Immobilier : quand la ventilation remplace le chauffage
Les émissions de CO2 devront avoir baissé de 20 % en Europe d’ici 2020. La prouesse est réalisable, à condition d’investir massivement dans des maisons passives. Aujourd’hui, les bâtiments sont responsables de 40 % de notre consommation d’énergie. Il est urgent de réduire leur empreinte écologique.
Avec un pétrole qui repasse la barre des 100 dollars le baril, les maisons à faible consommation d’énergie suscitent un net regain d’intérêt. Ce sont des bâtiments particulièrement bien isolés et ventilés, qui n’ont besoin que de très peu de mazout ou de gaz pour être chauffés ou refroidis. D’un point de vue technique, ils doivent afficher un coefficient d’isolation maximum de K30, pour un coefficient de performance énergétique qui ne peut dépasser E60.
Il est question de maison passive lorsque la consommation d’énergie est inférieure à 15 kWh par mètre carré. Ce chiffre correspond à 1,5 litre de mazout de chauffage, soit huit fois moins que dans les nouvelles constructions classiques. Dans une maison passive, les radiateurs sont superflus : la ventilation suffit à maintenir la température à niveau. Le principe de la maison passive repose sur une isolation poussée, une enveloppe hermétique à l’air, une utilisation optimale de l’énergie passive (grandes fenêtres orientées entre le sud-ouest et le sud-est), une ventilation mécanique contrôlée, des appareils ménagers peu gourmands en électricité et l’utilisation de sources d’énergie renouvelables.
Selon le Conseil fédéral du développement durable (CFDD), en Belgique, la consommation énergétique des bâtiments dépasse de 72 % la moyenne européenne. Ceci s’explique notamment par la vétusté du patrimoine immobilier : près de 80 % des bâtiments datent d’avant 1981, époque où l’écologie n’avait pas encore été inventée. De plus, le pays compte proportionnellement de nombreuses habitations non isolées, ce qui entraîne d’énormes déperditions de chaleur.
En outre, les normes d’isolation y ont toujours été particulièrement basses et peu efficaces. Les rénovations destinées à économiser l’énergie restent très rares (à peine 1 % par an), et les politiques publiques sont trop morcelées que pour réellement les encourager. C’est pourquoi le CFDD milite pour la création de guichets uniques auxquels citoyens et entreprises pourraient s’adresser pour obtenir des conseils en matière de construction et de rénovation à faible consommation d’énergie, ainsi que des informations sur les aides et les réductions fiscales disponibles.
Bon exemple
Heureusement, l’Europe montre la voie. La directive sur la performance énergétique des bâtiments de 2002 exige que les Etats membres imposent des normes minimales auxquelles doit satisfaire toute nouvelle construction ou projet de rénovation. A partir du 31 décembre 2020, tous les nouveaux bâtiments construits sur le territoire de l’Union européenne devront être pour ainsi dire neutres d’un point de vue énergétique. Les Etats membres pourront cependant décider individuellement de la manière dont ils mettront cette obligation en pratique.
Un rapport publié par McKinsey révèle que la Belgique pourrait ainsi épargner jusqu’à 61 millions de barils de pétrole brut à l’horizon 2030, soit une économie d’au moins 6,1 milliards d’euros. Le gros de ces économies pourraient être trouvées dans les immeubles, dont la consommation énergétique moyenne s’élève à 348 kWh par mètre carré. C’est 40 % de plus qu’en Allemagne. Les maisons passives pourraient nous permettre d’atteindre cet objectif. Elles coûtent certes 15 % plus cher à la construction, mais l’investissement s’avère rentable à long terme : leur consommation d’énergie est inférieure de 40 à 75 % à celle d’une habitation classique.
Généralement toutefois, l’investissement n’est pas amorti avant 10 ans. Or, le Belge ne veut pas attendre aussi longtemps. C’est pourquoi il n’adopte qu’au compte-gouttes les principes de la construction passive. C’est à ce niveau que les aides publiques ont un rôle important à jouer. De même, une augmentation substantielle du coût de l’énergie pourrait contribuer à le convaincre. Avec l’embrasement du monde arabe – principale région productrice de pétrole – et la nouvelle remise en cause de l’énergie nucléaire après la catastrophe au Japon, ce moment semble arrivé.
En Belgique, le patrimoine de maisons passives est passé de 13 à 799 unités en cinq ans. Nous sommes certes encore loin de l’Autriche, qui en recense plus de 15.000, mais les choses bougent. Après la première école passive, Beernem inaugurera bientôt le premier centre sportif passif. D’ici 2015, la Société de développement de la Région Bruxelles-Capitale aura construit à Laeken un quartier urbain comptant plus de 500 maisons passives, vendues à prix abordable. Grâce à son isolation à base de calcaire et de chanvre, la nouvelle maison communale de Villers-le-Bouillet sera totalement passive ; elle sera en outre équipée de panneaux photovoltaïques.
Bonne isolation
La clé du succès des maisons à faible consommation d’énergie est leur isolation. Qui doit non seulement être suffisamment épaisse, mais aussi former une couche isolante ininterrompue autour de l’ensemble de la maison, faute de quoi apparaissent des ponts thermiques sources de déperditions de chaleur considérables, où l’humidité va en outre se condenser, provoquant l’apparition de moisissures. Les endroits les plus exposés sont les points de contact entre les murs intérieurs et extérieurs et les endroits où un mur creux repose sur les fondations.
Il est également possible de réduire la consommation d’énergie d’une habitation existante, à condition de procéder dans le bon ordre : d’abord isoler la toiture, puis seulement les murs et le sol. Il s’agit ensuite d’installer une nouvelle chaudière et des vitrages à haut rendement. S’il reste de l’argent, on envisagera l’installation de panneaux solaires. Les techniques bio gagnent également du terrain. La paille et l’argile sont des matériaux naturels et bon marché ; il en va de même des flocons de papier, utilisés comme matériau d’isolation.
Pour terminer, on n’oubliera pas de prendre des mesures visant à améliorer la sécurité de l’habitation. C’est dans les maisons passives, où l’incendie génère plus rapidement fumée et chaleur, que le risque d’explosion (backdraft) est le plus élevé, surtout lorsqu’une porte ou une fenêtre laissée ouverte entraîne un apport brutal d’oxygène dans une pièce remplie d’air chaud. Pour prévenir ce risque, le Service public fédéral (SPF) Intérieur recommande l’installation de détecteurs de fumée, la mise sur pied d’un bon plan d’évacuation et l’installation d’une valve anti-retour sur le système de ventilation.
Eric Pompen
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