La colocation, une formule qui gagne à Bruxelles

Chez Cohabs, le loyer, relativement onéreux, est justifié par une conception globale, qui inclut la connectivité, de la colocation. © xavier portela

Bruxelles n’échappe pas au succès de la colocation. Une nouvelle forme d’habitat qui séduit étudiants et jeunes travailleurs. Mais aussi start-up et… promoteurs immobiliers.

La colocation n’est pas un phénomène nouveau. Popularisée notamment par la série américaine Friends dès la moitié des années 1990, elle est devenue pratique courante chez nous, à Bruxelles comme dans d’autres grandes – et moins grandes – villes du pays. Et pour cause, outre un choix de mode de vie, celle-ci résulte aussi, voire surtout, d’un calcul financier. Dans le chef des colocataires, bien sûr, qui se partagent le loyer tout en profitant, en sus de leur chambre individuelle, d’espaces communs (cuisine, salon…) comparativement plus importants que s’ils louaient chacun un studio ou un petit appartement. Mais également dans celui des bailleurs qui, ce faisant, monnaient leur bien plus cher que s’il était loué à une famille, nantie, au mieux, de deux salaires. Car la colocation ne séduit pas seulement les étudiants démunis. La formule plaît aussi, et de plus en plus, à de jeunes travailleurs désireux de poursuivre pour quelques années encore leurs habitudes estudiantines de vie en communauté.

Les faveurs de ce nouveau public et, de manière générale, l’engouement pour la colocation, ont eu tôt fait, ces dernières années, d’éveiller l’intérêt de start-up. Surfant sur la vague de l’économie de partage et de l’hyperconnectivité, elles sont nombreuses à avoir lancé des plateformes en ligne proposant des offres de colocation, organisant la rencontre entre colocataires et bailleurs, etc. D’autres sont allées plus loin encore dans la démarche. Empreintes d’une fibre immobilière, elles se sont mises à acquérir des immeubles pour les rénover et les transformer en colocations. Le tout enrobé d’un service de gestion locative très étudié fondé sur le numérique.

Plus de 500 euros de loyer

Ainsi, chez nous, de Cohabs, fondée début 2016 par un quatuor de jeunes Bruxellois, Youri Dauber, son frère Malik Dauber, Vinciane Nobels et François Samyn. La start-up est aujourd’hui à la tête d’un portefeuille de six maisons de huit à seize chambres implantées dans des quartiers prisés de la capitale : le Châtelain, Ma Campagne, Schuman, Ambiorix, Botanique et Montgomery. Soit un total de 78 chambres proposées à la location pour un minimum de six mois, à des prix s’échelonnant entre 550 et 750 euros mensuels. Des loyers relativement onéreux pour un logement partagé, qui se justifient par le degré d’aboutissement auquel Cohabs a élevé sa conception de la colocation, créant une véritable petite communauté avec ses valeurs (durabilité, vivre-ensemble…) ses fidèles (majoritairement des expatriés), ses événements rassembleurs (soupers entre colocataires, activité Cohabs mensuelle…) et sa connectivité (application pour les informations et les tracas du quotidien, forte présence sur les réseaux sociaux, etc.).

Sans compter que les maisons acquises par la start-up présentent toutes un certain cachet, mis en valeur par de lourds travaux de rénovation et une décoration extrêmement soignée. A tel point que Cohabs a collaboré avec l’architecte d’intérieur Lionel Jadot, adepte de l’upcycling et auteur de l’aménagement du Jam Hotel, à Saint-Gilles. Ce dernier a travaillé sur la plus grande et plus récente maison ouverte par les quatre associés au Botanique : 680 mètres carrés, 16 chambres, 9 salles de bain, une salle de sport, une salle de cinéma, un coin bar et kicker… L’expérience s’est révélée tellement fructueuse que Lionel Jadot a rejoint l’équipe aux commandes et imaginera toutes les futures réalisations en tant que cinquième associé.

Le projet Strelli, un immeuble de 14 appartements installé dans les anciens bureaux du modiste.
Le projet Strelli, un immeuble de 14 appartements installé dans les anciens bureaux du modiste.© Brussels Projects

Des maisons et des villages

La start-up n’est pas en manque de projets. Les ouvertures de quatre nouvelles maisons sont prévues dans les semaines et les mois qui viennent, deux à Saint-Gilles et deux à Schaerbeek (54 chambres au total). Tandis que Cohabs a mis la main sur un petit trésor immobilier à Saint-Josse-ten-Noode, composé d’un chancre industriel (atelier, bureaux, halle de 1 000 mètres carrés) et de trois unifamiliales cachés dans un intérieur d’îlot. ” Ce projet, dont la demande de permis sera déposée sous peu, cristallise notre vision du futur “, explique Youri Dauber. Soit des espaces dédiés à la colocation, d’autres à la location classique (notamment à destination de publics précarisés, loyer préférentiel à la clé), d’autres encore… au coworking. ” Un petit village Cohabs, en somme, où tous se retrouveront autour d’activités communes comme un potager ou un petit bar réservés aux habitants de l’îlot “, précise Youri Dauber.

Une success story qui en annonce d’autres. Car le potentiel de la colocation commence à séduire d’autres entrepreneurs aux moyens autrement plus importants. Dont des professionnels de l’immobilier, qui livrent des projets basés uniquement sur cette forme d’habitat particulière. Ainsi, par exemple, de la société de promotion Brussels Projects (fondée en 1989, dont la production monte à 3 000 unités de logements), qui a terminé, en septembre dernier, le projet Strelli, un immeuble de quatorze appartements de deux à trois chambres (100 à 130 mètres carrés). Situé rue de la Roue, entre le Sablon et les Marolles, au coeur de Bruxelles, le complexe est installé en lieu et place des anciens bureaux du créateur Olivier Strelli, ce qui lui a valu son nom. ” Nous avons déjà mené plusieurs ensembles de studios et résidences pour étudiants dans la capitale, mais c’est la première fois que nous misons sur la colocation “, détaille Louis Van Hulle, responsable des ventes. S’adressant aux young starters, les appartements sont munis d’une salle d’eau par chambre (parfois une pour deux), de vastes espaces de vie et de terrasses. ” L’immeuble compte aussi une salle polyvalente accessible à tous les résidents et dispose de son propre concierge pour veiller sur l’immeuble et parer aux menus travaux “, ajoute-t-il. Le tout pour un loyer de l’ordre de 500 euros mensuels toutes charges comprises. De quoi offrir un rendement de plus de 3,5 % aux particuliers ayant acquis les appartements (entre 270 000 et 340 000 euros) confiés à la filiale de gestion locative de Brussels Projects, Brussels Business Flats (BBF).

A noter que Bruxelles s’est équipée d’un bail spécifique pour la colocation prévu par une ordonnance publiée le 30 octobre dernier. On parle d’une entrée en vigueur pour janvier 2018.

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