils peuvent se reposer et étudier ensemble. Toute une série de services doivent également être fournis, tels qu’une buanderie, une conciergerie, une connexion internet performante, un local pour vélos, des salles pour étudier, des salles de jeux, etc.” Ajoutons que les “kots de luxe” restent un marché de niche qui ne représentent que 10 % de l’offre actuelle sur le marché. “Il y a de la place pour une résidence de ce type par campus et non deux, estime Thibault Van Dieren. C’est pour cela que nous n’en développons plus car le marché est, selon nous, bien fourni en la matière.” Reste que ces résidences et l’équipement qui en découle ont influencé l’ensemble du marché. Et tous les projets futurs intégreront désormais la notion de services complémentaires à la chambre d’étudiant. Le développement de kots communautaires, mais de plus petite taille (six à huit étudiants), connaissant également toujours un certain succès

Enfin, ajoutons que la situation reste un élément essentiel. Le kot ne doit pas être situé à plus d’un kilomètre du campus. Les promoteurs qui prennent un risque à ce niveau peuvent très vite voir le vent se retourner contre eux. La fragilité de ce marché pouvant transformer une pénurie en suroffre. Et à ce petit jeu, ce sont les logements les moins bien situés qui trinquent les premiers.

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