Investir à plusieurs dans l’immobilier ?

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Le financement conjoint d’un projet gagne en popularité. Depuis peu dans notre pays, certaines initiatives se concentrent même sur l’immobilier. Une alternative intéressante au livret d’épargne ?

Le concept de crowdfunding a fait son apparition aux Etats-Unis autour du début de ce siècle, au départ principalement pour le financement de projets dans l’industrie de l’art, du cinéma, de la littérature et de la musique. Le principe est simple : les chefs d’entreprises ne sollicitent plus les banques pour obtenir des capitaux de départ, mais s’adressent directement aux investisseurs particuliers. Aujourd’hui, le crowdfunding est utilisé pour toute une série de projets. Depuis le début de cette année, plusieurs initiatives portent même spécifiquement sur l’immobilier dans notre pays. L’objectif est identique : rassembler des personnes pour investir des fonds dans la construction, la rénovation ou l’achat d’une habitation commune. Aussitôt prêt, le bien est vendu ou loué, et chaque participant empoche une part du bénéfice.

Financement immobilier

Le financement immobilier par crowdfunding est une réponse aux conditions de plus en plus strictes imposées par les banques à l’obtention de crédits par les sociétés de construction. En principe, tout le monde peut participer. Chez le promoteur immobilier ConseilB+, l’un des pionniers du genre dans notre pays, l’investissement est possible à partir de 1.000 euros, par exemple. Dès que le montant visé de 99.000 euros par projet est atteint, la construction du gros- oeuvre peut commencer. Le capital assemblé est utilisé à mesure que le chantier avance. Le participant doit investir pendant environ une année, la période moyenne, selon les initiateurs du projet, pour que la maison trouve acheteur.

ConseilB+ a déjà financé plusieurs maisons en Wallonie par crowdfunding. “Nous offrons un rendement brut fixe de 6 % par an, affirme le porte-parole Vincent Herregat. Après déduction du précompte mobilier de 25 %, le rendement net ressort à 4,5 %. Au paiement des intérêts, le capital investi est intégralement reversé. S’il faut plus d’une année pour que la maison trouve acquéreur, les intérêts continuent de courir jusqu’à la vente. Après 60 mois de non-vente, l’investisseur peut sortir du projet sans frais. Le cas échéant, le capital et les intérêts sont intégralement reversés. C’est cependant très peu probable car nous ne construisons que des maisons facilement vendables.”

Quelles garanties ?

L’intérêt net annuel de 4,5 % est alléchant. Surtout en comparaison avec les rendements actuels des formules d’épargne classiques. Votre argent est cependant “bloqué” pendant un plus long moment, entre un an et 60 mois au maximum. A titre de comparaison : les comptes à terme les plus intéressants à un et cinq ans offrent actuellement un intérêt net de respectivement 2,10 % et 2,55 %. Pour autant, le rendement de l’investissement par crowdfunding est-il garanti ? “En soi ce niveau de rendement n’est pas impossible à réaliser, explique Nicolas Carette, professeur à l’Université d’Anvers, avocat et codirecteur du Centre interuniversitaire et intradisciplinaire de droit de la construction. Toutefois, la protection en cas de faillite n’est pas infaillible. Si l’entreprise met la clef sous le paillasson, l’investisseur n’a pas de recours direct ni de priorité par rapport aux immeubles.”

A titre de garantie, ConseilB+ propose que le capital et les intérêts soient couverts par les fonds propres de la société. “Cela dit, toutes les sociétés offrent en principe une garantie de ce genre, nuance Nicolas Carette. En outre, la protection financière par la Loi Breyne (régissant la construction d’une habitation, Ndlr) est invoquée au titre de garantie supplémentaire. Cependant, cet argument n’est pas convaincant dans la mesure où celle-ci protège les acquéreurs finaux et non les investisseurs. Qui plus est, cette loi n’est pas applicable de manière contraignante aux projets de constructions de gros-oeuvre. Les risques sont autrement dit réels mais le rendement est aussi, compte tenu de la situation, très intéressant. A condition de bien répartir le risque inhérent à vos investissements et pour autant que vous ne soyez pas opposé à un certain degré de risque, l’investissement en vaut donc la peine.”

Qu’en pense la FSMA, l’autorité financière qui chapeaute les services et marchés financiers ? “Nous vérifions les prospectus émis dans le cadre de ces initiatives, affirme son porte-parole Jim Lannoo. Le prospectus est un document regroupant toutes les informations relatives au projet, y compris les risques. Cependant, lorsque le capital à lever est inférieur à 100.000 euros (comme c’est le cas avec ConseilB+, Ndlr), aucun prospectus n’est exigé. En d’autres termes, l’investisseur doit lui-même trouver les informations sur l’initiateur du projet, la structure de financement, le rendement, le mode de remboursement et les risques.”

“De même, il est important que la plateforme organisatrice ait un statut relevant de la FSMA ou de la BNB. A défaut de prospectus ou de statut, aucun contrôle préalable n’est exercé sur le projet et l’initiateur. Cela dit, même en présence de ces éléments, le niveau de protection de l’investisseur peut diverger sensiblement en fonction de la nature du projet.” A terme, c’est la raison pour laquelle la FSMA prévoit l’introduction d’un label de risque pour les initiatives de crowdfunding et qu’elle analysera toute la publicité au préalable. Dans certains cas, la demande de statut sera également obligatoire.

Y compris pour les rénovations

Alors que ConseilB+ se spécialise dans la construction et la vente de maisons neuves, Deal5000 se concentre plutôt sur la rénovation et la location d’habitations existantes. Pour chaque bien immeuble, les initiateurs créent une société, dont vous pouvez acheter des actions. Le montant des mises minimum et maximum varie d’un projet à l’autre. Dans le cas de projets de valeur inférieure à 100.000 euros (sans obligation de prospectus, donc), les montants fluctuent généralement entre 2.500 et 4.500 euros. Pour les projets plus complexes, Deal5000 utilise un cadre légal récemment approuvé, qui autorise le crowdfunding sans prospectus approuvé jusqu’à 300.000 euros, pour autant que la mise individuelle soit limitée à 1.000 euros par investisseur.

Cela dit, la limite de 100.000 euros semble suffire, dans la plupart des cas. “Actuellement, sur Immoweb, on trouve environ 500 biens affichés à un prix de vente inférieur, énonce Alain Mahieu de Deal5000. Dans des provinces telles que le Hainaut et Liège, certains petits immeubles rénovés sont très recherchés sur le marché de la location.” Les premiers projets se situent donc en Wallonie, tandis que Deal5000 investit également dans des bureaux à Bruxelles et des appartements à la côte belge. Le rendement brut attendu — basé sur les prix locatifs actuels — se situe entre 6,70 et 6,90 %. Après déduction des coûts et du précompte, vous pouvez donc espérer un rendement net de quelque 4,80 %. Encore une fois, cependant, ce rendement n’est pas garanti.

Et si le logement n’est pas loué ? Dans ce cas, votre investissement ne porte pas. “Nous sommes cependant convaincus que le vide locatif est très faible pour ce type d’immeubles, affirme Alain Mahieu. Nous remarquons que la demande de petites maisons, louées au prix d’un appartement, est grande.” Bon à savoir : si l’investisseur souhaite revendre son action à un certain moment, il doit d’abord la proposer aux autres associés (sur la base du prix du marché du bien). Si personne n’est intéressé, l’action sera proposée à la vente sur le site web de Deal5000.

ROEL VAN ESPEN

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