Immobilier : la vache à lait se tarit

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Taxer les loyers réels. A la source de cette idée qui secoue les petits propriétaires depuis la fin de l’an dernier, il y a l’Europe. La Commission estime que notre système de taxation constitue une entrave à la libre circulation des capitaux en favorisant indûment l’investissement immobilier en Belgique. En effet, un propriétaire d’un immeuble belge est taxé sur la base du revenu cadastral. Mais s’il possède un immeuble à l’étranger, il doit déclarer les loyers réellement perçus. Deux poids, deux mesures.

Comment le (prochain) gouvernement réformera-t-il notre régime fiscal pour obéir à l’Europe, en sachant qu’aujourd’hui, seul le PS s’est déclaré en faveur d’une taxation des loyers réels perçus par les gros propriétaires ? Mystère. Mais certains petits propriétaires mettent en garde. Tel Francis M., de Liège, qui a écrit aux principaux partis francophones. “Deux m’ont répondu : le MR et le FDF, pour dire qu’ils s’opposaient à la taxation des loyers, dit-il. Mais ma décision est prise. Si l’on augmente l’imposition des immeubles mis en location, je n’hésiterai pas à vendre mon appartement.”

Ancien fonctionnaire, Francis aura 68 ans dans quelques semaines. Il a acheté voici presque six ans un appartement à rénover, “après avoir épargné toute ma vie en vue d’un complément de pension”, souligne-t-il. Il sort son dossier : en tenant compte des frais d’acquisition, des matériaux achetés pour la rénovation (qu’il a effectuée lui-même), et des travaux (nouvelles fenêtres, étanchéisation,…) qu’il a dû effectuer ensuite, son investissement représente 134.000 euros. La location a débuté le 1er mars 2009. Entre l’achat du bien et la fin de l’an dernier, il a perçu 38.136 euros de loyers bruts. Après soustraction du montant des charges et de l’amortissement des frais des travaux, le loyer net tombe à 22.046 euros. Soit un rendement annuel de 3 %. Or, Francis a payé au cours de cette période 9.590 euros d’impôts. “Le taux d’imposition annuel pour cet appartement est donc de 43 %. Un taux bien plus élevé que le taux d’imposition des autres investissements financiers qui sont au maximum de 25 %, et souvent bien moindres, voire de 0 % dans certains cas”, s’étonne le propriétaire liégeois.

Francis précise que dans son immeuble, la moitié des propriétaires louent, comme lui, à des tiers. Et il prévient : “Si le gouvernement venait à augmenter encore le taux d’imposition, je vendrais l’appartement dès que possible. Car si l’on ajoutait le loyer réel aux revenus professionnels, le taux d’imposition, augmenté des additionnels communaux, dépasserait largement les 50 %. Conséquence : le parc immobilier se dégraderait rapidement. Qui voudrait encore investir pour être taxé si lourdement ?”

Francis M. ne le dit pas, mais il pourrait ajouter un autre argument : en termes de succession, l’immobilier est lui aussi défavorisé. Les régions ont instauré, pour les donations de biens meubles, un tarif réduit (entre 3 et 7 % à Bruxelles, entre 3,3 et 7,7 % en Wallonie). Pour les immeubles, de telles mesures n’existent pas. Le tarif peut dès lors atteindre 70 voire 80 %.

Visiblement, les petits propriétaires ne sont pas prêts à accepter un alourdissement de la fiscalité.

Pierre-Henri Thomas

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