La maison imprimée en 3D, l’avenir de la construction ou un fantasme d’architectes ?

© WinSun

Avec une imprimante 3D, on peut fabriquer du houmous bleu, une prothèse pour sauver un toucan, des bikinis ou même des faux-ongles. Mais depuis quelques années, on peut aussi construire des maisons.

Au début des années 2000, un chercheur, le dénommé professeur Behrokh, annonçait qu’il allait révolutionner le secteur du bâtiment. Son imprimante baptisée “Contour Crafting” fabriquerait des maisons : une première dans le domaine de la robotique. Depuis 1970, des robots avaient rejoint les chaînes de production, assemblant des meubles ou des voitures. Mais une maison, le projet avait de quoi susciter la curiosité…

Un premier projet à Amsterdam

Pendant des années, la trouvaille du chercheur californien n’a pas connu d’applications matérielles. Jusqu’à 2014, qui voit les premières maisons du futur commencer à fleurir. Le premier projet naît à Amsterdam, avec la 3D Print Canal House. Dans l’Etat de New York, on commence aussi à réfléchir à la construction d’un complexe avec piscine.

Le projet de la 3D Print Canal House à Amsterdam est toujours en cours.
Le projet de la 3D Print Canal House à Amsterdam est toujours en cours.© 3D Print Canal House

Mais face à ces projets non aboutis, l’entreprise la plus avancée dans ce domaine reste WinSun. Créée il y a douze ans, elle a enregistré en mars dernier un record à en faire pâlir d’envie les sociétés de construction. En seulement 24 heures, ce sont 10 maisons qui sont sorties du sol, grâce à une imprimante aux dimensions ubuesques : 6 mètres de haut, 10 de large, et pas moins de 150 mètres de long. WinSun, pas avide de nouveaux projets, a en janvier dernier battu son propre record, dans un secteur ou, pour l’instant du moins, elle semble conserver un certain monopole. C’est un immeuble résidentiel de cinq étages, et une villa luxueuse de 1100 mètres carrés qui ont été présentés à un public ébahi.

L'immeuble de cinq étages construits par WinSun : le plus haut bâtiment jamais construit en impression 3D.
L’immeuble de cinq étages construits par WinSun : le plus haut bâtiment jamais construit en impression 3D.© WinSun

20 000 maisons commandées

WinSun ne compte pas s’arrêter là : la société a d’ores et déjà annoncé la construction de neuf autres villas, commandées par une compagnie immobilière taïwanaise. Le gouvernement égyptien aurait quant à lui déjà passé une commande de 20 000 maisons, selon un communiqué de presse de WinSun. La firme compte aussi s’expatrier à travers le monde. 23 pays seraient concernés. Si on ne connaît pas encore leurs noms, l’entreprise a dit viser avant tout “l’Afrique et le Moyen-Orient”.

Si WinSun semble pleine de projets, c’est qu’elle tient entre ses mains un véritable trésor, estimé d’après Paris Match à 250 milliards d’euros “pour les cinq prochaines années”.

Les applications de ces constructions en trois dimensions seraient en effet nombreuses.

La villa de WinSun fait au total 1100 mètres carrés.
La villa de WinSun fait au total 1100 mètres carrés.© WinSun

Un habitat rentable et solidaire

D’abord, elle pourrait insuffler un renouveau d’un point de vue architectural. L’imprimante serait en effet capable d’une extrême précision. Cette nouvelle ravit les architectes, qui pourraient se permettre à peu près toutes les extravagances sur le plan du design, mais aussi les grands patrons du secteur du bâtiment, qui n’auront plus besoin d’une main d’oeuvre qualifiée, et donc, réduiront leurs coûts de construction.

Certains se prennent déjà à rêver d’une imprimante 3D géante envoyée sur la lune. Elle pourrait y construire les laboratoires, voire des “habitats”. L’avantage, c’est qu’en utilisant les matériaux disponibles sur place, ces planètes ne seraient pas trop “dénaturées”.

Mais pour l’instant, cette idée en est encore au stade du fantasme. Dans un futur plus proche, on pourrait envisager de créer des bâtiments imprimés dans les zones de pauvreté. En effet, ces maisons sont avant tout économiques. A titre d’exemple, la villa de plus de 1000m² a été vendue 161 000 dollars. Les maisons plus “modestes” de 200 m², elles, ne coûteraient que 3500€. Au total, si en moyenne un bâtiment coûte 1500€ environ le mètre carré, grâce à une simple imprimante, ce coût se divise par 10, voire par 100. Ce type de construction pourrait donc remplacer un jour les bidonvilles. Du fait de l’extrême rapidité de l’impression, ces maisons du futur pourraient aussi s’avérer très utiles dans des situations d’urgences, comme après une catastrophe naturelle.

Un ouvrier sur le chantier d'une maison imprimée.
Un ouvrier sur le chantier d’une maison imprimée.© WinSun

Recycler les déchets de construction

Enfin, la maison imprimée est avant tout écologique. Avec sa construction silencieuse, ou presque, elle ne trouble pas l’habitat naturel qui l’entoure. Elle demande également moins d’énergie, de transport, de matériel (à hauteur de 30 à 60% selon WinSun) et surtout, de déchets. Alors que l’érection classique d’un petit pavillon familial générerait de 3 à 7 tonnes de déchets en moyenne, la maison imprimée, elle, ne devrait presque rien laisser derrière elle. Surtout, ces maisons sont construites grâce à des matériaux recyclés, provenant de bâtiments détruits. Selon Paris Match, la Chine déverserait à cause de ces destructions entre 1,6 et 1,8 milliards de tonnes de déchets par année. Seuls 5% de ces derniers seraient recyclés dans le pays… Ce qui laisse à WinSun une immense source de matière première.

Derrière cette idyllique carte postale, il y a une question que beaucoup se posent : qu’en est-t-il de la solidité d’une telle construction ? Selon WinSun, son encre, fabriquée à partir de béton et de déchets de construction serait aussi solide que des matériaux classiques. Elle serait même conforme aux normes anti-sismiques… Pour l’instant, le recul n’est pas suffisant pour dire si ces affirmations sont fiables.

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