L’immobilier neuf haut de gamme défie la crise

© Etienne Piron SA

Les temps sont durs pour le marché de la construction neuve : les demandes de permis de bâtir ont enregistré une chute sévère ces derniers mois en Belgique. Pourtant, un segment résiste plutôt bien : le résidentiel haut de gamme. Rencontre avec deux professionnels.

Dans le coeur, l’esprit et le portefeuille de la plupart des particuliers qui en ont encore les moyens, c’est la rénovation qui tire aujourd’hui le marché de la construction résidentielle. Batibouw, qui a fermé ses portes il y a quelques jours à peine, l’a survendue ; les professionnels de l’immobilier qui y présentaient leurs produits y rivalisaient de créativité pour la servir sur un plateau doré. Et les carnets de commandes des exposants présents semblent confirmer la tendance.

Pour preuve, le budget que les visiteurs prévoient aujourd’hui de consacrer à leur cuisine, à leur salle de bains, à l’isolation ou à la gestion domotique de leur habitation (ou parfois les quatre pôles à la fois) a décuplé en 20 ans et a de quoi rassurer quelque peu un marché de la construction touché par la chute des demandes de permis de bâtir. Si les chiffres totaux pour l’année écoulée se font encore attendre, les statistiques fournies sur 10 mois par le SPF Economie laissent peu de place au doute : 2011 devrait enregistrer une baisse de l’ordre de 15 % à 20 % sur base annuelle.

Autre réalité tangible dans les allées de Batibouw : les écarts de prix rencontrés pour le réaménagement des pièces à vivre sont à l’aune des écarts de revenus dans la population belge. On pouvait ainsi sans effort contempler, dans les palais du Heysel, des aménagements de cuisine semi-professionnelle ou de salle de bains avec hammam, sauna ou jacuzzi (voire les trois) dépassant largement le prix d’une berline de luxe, alors que certains se contentent de budgets de moins de 10.000 euros pour les mêmes fonctions.

L’immobilier de prestige garde le vent en poupe

Du côté du marché de l’immobilier neuf, globalement ralenti voire plombé par le climat économique et fiscal, un segment semble néanmoins ne pas trop souffrir de la crise. Surtout si l’on se penche sur les demandes de permis introduites par les maîtres d’ouvrage particuliers et non par les promoteurs. C’est celui de l’immobilier de prestige et de la villa “haut de gamme”.

Dans le palais 8 du Heysel dédié aux constructeurs de maisons neuves, deux stands de taille parmi d’autres sortaient du lot cette année pour avoir particulièrement soigné leur aménagement intérieur, histoire de séduire le nouveau client.

Le propriétaire du premier, b+villas, est un constructeur de villas haut de gamme bien installé au nord du pays. “A la base, nous sommes spécialisés en architecture : mon père, qui a fondé la société il y a plus de 40 ans, était architecte de formation. Il a rapidement éprouvé le besoin d’étendre le service offert à sa clientèle, plutôt aisée. A ce moment, d’ailleurs, il n’était pas rare que les budgets prévus par les contractants explosent, sans aucun contrôle ni cahier des charges strict. Mon père s’est alors focalisé sur la maîtrise des coûts de construction, à une époque où le clé sur porte, à prix fixé d’avance, et la Loi Breyne ne cadraient pas encore le marché comme aujourd’hui. D’où notre expertise actuelle et notre maîtrise des coûts, même sur des projets importants. Aujourd’hui, nous apportons au maître d’ouvrage tout le suivi du projet, de A à Z, jusqu’à la réception. Et nous assurons à nos clients une sécurité et un respect du cahier des charges, du planning et du budget fixés comparables à une construction clé sur porte”, détaille Kristof Vandepoel, directeur commercial de l’entreprise brabançonne (Aarschot), qui ne cache pas que la crise a ralenti, même dans son segment de niche, le rythme des nouveaux chantiers.

Le pôle rénovation de la société, lui par contre, semble garder la cote. Selon le directeur commercial, ce pôle garantit déjà plus de la moitié du chiffre d’affaires. “On voit bien, notamment au salon Batibouw, que la rénovation a le vent en poupe, poursuit Kristof Vandepoel. C’est la même chose pour nous. D’autant que certains de nos clients ont construit il y a 30 ans déjà et se lancent aujourd’hui dans d’importants travaux de rénovation. Nous avons alors souvent une réflexion de fond pour analyser si leur projet de rénovation n’est pas plus coûteux et plus lourd qu’une nouvelle construction, notamment si le maître d’ouvrage souhaite une intégration des dernières techniques existantes dans d’anciens murs. C’est un arbitrage que nous assurons également dans l’intérêt du client, pour éviter tout regret à terme. Cela dépend évidemment toujours du projet concerné : difficile de recréer de toutes pièces le charme d’une fermette centenaire ou une localisation unique.”

Non loin de là, le stand de l’entreprise aubeloise Etienne Piron – à ne pas confondre avec Thomas & Piron – a lui aussi l’allure d’une véritable maison, finitions et mobilier compris. Son patron, qui nous reçoit à la grande table de la salle à manger, fixe d’emblée la barre : le prix moyen des villas qu’il construit est compris entre 400.000 et 450.000 euros, toutes taxes comprises, hors terrain. Soit, au bas mot, une enveloppe globale qui atteint, voire dépasse dans certaines régions, les 600.000 euros. “Notre plancher tourne autour de 300.000 euros (taxes comprises) et nous atteignons des plafonds de l’ordre de 1,2 million d’euros, souvent en Brabant wallon d’ailleurs, où nous multiplions les projets pour l’instant rien que par le bouche-à-oreille”, précise Etienne Piron. Pour l’instant, la répartition géographique des chantiers est ventilée comme suit : 25 % en province de Liège, berceau historique de la PME, 15 % en province de Luxembourg, le reste des constructions étant surtout réparti dans le Namurois et le Brabant wallon.

Pour prendre la mesure de la progression en flèche de la jeune société de construction, qui joue clairement la carte de la villa de prestige, un seul chiffre suffit : en 10 ans, le nombre d’équipes de maçons est passé de 12 à 21, pour atteindre 150 membres du personnel. Et le patron ne souhaite pas s’arrêter en si bon chemin (lire l’encadré ci-contre).

Le matériau noble et durable, nouvel or

A la clôture de la 53e édition du salon Batibouw, qui aura accueilli malgré l’ambiance morose quelque 310.000 visiteurs (dont un quart de professionnels), Geert Maes, le directeur général de FISA, le confirmait : “Que l’on rénove ou construise, placer son argent dans la brique est pour le moment une tendance de fond. Par ailleurs, l’attention renforcée à la durabilité n’est pas une priorité passagère pour les visiteurs, mais bien un concept avec lequel les professionnels doivent compter sur le long terme”.

Parmi les quelque 1.000 exposants que comptait encore la grand-messe nationale de l’immobilier résidentiel en ce début mars, une majorité croissante joue clairement la carte de l’investissement rentable et durable dans ce qui est désormais couramment appelé le “4e pilier de pension du Belge”, à savoir son toit. Et de toute évidence, ce sont les propriétaires les plus aisés que le secteur de la construction entend fidéliser, de la cave au grenier.

Autre tendance relevée par le directeur du salon, qui n’hésite pas à parler de recherche de sécurité par ces temps incertains : celle du Back to Basics consacrant l’engouement général pour les matériaux naturels et nobles comme le bois et la pierre, autant pour le gros oeuvre que pour les finitions. Avec, là également, des devis qui sont à l’avenant.

“Qu’on place de l’éphémère ou du durable, le prix de la main-d’oeuvre est souvent proche. Autant alors mettre le prix pour des matériaux qui vont sans doute prendre de la valeur avec l’âge”, faisait remarquer un candidat à la rénovation croisé sur le palais 11, rebaptisé “paradis des cuisines”, et voisin du “paradis des salles de bains”.

Philippe Coulée

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