Le bonus logement revu, corrigé ou supprimé?

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Les régions démantèlent l’avantage fiscal du bonus logement. A Bruxelles, il disparaît même dès 2017. Mais d’après les experts, cela ne devrait pas nécessairement faire baisser les prix de l’immobilier.

Si vous contractez un emprunt hypothécaire pour acheter ou rénover votre habitation familiale, vous pouvez prétendre à un avantage fiscal. Une partie des intérêts et des amortissements en capital versés à la banque vous sera remboursée ultérieurement par le biais de votre déclaration à l’impôt des personnes physiques. Depuis le 1er juillet 2014, les régions sont compétentes en matière de bonus logement. “Pour des raisons budgétaires, elles ont réduit l’avantage fiscal, indique John Romain, d’Immotheker. La Région bruxelloise abolira même complètement le bonus logement le 1er janvier prochain.”

La disparition du bonus logement pourrait faire baisser les prix de l’immobilier de 10 à 15 % dans la capitale, pressent John Romain. Mais ce n’est pas une fatalité, car de nombreux autres facteurs ont une influence. “La baisse des taux d’intérêt de ces dernières années est l’une des principales causes de la hausse des prix de l’immobilier. Il y a aussi la croissance des revenus, l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages, l’allongement de la durée des prêts hypothécaires, les avantages fiscaux, le marché du crédit, la pression démographique de l’immigration et le sentiment du marché : tout cela joue un rôle.”

Tim Melis et Bernd Tiebout, avocats chez CaZiMiR Advocaten, s’attendent à ce que la réforme du bonus logement n’ait qu’une faible incidence sur les prix. “Le bonus logement n’incite pas à acheter. On n’obtient cet avantage que lors du décompte de l’impôt des personnes physiques, longtemps après l’achat. De plus, les candidats emprunteurs doivent actuellement apporter au moins un cinquième du prix d’achat, de sorte que bon nombre d’entre eux reportent à plus tard l’achat de leur propre logement.”

“Au fil des ans, l’avantage du bonus logement n’a cessé de s’amenuiser. Son influence sur les prix diminue du même coup. Jusqu’à présent, cet effet a été compensé dans une large mesure par la faiblesse des taux d’intérêt. On peut s’attendre à ce que le bonus logement soit progressivement démantelé à l’avenir, pour des raisons budgétaires. On pourrait contrebalancer cette mesure par une diminution générale des droits d’enregistrement à l’achat de l’habitation propre, comme le fait actuellement la Région bruxelloise (dès le 1er janvier 2017, l’exonération de droits d’enregistrement sera portée jusqu’à 175.000 euros, contre 60.000 et 75.000 actuellement, Ndlr).”

Louer ou acheter

Johan Van Gompel, senior economist chez KBC, est convaincu que même sans le bonus logement, les prix de l’immobilier auraient fortement augmenté. “Cette hausse a deux grandes causes. La première est la baisse systématique des taux hypothécaires depuis 1980 : les acquéreurs ont ainsi pu emprunter davantage pour acheter des biens plus chers. La deuxième est la forte augmentation de la population observée dans les années 2000, parallèlement à la diminution du nombre de personnes par ménage.” La demande de biens immobiliers a donc été soutenue par le fait que des ménages plus nombreux ont eu accès au crédit bon marché, conclut Johan Van Gompel.

“D’après une étude réalisée par l’OCDE en 2009, le bonus logement belge se situe dans la moyenne si l’on considère l’ampleur de l’avantage fiscal octroyé. En Belgique, d’autres facteurs encore ont alimenté les prix, comme l’amnistie fiscale de 2005. Une partie importante des fonds régularisés a été investie directement dans l’immobilier.”

Philippe Janssens, de Stadim, ne s’attend pas non plus à ce que la réduction ou la suppression du bonus logement fasse baisser les prix. “Certes, les acquéreurs empruntent plus s’ils peuvent déduire fiscalement leurs charges d’emprunt. Mais aujourd’hui, c’est surtout leur capacité d’emprunt qui joue un rôle important. Qui veut acheter ou rénover une habitation doit allonger 20 % du montant. Si l’on ajoute des droits d’enregistrement de l’ordre de 10 ou 12,5 %, ou 21 % de TVA dans le cas du neuf, on arrive à un apport propre de 30 à 40 %. La disparition de l’avantage fiscal ne change pas grand-chose à la capacité d’emprunt des acquéreurs.”

L’évolution du marché immobilier mérite aussi qu’on s’y intéresse, affirme Philippe Janssens. “Après 1995, la faible inflation a atténué la différence entre les charges d’emprunt et les charges locatives. Les locataires aisés ont donc acheté des biens, ce qui a entraîné une contraction du marché locatif. Ces dernières années, les taux d’intérêt historiquement bas ont orienté à nouveau les investisseurs vers l’immobilier. Ces deux groupes, tant les jeunes qui acquièrent leur premier logement que les investisseurs, se concentrent sur le segment du marché tournant autour de 200.000 euros.”

Répercussions négatives

Sven Damen, doctorant au département de recherche en économie de la KU Leuven, plaide en faveur d’un démantèlement progressif du bonus logement en Flandre. “Ce dispositif a des effets néfastes. Comme cet avantage pousse les prix à la hausse, il profite en grande partie aux revenus les plus élevés et renforce l’inégalité des revenus. Une fiscalité plus neutre, sans bonus logement, est dès lors souhaitable, mais il vaut mieux mettre progressivement un terme au dispositif, pour éviter un choc négatif sur les prix.”

“La suppression totale du bonus logement est lourde d’un tel risque. La diminution des droits d’enregistrement prévue par la Région bruxelloise l’atténue, certes, mais pas suffisamment. Les répercussions négatives sur les prix sont plus marquées sur les marchés qui concernent les ménages à deux revenus (les maisons ordinaires par exemple) que sur les marchés qui visent davantage les personnes isolées (les appartements). Dans un ménage à deux revenus, les deux partenaires dépendent du bonus logement.”

Le bonus logement dans les trois régions

A Bruxelles

La Région bruxelloise supprimera le bonus logement pour les crédits hypothécaires contractés à partir du 1er janvier 2017. L’avantage est maintenu pour les anciens emprunts. Si vous avez contracté un emprunt en 2016, vous pouvez déduire un montant allant jusqu’à 2.300 euros par personne. A Bruxelles, les montants du bonus logement concernant les emprunts contractés avant 2017 sont encore indexés.

A partir de 2017, le bonus logement est remplacé dans la capitale par un relèvement du seuil d’exonération des droits d’enregistrement. Initialement, la première tranche de 60.000 euros du prix d’achat (voire 75.000 d’euros si le bien est situé dans certaines zones prioritaires) était exonérée. Désormais, l’exonération porte sur 175.000 euros. L’économie ainsi réalisée s’élève à 175.000 euros x 12,5 %, soit 21.875 euros. A condition que le prix d’achat du logement ne soit pas supérieur à 500.000 euros.

En Wallonie

Pour les crédits contractés après le 1er janvier 2016, la Wallonie a remplacé le bonus logement par le chèque-habitat, qui donne droit à une réduction d’impôt à compter de l’année qui suit celle où l’emprunt a été contracté. Pour pouvoir prétendre au chèque-habitat, trois conditions doivent être remplies : l’emprunteur doit avoir contracté un emprunt hypothécaire d’une durée d’au moins 10 ans ; l’emprunt doit servir à acheter ou construire une habitation propre et unique ; et le revenu annuel net imposable de l’emprunteur ne peut être supérieur à 81.000 euros. Plus le revenu est élevé, plus la réduction d’impôt est faible.

Le chèque-habitat est calculé annuellement sur la base des revenus personnels de l’emprunteur et du nombre d’enfants à sa charge. Le montant du chèque-habitat peut donc varier d’une année à l’autre. Si le revenu du preneur de crédit augmente, le chèque-habitat baisse. Le dispositif est limité dans le temps à 20 ans et réduit de moitié après 10 ans.

En Flandre

Si vous empruntez après le 1er janvier 2017 pour acheter, construire ou rénover votre habitation propre en Flandre, vous bénéficiez d’un bonus logement de 1.520 euros par personne, majoré les 10 premières années et si vous avez au moins trois enfants à charge l’année suivant celle où vous avez contracté l’emprunt. Les montants maximums du bonus logement ne sont plus indexés. La Flandre a étendu le champ d’application de l’avantage fiscal à chaque habitation : les deuxièmes et troisièmes résidences peuvent donc en faire l’objet. Si vous achetez un autre bien pour y établir votre habitation familiale et que vous contractez un emprunt hypothécaire, vous pouvez désormais prétendre à l’avantage fiscal. A condition toutefois d’y avoir emménagé lorsque vous payez les charges d’emprunt.

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