Di Antonio: “Le logement wallon a besoin d’un lifting”

Namur © Getty Images/iStockphoto

Le ministre de l’Aménagement du territoire, Carlo Di Antonio (CDH), veut réconcilier les villes et villages avec la densité. Pour enrayer l’artificialisation du sol wallon, “sans empiler les gens pour autant”.

Le gouvernement flamand veut mettre fin à la construction de nouvelles maisons sur des terrains libres en 2040. Et la Wallonie ?

Annoncer un ” stop au béton ” comme l’a fait la Flandre, je pourrais le faire aussi. Pour le moment, je ne pense pas qu’elle dispose d’un cadre légal plus dur que le nôtre. Si on veut faire en sorte que des terrains à bâtir ne soient pas bâtis, il faudrait les déclasser et dédommager les propriétaires, ce qui coûterait énormément d’argent. On pourrait aussi décider d’y ajouter des critères de construction très dissuasifs. Nous n’en sommes pas encore là en Wallonie. Mais à la lecture du Schéma de développement territorial, certains diront que c’est un stop au béton. Il affiche une volonté très claire de limiter l’urbanisation à 6 km2 par an sur l’ensemble de la Région d’ici à 2025 et d’y mettre fin en 2050.

Comment ?

Nous favorisons, via les textes légaux et des subsides, les projets visant à reconstruire la ville sur la ville. Ré-urbanisons les lieux de vie actuels pour essayer de les densifier, tout en étant raisonnables. Le but n’est pas d’empiler les gens. Les 14 projets retenus dans le cadre des Quartiers nouveaux représentent environ 10 000 logements supplémentaires en Wallonie. D’autres mesures ajoutent de la souplesse. C’est tout l’enjeu du Code de développement territorial, avec la création de zones d’enjeu communal. En une opération de dix-huit mois, une commune peut à présent gommer le plan de secteur existant dans un périmètre déterminé, pour l’affecter à du logement, du commerce. Il sera plus simple et plus rapide d’y délivrer des permis.

On n’en perçoit pas encore les effets…

C’est récent. Ce type de mesures figurera probablement dans les programmes électoraux en 2018. Densifier le bâti permet de le rénover, et inversement. Or, le gros problème du logement wallon, c’est précisément l’état des bâtiments au centre des villes et des villages. Ils auraient besoin d’un beau lifting. Il faut réinvestir dans le logement privé, essentiellement pour la rénovation ou la reconstruction.

Celui qui veut garder une maison quatre façades pourra toujours le faire, mais ça aura un coût

Et des incitants financiers ?

Je l’ai dit à Paul Furlan (NDLR : l’ex-ministre PS du Logement) des dizaines de fois : il faut donner un coup d’accélérateur à l’immobilier privé. Pour rénover, reconstruire, il manque un coup de pouce, un soutien bancaire. Au PS, la barrière était surtout idéologique : ils revenaient toujours avec les logements publics. Il en faut, mais l’un n’empêche pas l’autre. Je pense que l’on sera davantage dans cette logique avec ma nouvelle collègue MR, Valérie De Bue.

En revanche, une proposition du MR vise à assouplir la règle du comblement, qui permet de construire sur tout terrain situé entre deux maisons distantes de 100 mètres maximum. Un mauvais signal ?

Oui, je suis tout à fait contre. A ma demande et celle de mon parti, cette proposition ne figure pas dans notre accord de majorité. Elle consiste à élargir cette distance à 200 mètres, sur les deux côtés de voiries déjà équipées pour accueillir de nouvelles maisons. J’entends bien les préoccupations de certains mandataires locaux. Mais si on autorise cela, on assistera à la construction de maisons en bandeaux, le long d’une série de voiries. Dans certains endroits du Hainaut ou de Liège, il n’y aura presque plus de villages. En un coup de décret, on ajouterait 8 386 hectares constructibles en Wallonie, avec un effet d’aubaine indéniable pour les propriétaires de ces terrains-là. Ça va à l’encontre de la lutte contre l’étalement urbain.

Cette lutte est-elle compatible avec le défi démographique ? La Wallonie devrait compter 200 000 nouveaux ménages en 2035 et 300 000 de plus en 2050.

Je pense qu’on peut répondre à la moitié de l’objectif avec la rénovation et un meilleur agencement des espaces mal exploités aujourd’hui : les logements inoccupés, insalubres, les étages commerciaux, et même des lotissements en périphérie qui manquent de densité. A terme, certaines maisons quatre façades seront probablement remplacées par un front continu de logements, vu le prix des terrains, le coût énergétique et l’enjeu climatique. La pression démographique le justifiera également. Mais il faudra aussi construire, en poussant des projets innovants qui permettent de concentrer plusieurs centaines de logements sur quelques hectares. C’est la logique des Quartiers nouveaux. Tout comme celle qu’on préconise sur les sites à réaménager, où le Code de développement territorial a considérablement accéléré les procédures.

La génération actuelle sera-t-elle la dernière à pouvoir choisir librement son type d’habitat ?

Celui qui veut garder une maison quatre façades pourra toujours le faire, mais ça aura un coût. Evidemment, certains voudront toujours rester seuls au bout de leur chemin. Mais les mentalités évoluent.

Vous croyez ?

Il y a une tendance de fond, oui. D’autant que la composition des ménages est en train de changer. De plus en plus de gens vivent dans de petites configurations, seuls ou à deux. Il y a une évolution globale de la moyenne d’âge de la population et de la composition des structures familiales, plus petites. Aujourd’hui, les entrepreneurs nous disent qu’ils doivent construire beaucoup de logements avec une ou deux chambres. La densification est aussi liée à la demande naturelle des gens de vivre dans des espaces moins grands, moins énergivores.

Doit-on s’attendre à ce que les villes et villages de demain prennent de la hauteur, là où les bâtiments actuels ne comptent qu’un ou deux étages ?

Quand on parle de densification, beaucoup craignent de voir leur quartier passer de 100 à 300 habitants. Il y a un peu de ça, c’est vrai, mais la première réalisation d’une politique de densification consiste à réinvestir les bâtiments inoccupés et mal exploités, sans changer la vue du voisin. Rénover le bâti actuel répondra déjà à une bonne partie du problème.

Reste-t-il des obstacles ?

Une réalité m’interpelle dans la politique des sites à réaménager. Depuis quinze ans, la moitié d’entre eux n’ont toujours pas retrouvé une quelconque activité après leur assainissement via le plan Marshall ou les fonds européens. Ils sont propres, on a parfois déconstruit des bâtiments, et puis ils restent comme ça. En raison de freins administratifs, mais aussi à cause de conflits de propriété. C’est un problème qu’on a rencontré avec les Quartiers nouveaux. Souvent, des terrains sont bloqués après contestations entre les propriétaires. De là à faire valoir l’intérêt régional pour récupérer ces terrains-là… C’est un peu prématuré.

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