L’Institut professionnel des agents immobiliers minée par les suspicions

Des dirigeants de la coupole fédérale de l’Institut professionnel des agents immobiliers (IPI) sont mis sur la sellette par deux anciens présidents de la structure. Certaines pratiques récurrentes sont qualifiées d’abus de position dominante et de conflits d’intérêt. Les personnes incriminées, à savoir les patrons de CIB Vlaanderen, disent avoir respecté les règles de bonne gouvernance.

Selon ses statuts, l’Institut professionnel des agents immobiliers a été créé par l’Etat au terme de 30 ans de tractations parlementaires (1965-1995), pour veiller à la protection du consommateur en réglementant cette profession. D’abord en charge de l’information et de la formation de ses affiliés, l’IPI gère aussi aujourd’hui l’accès à la profession et le contrôle déontologique de quelque 9.000 agents immobiliers agréés. Tout contrevenant peut d’ailleurs être poursuivi pour exercice illégal de ladite profession.

De manière plus prosaïque, nul ne peut exercer des activités d’agent immobilier en tant qu’indépendant sans passer par le filtre des formations de l’IPI (cours accessibles en e-learning et stage). Tout agent agréé est lié par des règles déontologiques dont le non-respect peut être sanctionné par les chambres disciplinaires de l’IPI. Des sanctions qui peuvent aller jusqu’à la radiation. La récente affaire Olivier Rossato, du nom d’un agent immobilier carolo, en est le dernier exemple : celui-ci s’est vu déchu de son agréation par la chambre d’appel francophone de l’IPI.

Notons encore qu’un commissaire de gouvernement rattaché au ministre des Classes moyennes supervise le respect des statuts au sein de cet organisme de droit public autofinancé.

Depuis peu, le conseil national (qui représente l’ensemble des membres de l’IPI) a été scindé : neuf représentants néerlandophones (effectifs et suppléants) et neuf francophones, élus par leurs pairs tous les quatre ans, y siègent et prennent les décisions à la majorité double. Un bureau exécutif fédéral, composé de deux membres francophones et deux néerlandophones théoriquement choisis par les deux pôles communautaires du conseil, coordonne les travaux et les communications de l’IPI. Quant au président de la structure, il est en alternance francophone ou Flamand.

Grand écart entre théorie et pratiques

Voilà pour la théorie. Selon certains témoins actifs au sommet de l’IPI, le fonctionnement de l’Institut a pourtant été soumis dès sa création au grand écart entre l’esprit de ses missions légales et la lettre appliquée au sein de ses rouages : créé pour “nettoyer la profession et être le gardien du temple”, comme le mentionnait le quotidien Le Soir au lendemain de sa création, il a rapidement été noyé sous les plaintes. Le premier président de la nouvelle structure, qui assurait pourtant “vouloir éliminer les brebis galeuses sans écraser les scandales”, a été à plusieurs reprises accusé de jeter l’argent par les fenêtres avant d’être finalement condamné en correctionnelle pour usage de drogue. Quant au suivant, qui n’est plus agent immobilier à ce jour, il a dû essuyer une plainte introduite auprès du parquet de Bruxelles contre l’IPI et les ASBL Forim et Vivo pour vices de procédure dans l’attribution des marchés. C’était il y a 14 ans.

“Il est vrai que les débuts de l’Institut ont été entachés de comportements peu reluisants au sommet. Sabine Laruelle, la ministre de tutelle, a d’ailleurs eu à deux reprises sur son bureau le texte de dissolution de l’IPI. La seconde fois, c’était il n’y a pas très longtemps et j’ai personnellement insisté pour qu’elle ne le signe pas. Mais cela a bien changé depuis et il est dans l’intérêt des francophones de maintenir une coupole fédérale à l’Institut”, réagit Hugues de Bellefroid, membre du bureau exécutif de l’IPI à deux reprises entre 2005 et 2013 et actuel président de l’organisation professionnelle Réflexions immobilières. Un avis que ne partagent pas les deux présidents francophones sortants de l’IPI — Olivier Vigneron et Michel Dussart — suivis par plusieurs membres du conseil national et des chambres disciplinaires, en majorité francophones.

Il y a un an, ils envoyaient à Sabine Laruelle un courrier de quatre pages dans lequel ils sollicitaient son intervention pour assurer l’objectivité des débats sur le fonctionnement interne, notamment pour la conclusion des contrats avec les fournisseurs. Les signataires réclamaient d’urgence un code de bonne gouvernance. Cette lettre évoquait également les raisons ayant provoqué le départ précipité de Michel Dussart, président en exercice depuis huit mois et “démissionné” par ses pairs pour avoir informé Sabine Laruelle de ce qu’il estimait être des dysfonctionnements graves.

“Après quelques mois passés à la présidence, j’ai été confronté à des contrats illégaux que l’on me demandait de renouveler. Ma responsabilité était engagée. J’ai alors commencé à rassembler des preuves et j’ai confié le tout à Sabine Laruelle, laquelle a fait transmettre ce dossier au parquet en octobre 2013”, résume l’agent immobilier waterlootois. Dans d’autres lettres officielles cosignées par les responsables de plusieurs organisations professionnelles du sud et du nord du pays, motivées par l’éviction brutale du président de l’IPI, il est fait mention de “dictature”, “fraudes”, “contrats plantureux” et “embuscade pour masquer une situation aussi inacceptable qu’inextricable”.

Un an plus tard, les signataires attendent toujours une réaction du cabinet. Quant au parquet, il aurait cet été classé sans suite le dossier introduit par le président démis avec, comme seul justificatif laconique : “Répercussions sociales limitées”. Michel Dussart, qui n’a été ni auditionné ni prévenu de ce classement, ne devrait pas en rester là.

Analyse complète dans le magazine Trends-Tendances de cette semaine.

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