Le lino joue la carte verte

Vieillot, le lino ? Pas tant que ça. Fabriqué à partir de produits naturels, le linoleum possède de sérieux atouts verts, bien dans l’air du temps. Forbo Flooring, l’un des principaux fabricants mondiaux, compte bien les faire valoir en lançant le concept “field-to-field”.

Qui ne se souvient d’un revêtement en lino dans la cuisine de grand-maman ? Robuste, esthétique et facile à entretenir, il fut longtemps en vogue dans les foyers, les bureaux, les magasins ou encore les écoles ou les hôpitaux. Ce matériau fut inventé vers 1860 par l’Anglais Frederick Walton. À la recherche d’une alternative au caoutchouc, rare et cher, il mit au point un procédé permettant de transformer l’huile de lin en gomme par oxydation. Il en imprégna ensuite de la toile de jute pour obtenir un revêtement souple, résistant, décoratif et correspondant aux préceptes hygiénistes de l’époque. Le linoleum connut vite le succès en Europe et aux Etats-Unis. On en fabriqua de toutes sortes ; marbré, moucheté, à motifs géométriques, à fleurs ou simili parquet. Bien sûr, on le copia. C’est en Belgique que fut inventé son cousin le balatum, carton enduit d’asphalte.

Dans les années 1960, le lino entama un lent déclin face à des concurrents, la moquette et surtout le vinyle, meilleur marché, avec lequel on le confond souvent. “Les produits sont pourtant différents”, souligne Joris Mertens, general manager Belux de Forbo Flooring, l’un des principaux fabricants mondiaux de linoleum. “Le vinyle (en fait du PVC, que nous fabriquons aussi) est un produit de la pétrochimie, tandis que le linoleum est fabriqué à partir de matières premières naturelles.”

Depuis quelque temps, le caractère durable du lino lui vaut un regain d’intérêt de la part des architectes et décorateurs. Forbo Flooring joue sur cette “histoire verte” pour relancer le lino en s’aidant de la notion field-to-field. “Un concept qui souligne l’aspect naturel et le cycle fermé du produit : il provient des champs et il retourne aux champs”, explique Joris Mertens.

Concurrence sur le terrain vert

Forbo Flooring est une division du groupe suisse Forbo qui emploie près de 6.000 personnes pour un chiffre d’affaires de 1,79 milliard de francs suisses (1,44 milliard d’euros) en 2010. Outre les revêtements de sols, Forbo fabrique des colles industrielles et des bandes de transport utilisées dans les aéroports. Forbo Flooring, qui fabrique du linoleum, du vinyle et des revêtements textiles représente près de 50 % du chiffre d’affaires.

“En 2010, nous avons fêté les 111 ans de notre production de linoleum, rappelle Joris Mertens. Depuis les années 1990, il est revenu dans la course, grâce à son caractère vert.” Cependant, ce produit a subi l’impact de la crise ces trois dernières années : “Le marché des bureaux, surtout, a souffert. Le volume s’est réduit de 10 à 15 % depuis 2008, mais il semble stabilisé. Le marché européen se tasse, tandis que l’Amérique du Nord reste en croissance. Nous tentons de pénétrer l’Asie et la Russie, mais ces marchés sont peu sensibles à l’argument écologique : le produit score bien sur des marchés matures ; un peu moins face aux PVC peu chers sur des marchés en croissance.”

Depuis quelques années, les fabricants de revêtements de sols utilisent l’argument durable et le linoleum est désormais concurrencé. “Nous devions réaffirmer notre avantage. C’est pour cela que nous avons développé le field-to-field.” Était-il nécessaire de créer cette appellation ? Forbo dispose en effet de multiples écolabels (Blauer Engel, Nordic Swan, Milieukeur et NaturePlus), pratique des analyses de cycle de vie (ACV) et dispose depuis peu pour ses linos du certificat C2C silver. Nous avons déjà évoqué dans cette rubrique l’approche Cradle-to-Cradle (C2C) qui analyse tous les constituants d’un produit, l’élimination des composants dangereux, le recyclage et le recours aux énergies renouvelables. En fonction de ces critères, il existe quatre niveaux de certification : platinum, gold, silver et basic. “Le C2C se focalise surtout sur l’énergie et le recyclage. C’est important mais pas suffisant à nos yeux. Le field-to-field couvre le champ d’application des différents labels.”

Réduire, recycler, réutiliser

“Les fondements du field-to-field sont les trois R : réduire, recycler, réutiliser. Ils s’appliquent à chaque phase du cycle de production, divisé en trois grandes étapes : du champ à l’usine, dans l’usine et de retour aux champs.”

Le point fort du linoleum, c’est sa composition : 23 % d’huile de lin, 12 % de tall oil (un sous-produit de pâte à papier), 27 % de calcaire, 24 % de farine de bois, 8 % de jute, 3 % de gomme-résine, 2,7 % de pigments et un vernis aqueux pour la finition (0,3 %). Au total, 70 % de matières premières renouvelables, dont la moitié (tall oil, farine de bois) sont récupérées d’autres processus industriels. “C’est la première étape du cycle, ce que nous appelons le field-to-gate. L’approche prend aussi en compte l’aspect social. Par exemple, nous agissons avec nos fournisseurs de jute du Bangladesh sur le travail des enfants. Pour l’huile de lin, nous travaillons à la réduction des engrais avec nos fournisseurs canadiens.”

La deuxième étape, gate-to-gate, prend en compte les impacts liés à la fabrication dans les deux usines de Forbo Flooring, aux Pays-Bas et en Grande- Bretagne, qui sont alimentées à 100 % en énergie verte et recyclent ou réutilisent plus de 80 % de leurs déchets.

Enfin, la troisième étape, gate-to-field, couvre l’installation du produit, son utilisation et sa fin de vie. Le lino possède une longue durée de vie, ce qui réduit encore son empreinte : “Environ 25 ans, jusqu’à trois fois plus que d’autres revêtements, par exemple les tapis.” Les chutes peuvent aussi être compostées : “Nous le faisons aux États-Unis. Ici, on préfère incinérer et récupérer l’énergie.”

L’objectif de Forbo Flooring : réduire encore l’empreinte écologique du produit de 25 % d’ici 2015.

Emmanuel Robert

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