Immobilier : menace sur les Pays-Bas

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Après des années de hausses spectaculaires, alimentées par une politique basée sur l’emprunt, les prix des habitations plongent pour la troisième année consécutive. A la Belgique de tirer les leçons de cette crise et de ses conséquences.

Qu’en est-il de notre marché résidentiel ? “Il tient le cap” à en croire l’indice de l’agent immobilier Trevi. Et pourtant selon Century 21, autre agent immobilier, le prix de vente moyen des habitations avait baissé en Flandre d’environ 6 % fin 2011. Les institutions internationales, le FMI, la BCE et l’OCDE en tête, tirent la sonnette d’alarme : notre marché résidentiel est nettement surévalué, une mise en garde que tempère la plupart des observateurs belges. Bref, les bulletins de santé sont tantôt rassurants, tantôt alarmistes.

En ce qui concerne le marché résidentiel néerlandais, les choses sont claires : il est indéniablement en perte de vitesse. En 2011, la correction des prix sur le marché résidentiel avoisinait les 3 %. Rien de dramatique mais depuis 2008, les habitations ont quand même vu leur valeur dégringoler de 14 % compte tenu de l’inflation. La “plus-value” réalisée pendant les années d’euphorie s’en trouve anéantie car les prix réels sont retombés au niveau de 2001. De plus, l’avenir ne s’annonce pas particulièrement prometteur. Le service d’étude de Rabobank anticipe pour 2012 un nouveau recul des prix.

Le nombre de transactions a lui aussi dégringolé. Durant la période 1997-2007, le volume annuel oscillait autour des 180.000 transactions, avec un pic de plus de 200.000 habitations vendues aux Pays-Bas en 2006. La crise de 2008 a fait chuter le volume de transactions à 130.000 environ. L’année 2011 s’est clôturée par un nouveau record à la baisse, soit 122.000 ventes.

Effets transfrontaliers

La crise sur le marché résidentiel néerlandais a des répercussions jusque chez nous. Dans les années 1980 et 1990, bon nombre de Néerlandais fortunés se sont mis en quête d’une villa plus spacieuse et d’un climat fiscal plus favorable dans les communes résidentielles verdoyantes des provinces d’Anvers et du Limbourg. Mais du fait notamment de l’introduction de l’impôt sur les plus-values, l’afflux de réfugiés fiscaux en provenance du Nord s’est quelque peu tari.

C’est toujours le cas, même si l’avantage du prix s’est légèrement estompé. Le manque de dynamisme du marché résidentiel néerlandais a été la première motivation des candidats acheteurs à venir voir chez nous. Selon Luc Machon, président de l’Institut professionnel des agents immobiliers et lui-même agent dans la commune frontalière de Lanaken, le phénomène se fait particulièrement sentir dans la fourchette de prix de 250.000 à 500.000 euros. “Quand tout allait bien, de 2003 à 2005 disons, notre clientèle était néerlandaise à 70 %, confie Luc Machon. Elle représente à peine 20 à 25 % aujourd’hui.”

Ne pas comparer des pommes et des poires

Les prix immobiliers sont-ils élevés en Belgique ou non ? La comparaison des prix entre les deux pays est un exercice périlleux. Car qui dit contexte différent, dit inévitablement prix différents. Dans son travail de fin de master intitulé Divergences de prix entre le marché résidentiel belge et néerlandais, Katlijn Van Audenarde explique que la différence tient essentiellement à la disparité des conditions d’hypothèque et du régime fiscal. Elle en arrive à la conclusion que même si le prix des habitations est d’environ 20 % plus élevé aux Pays-Bas, la dépense nette est pour ainsi dire la même.

Les Pays-Bas possèdent en effet un système fiscal unique pour ce qui est de la déduction de l’hypothèque. Les intérêts hypothécaires sont entièrement déductibles du taux marginal d’imposition, ce qui explique pourquoi les Néerlandais peuvent se targuer de budgets plus importants.

Résultat : un marché résidentiel dopé qui continuait à surperformer malgré la hausse des prix. La plus-value réalisée à la vente permettait d’amortir facilement le crédit en cours. Jusqu’au moment où la crise de 2008 a fait exploser le marché résidentiel et a mis le prix des habitations sous pression. Luc Machon a peur que le cercle vicieux ne continue. “La baisse persistante des prix résidentiels induit une spirale négative. Les propriétaires se retrouvent piégés et la demande ne peut venir que des jeunes désireux d’accéder au marché. Seulement ils n’en ont pas les moyens.”

Son collègue néerlandais, Erik Bessems, agent à Maastricht et président de l’association professionnelle NVM jusqu’à récemment, se veut rassurant : “Le marché résidentiel néerlandais est très stable. Voilà plusieurs années que le niveau s’est stabilisé autour des 120.000 transactions annuelles. On a connu beaucoup mieux, certes, mais le marché n’est pas à l’arrêt. On se marie, on divorce, on a des enfants, on meurt… autant de bonnes raisons de déménager.” Il reconnaît toutefois que le marché résidentiel néerlandais croule sous le poids d’une dette hypothécaire exorbitante (640 milliards d’euros, soit 120 % du PNB). “Les Néerlandais doivent apprendre à apurer leur dette, confie- t-il. Ce que vous faites en 20 ans, nous sommes incapables de le faire en 30 ans.” Mais de là à supprimer la déductibilité des intérêts hypothécaires… “La déductibilité des intérêts hypothécaires est un système dangereux mais on l’a choisi et on ne peut se permettre de le supprimer en pleine crise. D’un autre côté, si on le supprime après la crise, on risque d’en déclencher une autre.”

Le marché est miné par l’incertitude et le jeu des accusations/dénégations, affirme Bessems. L’actuel débat sur la déductibilité fiscale des prêts hypothécaires est l’occasion de faire toute la clarté.

Baisse de l’impôt sur le transfert

Pour redynamiser le marché résidentiel néerlandais, le cabinet Rutte a décidé à l’été 2010 de réduire l’impôt sur le transfert (l’équivalent de nos droits d’enregistrement) de 6 à 2 %. L’abaissement à 2 % de l’impôt sur le transfert, familièrement appelé l’ “amende sur le déménagement”, décourage lui aussi les Néerlandais de franchir la frontière car il creuse un peu plus le fossé avec nos 10 % de droits d’enregistrement. Cette initiative ne réjouit évidemment pas les agents immobiliers et les propriétaires de la zone frontalière mais c’est du pain bénit pour les candidats acheteurs belges ainsi débarrassés de la concurrence néerlandaise.

Laurenz Verledens

Différence fondamentale sur le Web

La grande différence entre la Belgique et les Pays-Bas : l’offre sur Internet. Aux Pays-Bas, Funda, le site de l’association des agents immobiliers NVM, occupe une position dominante. “Funda regroupe environ 95 % de toute l’offre disponible”, affirme Erik Bessems. Le site se veut un gage de transparence. “Pour chaque bien, le site renseigne le prix initialement demandé, la durée de mise en vente, etc. Autant de renseignements qui ne plaisent pas toujours aux professionnels mais très précieux pour le consommateur.” Ceci dit, Funda ne manque pas d’intérêt pour les professionnels “car il est nettement moins cher que les sites belges. Je paie autant pour annoncer 40 biens en Belgique sur Internet que pour tout mon portefeuille néerlandais sur Funda.”

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