Immobilier : les prix vont-ils chuter ?

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Non, les prix ne connaîtront plus, à moyen terme du moins, une hausse aussi soutenue que celle qu’ils ont affiché entre 2000 et 2008, doublant quasiment. Une fois ce constat posé, les avis divergent quant à l’avenir du secteur…

Lisez ou relisez le dossier spécial consacré à l’immobilier par le magazine Trends-Tendances dans son édition du 14 juin 2012.

Au moins une chose sur laquelle tout le monde s’accorde : l’âge d’or immobilier est derrière nous. Non, les prix ne connaîtront plus, à moyen terme du moins, une hausse aussi soutenue que celle qu’ils ont affiché entre 2000 et 2008, doublant quasiment. Une fois ce constat posé, les avis divergent…

“A titre personnel, je ne vois pas venir de grandes variations de prix dans le futur”, s’avance prudemment Bart van Opstal, président de la Fédération royale du notariat belge. Même circonspection chez Century 21 : “Nous prévoyons une stabilisation pour 2012, sans hausse ou baisse particulière. A plus long terme, c’est difficile à dire, cela dépend du pouvoir d’achat, des mesures fiscales, du taux d’intérêt, de la situation de la zone euro. Il n’y a toutefois pas lieu d’être alarmiste !”

Alarmiste, Julien Manceaux ne l’est pas. Ce n’est pas pour autant qu’il annonce des lendemains qui chantent : sa dernière étude en date émet comme hypothèse réaliste une baisse des prix de l’ordre de 15 %, voire plus, à l’horizon 2014. Reconnaissons-lui une certaine constance : dès 2009, il tenait un discours similaire, évoquant même l’existence d’un scénario catastrophe voyant les prix reculer de 40 %. Un document qui avait été voué aux gémonies à l’époque par une bonne partie du secteur. Et dont les conclusions ne se sont jamais réalisées.

Un plantage ? “La correction de la fin de 2009 a été plus légère que prévue et a duré moins longtemps”, reconnaît l’économiste. Car le marché a été soutenu par des taux d’intérêt qui ont encore diminué et par l’épargne, la part d’apport personnel dans les achats.

ING se trompe-t-elle à nouveau ?

C’est la question qui tue : s’il s’est trompé il y a trois ans, pourquoi serait-il dans le bon cette fois-ci ? “L’objectif n’est pas de faire comme Nouriel Roubini et d’annoncer chaque année une catastrophe, sourit Julien Manceaux. A ce rythme, on finit toujours par avoir raison un jour ou l’autre. J’explique simplement qu’une correction de 15 % n’est pas à exclure et, surtout, quels sont les mécanismes macroéconomiques qui se cachent derrière. Les facteurs qui influencent les prix sont connus. L’idée est donc de se pencher sur ces moteurs de croissance et d’inspecter leur évolution : vont-ils continuer à tourner ou, au contraire, se retourner ?”

A ce petit jeu-là, le seul facteur positif qui joue en faveur d’une augmentation des prix est la hausse de la démographie, et donc de la demande en logements. Du côté des autres moteurs, les nouvelles sont moins bonnes. C’est dans l’air du temps, restrictions budgétaires obligent : la fiscalité qui pèse sur l’immobilier risque de s’alourdir. La vraie mauvaise nouvelle viendrait des conditions de financement. “The only way is up“, note Julien Manceaux. Certes, les taux hypothécaires sont encore bas (3,9 % en moyenne pour les emprunts fixes de plus de 10 ans). “Ils le resteront encore un bon moment, puisqu’il est question que la BCE baisse son taux de 25 points de base.” Mais ils sont amenés à remonter, insiste ING. Quand ? “Au plus tôt en 2014.” Une hausse de 100 points de base grignoterait le pouvoir d’achat de quelque 10 %, calcule ING. Un retour au niveau d’octobre 2008 s’accompagnerait donc d’une perte de pouvoir d’achat de 15 %.

“La hausse sera modérée, prévoit Bart Van Craeynest. Mais cela ne peut continuer à descendre ; nous retrouverons des taux normaux pour la Belgique, compris entre 4 % et 5 %. Et cela va en tout cas peser sur l’immobilier.” A moyen ou long terme, cette remontée des taux est le risque principal qui menace le marché, estime Jean-Paul Loozen. “Une hausse légère peut être absorbée en un an ou deux par un marché qui ne voit pas ses prix baisser mais son activité ralentir, analyse Philippe Janssens. En revanche, une remontée plus sensible constituerait un coup de frein sur les prix.”

On l’a vu : les taux ne sont pas tout. La Belgique ne serait-elle pas à même d’amortir leur remontée ? Difficilement, selon Julien Manceaux. L’allongement de la durée des prêts ne semble pas être une option. “Ces dernières années ont vu la naissance de pas mal d’innovations financières, faisant qu’il restait intéressant pour les banques de prêter sur le long terme. A présent, il n’y a plus de marché pour les titres adossés à des crédits ; prêter à long terme redevient relativement cher.” Et puis, la capacité d’endettement du Belge n’est pas extensible à l’infini. “Depuis 2008, la mensualité moyenne tourne autour des 850 euros et n’augmente plus. L’ensemble des sommes prêtées, rapporté à la masse salariale, est remarquablement constant dans le temps : environ 25 %.”

“L’endettement des ménages belges a pratiquement doublé en 10 ans ; cette dynamique ne peut se poursuivre. Une stabilisation est l’hypothèse la plus réaliste”, estime Bart Van Craeynest.

L’épargne, seul amortisseur

Si la partie empruntée reste constante, reste l’épargne comme seule variable d’ajustement à même de contrer l’effet de taux plus vigoureux. Or, pour ING, le transfert de l’épargne vers la brique qui a sauvé la Belgique en 2009 ne peut se poursuivre ad vitam aeternam. D’accord, la part de l’apport personnel a encore grimpé en 2011, pour atteindre une moyenne de 35 %. Mais si l’on prend les 55 % de dossiers présentant l’apport le plus bas, ce dernier atteint en moyenne… 0 euros. Autrement dit, la croissance enregistrée est concentrée sur peu de monde. Stimulé par la loi sur les donations, ce transfert générationnel d’épargne risque d’être freiné non seulement par le fait que les gens vivent plus longtemps, mais aussi qu’ils vivent “mieux”. En 2000, un ménage de 65 ans dépensait 65 % de ce qui sortait du portefeuille d’un ménage “moyen” ; neuf ans plus tard, cette proportion était passée à 75 %. “Il n’est pas exclu que l’apport personnel recule, estime l’économiste d’ING. En tout cas, aller plus loin semble irréaliste.”

Fiscalité alourdie, pouvoir d’achat rogné par les taux, autres moteurs ne pouvant monter en régime : voilà qui devrait peser sur les prix des habitations. Pas de quoi trembler toutefois, rappelle prudemment Julien Manceaux. “Une correction de l’ordre de 15 %, est-ce vraiment dramatique ? Je ne le pense pas. Cela équivaut à revenir aux prix de 2006. Un petit impact pour le Belge ayant acheté entre 2006 et 2012 : il fera sa plus-value sur une période plus longue. Pour les autres, cela ne changera pas grand-chose.” Car correction des prix ne rime pas forcément avec chute brutale, rappelle le chief economist de Petercam. “Endettement, taux ou prix : la Belgique a sans doute atteint ses limites, voire les a même légèrement dépassées. Après 10 années très favorables, il faut s’attendre à 10 ans plus pénibles, sous peine d’être confrontés à une véritable surévaluation, dangereuse celle-là. Le scénario le plus réaliste est une stabilisation des prix durant quelques années, alors que l’inflation et la croissance se poursuivent. Un développement des prix inférieur à l’inflation totale : c’est une forme de correction, modérée, en termes réels. Et nettement plus probable qu’une chute telle que la connaissent les Pays-Bas. Une sorte d’atterrissage en douceur.”

Tout modéré soit-il, ce scénario n’emporte pas l’adhésion de tous. Certainement pas celle d’Eric Verlinden. “C’est une analyse de financier qui est basée sur une erreur importante. Elle n’inclut pas un élément essentiel : la modification des modes de vie. En 2003, la superficie moyenne d’un appartement neuf tournait autour de 94 m², contre 76 m² actuellement. Je crois que l’ensemble des villes européennes se dirigent vers une hausse des prix et une diminution des surfaces. Cette tendance va faire la différence sur le marché.”

Le patron de Trevi ne nie pas qu’une hausse des taux rendra plus ardu l’accès à la propriété pour des ménages ne disposant pas d’un capital de départ. “Comme partout ailleurs, le marché locatif va prendre de l’ampleur, tandis que le marché acquisitif sera de plus en plus aux mains d’investisseurs institutionnels ou de machines d’investissement. Il ne faut pas oublier que l’immobilier sert à loger des gens. Et que les réserves foncières s’épuisent. Les prix du résidentiel vont continuer à grimper. D’ici 10 ans, ils auront encore pris 50 %. Et encore, si je suis pessimiste.”

Benoît Mathieu

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