Le logement assimilé, succès garanti ou engouement à risques ?

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Le vieillissement de la population est un thème récurrent dans les milieux d’investisseurs. L’immobilier est le placement préféré de nombreux Belges. La combinaison de ces deux facteurs a donné naissance au logement assisté. Succès garanti ou engouement à risques ?

Investir dans l’immobilier pour seniors, c’est miser sur deux chevaux en même temps. Surfant sur la vague du vieillissement, ce type d’investissement spécialisé présente un fort potentiel de croissance et rime avec sécurité pour de nombreux Belges.

Les investisseurs qui veulent ajouter ces deux atouts à leur portefeuille peuvent s’adresser à Cofinimmo et Aedifica en Belgique. Ces sociétés immobilières réglementées investissent essentiellement dans les établissements de soins et les logements pour seniors. Si vous préférez investir directement dans la brique, sans intermédiaire, l’achat d’un service-flat constitue peut-être une alternative intéressante. Mais seulement “peut-être”… car les échos sont parfois critiques, voire inquiétants. Du fait de l’inoccupation et des frais élevés notamment. L’immobilier assisté vaut-il vraiment le coup ?

Avantages

Marché en pleine croissance

L’immobilier pour seniors est en plein boom, c’est indéniable. Selon les chiffres du Bureau fédéral du Plan, la Belgique dénombrait en 2017 quasi 2,1 millions d’habitants de plus de 65 ans, un chiffre qui devrait atteindre 2,6 millions d’ici 2030 et 3,2 millions en 2060, selon les prévisions. ” On n’a pas encore pris toute la mesure de l’impact de cette évolution démographique, estime Bram Machtelinckx, promoteur immobilier de Skyline Europe. Le vieillissement de la population commence à peine à produire ses effets. Le principal atout du service-flat est l’accès de l’investisseur privé à ce marché en pleine croissance. ” Mehdi Devos, responsable projets du groupe immobilier Dewaele, ne nie pas le potentiel de croissance mais émet malgré tout quelques réserves. ” Dans la pratique, on constate que la plupart des résidents des service-flats sont âgés de plus de 80 ans. Le logement assisté n’intéresse pas les plus de 65 ans encore actifs et en bonne santé. ”

L’avantage fiscal – 12 % de TVA au lieu de 21 % – valable à l’achat d’un service-flat agréé a également pour effet de faciliter l’accès au marché.

Confirmation de Bram Machtelinckx : la plupart des résidents des service-flats de Skyline Europe ont plus de 75 ans. Mais le promoteur anticipe un rajeunissement à terme. ” Le produit n’est pas bien connu, dit-il. Beaucoup associent le service-flat ou le confondent avec une chambre en institut de soins. Cela n’a rien à voir. Un grand nombre de nos clients de 60 ans et plus achètent ce genre de logement pour y habiter eux-mêmes, dans un délai de cinq à 10 ans. Autrement dit, ils apprécient la qualité du projet. C’est donc bien plus qu’un investissement pour de nombreux acheteurs. ” ” Le service-flat est un appartement tout ce qu’il y a de plus normal avec des installations adaptées aux besoins des seniors, techniques essentiellement, ajoute son collègue Kristof Schellekens. Si on arrive à corriger cette image que s’en font les investisseurs, ils seront davantage tentés de les occuper eux-mêmes. ”

Soins et contacts sociaux

Qui dit service-flat, dit habitation adaptée complétée par une offre de soins et de services. Selon Filip Dewaele, administrateur du groupe immobilier Dewaele, les soins constituent une plus-value importante. ” La nécessité de bénéficier de certains soins peut être minime, dit-il, mais si l’offre existe, l’investisseur aura plus facilement tendance à opter pour un service-flat et à zapper la phase intermédiaire du déménagement dans un appartement normal. ”

Les complexes de service-flats agréés doivent également prévoir une salle polyvalente ou un lieu de rencontre, aménagé en brasserie ou en restaurant par exemple. L’idée est de favoriser les contacts sociaux entre les résidents. ” La solitude des personnes âgées est un gros problème, fait remarquer Filip Dewaele. Ils passent le plus clair de leur temps tout seuls. Les enfants sont toujours ‘busy, busy’ et ne passent que rarement. Le senior qui perd de sa mobilité se retrouve de plus en plus isolé. Le service-flat est une des solutions. ”

Locataires en or

Un bon locataire est très précieux pour l’investisseur immobilier. Le bon locataire paie son loyer régulièrement, n’occasionne pour ainsi dire aucun frais, aucune nuisance, et entretient le bien comme s’il lui appartenait. C’est tout bénéfice pour le rendement en général et pour la tranquillité du propriétaire. ” Les seniors sont généralement d’excellents locataires, affirme Mehdi Devos. Le risque de dégradations et de nuisances est très limité. Ils ne sont pas du genre à organiser des orgies à la maison. Le risque de non-paiement est nul. Ils disposent soit d’une bonne pension, soit de bonnes économies. Et dans l’hypothèse exceptionnelle d’un problème de paiement, les enfants viennent directement à la rescousse. ” Confirmation de Bram Machtelinckx : ” Les seniors sont généralement des locataires soigneux, solvables et – ce que l’on sait peut-être moins – très stables. Celui qui décide d’emménager dans un service-flat fait un choix mûrement réfléchi et ne risque donc pas de déménager au bout de quelques mois. Un vieil arbre ne se transplante pas “.

Skyline Europe, surtout connu à Bruxelles pour ses flats destinés aux expats, peut également se charger de la location. ” Nous gérons un portefeuille de biens à louer de 1.400 unités, précise Bram Machtelinckx. Nous mettons à la disposition de nos clients un vrai service de location et tout notre savoir-faire en matière de location de logements assistés. ” ” Notre service de location fait le lien avec le projet, ajoute Kristof Schellekens. Si notre construction donne du fil à retordre au service location, nous nous tirons une balle dans le pied. ”

Avantage fiscal et financier

Les frais d’entrée sont assez importants quand on veut investir dans l’immobilier, ce qui ne facilite pas l’accès aux petits investisseurs. C’est pourquoi les promoteurs immobiliers privilégient les produits low budget. La construction de logements plus petits est une façon d’abaisser le prix. La vente des chambres d’étudiant aux investisseurs particuliers est un exemple d’application réussie de cette stratégie. Selon Filip Dewaele, cela vaut également pour les service-flats, dans une moindre mesure. ” Le prix d’un service-flat d’une chambre est à mi-chemin entre celui de la chambre d’étudiant et celui d’un appartement classique de deux chambres. ”

L’avantage fiscal – 12 % de TVA au lieu de 21 % – valable à l’achat d’un service-flat agréé a également pour effet de faciliter l’accès au marché. Les propriétaires d’un service-flat agréé bénéficient en outre d’une exonération du précompte immobilier.

” Contrairement aux appartements classiques, nous déconseillons aux investisseurs d’acheter un emplacement de parking avec le service-flat, poursuit Filip Dewaele. Dans un complexe de service-flats, une place de parking est nettement moins utile que dans un bloc d’appartements classique. Le fait de ne pas acheter d’emplacement permet aussi de réduire le montant à investir. De plus, le parking a généralement pour effet de réduire le rendement total. ”

Toujours selon Filip Dewaele, le rendement locatif d’un service-flat est légèrement supérieur à celui d’un appartement normal. ” Le rendement locatif d’un appartement de deux chambres tourne aujourd’hui autour de 2,5 à 3 % contre 3,5 à 4 % pour un service-flat. ” Chez Skyline Europe, le rendement des service-flats est comparable à celui des autres produits immobiliers résidentiels.

Filip Dewaele, administrateur du groupe immobilier Dewaele.
Filip Dewaele, administrateur du groupe immobilier Dewaele.© pg

Inconvénients

Dépendant du gestionnaire

L’offre de soins et de services constitue un atout pour les résidents mais est pour l’investisseur immobilier un facteur sur lequel il a peu de prise. ” Le propriétaire est très dépendant du gestionnaire/ manager de l’offre, indique Mehdi Devos. Cela marche évidemment dans les deux sens. Si la gestion est efficace, les locataires sont satisfaits et le taux de rotation, voire d’inoccupation est très faible. Mais en cas de mauvaise gestion, l’impact sur le complexe de service-flats est indéniable et l’investisseur en subit les conséquences. De plus, le petit investisseur privé n’a pour ainsi dire aucune influence sur le management. Autrement dit, impossible de maîtriser complètement ce genre de placement. ”

Bram Machtelinckx admet qu’une bonne gestion constitue un facteur de succès non négligeable. ” Nous collaborons avec Vulpia, fournisseur de services important dans le secteur des soins, explique-t-il. La société offre un large éventail de services de soins. Il faut pouvoir compter sur un acteur de terrain solide pour garantir un service professionnel. ”

Prix

Le prix journalier d’un service-flat comprend, outre le loyer, une indemnité couvrant les soins et les services. Selon une étude d’ING et le bureau de consultance de soins Probis, le prix moyen d’un service-flat dont la gestion est confiée à une société commerciale s’élève à 41,2 euros par jour, soit près de 1.200 euros par mois. ” Bien plus que le loyer d’un flat normal, souligne Filip Dewaele. C’est, à mes yeux, la principale raison pour laquelle les plus de 65 ans encore en bonne forme ne s’intéressent guère au service-flat. Le senior valide et en bonne santé n’a que faire de ces services supplémentaires et ne veut donc pas payer pour. D’où l’émergence de nouveaux concepts comme les logements pour mediors, à savoir des logements adaptés aux besoins spécifiques des personnes âgées mais avec les soins en option. ”

Bram Machtelinckx relativise le prix élevé. ” Un locataire paie environ 1.200 euros par mois dans nos résidences, frais de chauffage et d’électricité inclus. Soit environ 900 euros pour l’appartement et 300 euros pour l’exploitation. Donc, oui, ce type de logement coûte un peu plus cher qu’un simple appartement mais on en a pour son argent : confort optimal, assistance, nombreuses facilités, etc. “.

Niche

Groupe-cible croissant ou non, le service-flat est un produit niche sur le marché immobilier. ” Le public-cible de l’appartement deux chambres classique est plus important, constate Filip Dewaele. C’est le même scénario pour les chambres d’étudiant : difficile, voire impossible de louer un kot d’étudiant sur le marché locatif normal. D’où le risque accru d’inoccupation. C’est pourquoi les produits de niche doivent, selon nous, produire un rendement légèrement supérieur, afin de compenser ce risque. ” Quelle est la demande réelle de logements à assistance ? Difficile à dire. La plupart d’entre nous souhaite rester dans ses pénates jusqu’à la fin de ses jours. Grâce aux nouvelles technologies, les personnes âgées peuvent continuer à vivre seules plus longtemps, en toute indépendance.

Contrairement aux appartements classiques, nous déconseillons aux investisseurs d’acheter un emplacement de parking avec le service-flat.

En ce qui concerne l’offre, la construction de service-flats n’est pas encadrée. Il s’agit d’un libre marché, sans aucune contrainte légale. Ce qui n’est pas sans risque, dixit Filip Dewaele. ” De nombreux promoteurs immobiliers qui y voyaient la poule aux oeufs d’or se sont mis à construire des service-flats à tout-va, rappelle l’agent immobilier. Mais les logements assistés sont tout sauf le nouvel eldorado. Le concept ne convient pas à tous les contextes, à toutes les situations. On commence à s’en rendre compte mais pas mal d’erreurs de débutant ont été commises dans le passé. ”

Points d’attention

Situation

Comme toujours dans l’immobilier, la situation est un critère primordial pour assurer le succès du projet. C’est encore plus vrai pour les produits de niche comme les service-flats. ” Les meilleures situations sont celles qui réunissent le plus de candidats locataires, explique Filip Dewaele. En premier lieu le centre des grandes villes et en deuxième lieu, la côte belge. Nombreux sont les seniors qui décident de passer leurs vieux jours au bord de la mer. Le public-cible y est donc présent en nombre. Une résidence de service-flats a aussi sa place dans les communes qui possèdent un centre très dynamique. Il faut se montrer particulièrement vigilant en ce qui concerne les service-flats à la campagne. La résidence ne peut pas être trop grande sans quoi on n’arrive pas à la remplir. Elle ne peut pas être trop petite non plus car il faut une certaine masse critique pour assurer la rentabilité de l’exploitation. ” Bram Machtelinckx évoque lui aussi une hiérarchie des situations mais place la côte belge en première position ( lire l’encadré ” Double vieillissement à la côte “).

Proximité d’une maison de repos et de soins

La proximité d’une maison de repos et de soins exploitée par le même gestionnaire constitue généralement un atout. Les résidents des service-flats sont prioritaires en cas de prise en charge. ” Les personnes qui occupent un service-flat veulent être sûres qu’à terme, elles pourront bénéficier d’une offre de soins plus complète, estime Marc Vangeel, corporate communications manager de Senior Living Group. Nous essayons de combiner les deux dans la mesure du possible. ” L’avantage est bien réel en termes de synergie et d’échelle. L’offre de services est quasi similaire et complémentaire. Le fait de la proposer à un plus grand nombre permet d’en réduire le coût.

Double vieillissement à la côte

Le logement assimilé, succès garanti ou engouement à risques ?

Skyline Europe compte trois projets de service-flats en portefeuille : un à Anvers (Scheldezicht, qui fait partie de Nieuw Zuid) et deux à la côte belge. Le projet Duinenzee à La Panne sera la carte de visite du promoteur. ” La situation est unique, au milieu des dunes, avec vue imprenable sur la mer, commente Bram Machtelinckx. La côte est, selon nous, l’endroit idéal pour construire des service-flats du fait du double vieillissement : le vieillissement de la population locale d’une part et les seniors qui, à l’âge de la pension, décident de déménager à la côte d’autre part. Une fois installés, ils ont tendance à rester. “

Différences régionales

Il existe des service-flats dans tout le pays. Mais vu que la réglementation est une compétence régionale, on observe des différences sur le terrain entre Bruxelles, la Flandre et la Wallonie. Ainsi par exemple, en Wallonie, un senior peut occuper un service-flat (ou une résidence- services) dès ses 60 ans alors que l’âge minimum est fixé à 65 ans en Flandre. Les critères relatifs à l’aménagement et à la superficie du flat divergent également. Selon une étude d’ING et de Probis Consulting, la superficie moyenne d’un service-flat d’une chambre est de 57,5 m2 en Flandre contre 50 m2 en Wallonie et 60,5 m2 à Bruxelles.

La différence est plus marquée en ce qui concerne le nombre de logements. La Flandre compte 20.535 unités, soit quasi huit fois plus que la Wallonie (2.588). La capitale totalise 1.336 service-flats. Cette différence s’explique partiellement par le double système flamand de service-flat agréés et déclarés.

A en croire Adel Yahia, COO du promoteur immobilier Immobel, l’explication est avant tout commerciale. ” La différence de pouvoir d’achat entre la Flandre et la Wallonie est assez considérable, explique-t-il. Le marché wallon est défavorisé car le service-flat est un produit relativement cher. Si on compare le loyer tout compris à celui d’un appartement classique, le service-flat coûte facilement 400 à 500 euros plus cher. Les acheteurs sont donc des investisseurs privés flamands pour la plupart. Et ils investissent prioritairement en Flandre. Il ne faut donc pas s’attendre à une croissance explosive en Wallonie dans l’immédiat. ” Marc Vangeel (Senior Living Group) fait la même analyse et pointe le nombre maximum d’unités dans une résidence de service-flats en Wallonie, à savoir 50. ” Pour un groupe comme le nôtre, c’est trop peu pour garantir la rentabilité de l’exploitation de la résidence en tant que projet stand alone. ” Et d’ajouter que le sud du pays est moins densément peuplé et que les villes comptent moins d’habitants.

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