Déplacer son domicile fiscal, une bonne idée?

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Plusieurs communes de Belgique ne réclament pas de taxe communale à leurs habitants. Est-ce un argument suffisant pour y établir votre domicile?

Personne n’est dupe : dans l’espoir de réaliser une économie, le contribuable peut décider d’établir son domicile fiscal dans une commune n’appliquant pas de taxe communale additionnelle (ou une taxe réduite) tout en continuant de vivre en réalité à une autre adresse. Cette taxe, appliquée en sus de l’impôt des personnes, excède souvent 7 %. Or certaines communes appliquent une taxe moins élevée, voire aucune, comme les villes littorales de Knokke-Heist, Coxyde ou La Panne.

A noter que les provinces wallonnes réclament une taxe communale additionnelle plus élevée qu’en Flandre ou à Bruxelles. Dans le Hainaut, Liège, Namur et Luxembourg dépassent les 6 %. Dans le Brabant wallon, Waterloo est la commune la moins exigeante, car elle applique une taxe communale additionnelle de seulement 5,7 %. Dans le tableau, vous trouverez la liste des communes appliquant 5 % ou moins de taxe communale additionnelle. Tous les chiffres pour l’année d’imposition 2013 sont disponibles sur le site Internet du ministère des Finances, http://finances.belgium.be/fr/, sous l’onglet Particuliers, Déclaration d’impôt, puis Taxe communale.

Une substantielle économie dans certaines communes L’exemple suivant démontre que vivre dans une commune appliquant une taxe communale additionnelle raisonnable se traduit par une économie fiscale substantielle. Jean et Isabelle sont mariés et ils ont deux enfants. Le couple vit dans une commune bruxelloise appliquant 7,8 % de taxe communale additionnelle. Jean perçoit un salaire imposable annuel de 38.000 euros ; son épouse gagne 35.000 euros par an. En supposant qu’ils ne déduisent pas leurs frais professionnels — ils utilisent le système de forfait — et n’ont pas d’autres frais déductibles comme un crédit hypothécaire, Jean reverse 10.380,69 euros d’impôts sur les personnes physiques, Isabelle 10.109,69 euros (les calculs ont été effectués sur la base des données applicables pour l’année de revenus 2012). En plus des montants calculés de cette façon pour l’impôt des personnes, il convient donc de considérer la taxe communale additionnelle de 7,8 % : pour Jean, 809,69 euros et pour Isabelle, 788,56 euros. En déménageant dans une commune n’appliquant aucune taxe communale additionnelle, Jean et Isabelle économiseraient donc 1.598,25 euros par an. Mais il y a un mais… A plus forte raison pour les contribuables percevant un revenu imposable élevé, une taxe communale additionnelle plus légère peut se traduire par une économie d’impôts considérable. La tentation est dès lors grande d’acheter une maison dans une commune du littoral n’appliquant aucune taxe communale additionnelle et d’y établir son domicile. La station balnéaire de Knokke-Heist est un exemple parmi d’autres. Dans la pratique cependant, l’inscription au registre de la population ne reflète pas toujours la situation réelle. Le contribuable peut très bien vivre ailleurs et séjourner sporadiquement — le week-end et pendant les vacances — dans sa résidence de Knokke. Est-il aussi simple de modifier sa résidence fiscale et de flouer ainsi l’administration ? Le deuxième problème concerne le précompte immobilier plus élevé payé dans les communes qui appliquent une taxe communale additionnelle peu élevée. Domicile fiscal Pour savoir quel pourcentage de taxe communale additionnelle s’applique, l’administration s’enquiert d’abord de la commune dans laquelle vous aviez établi votre “domicile fiscal” au 1er janvier de l’année d’imposition. La commune qui peut prélever la taxe additionnelle à l’impôt des personnes physiques pour l’année de revenus 2013 est donc celle où vous aviez établi votre résidence fiscale au 1er janvier 2014. Le fisc doit identifier la commune où vous et votre famille résident effectivement pendant la plus grande partie de l’année. Ce n’est donc pas nécessairement l’endroit où votre domicile officiel est établi (c’est-à-dire la commune dans laquelle vous êtes inscrit au registre de la population). La commune dans laquelle vous êtes inscrit au registre de la population ne crée qu’une présomption de domicile fiscal, qui peut être réfutée s’il s’avère que vous vivez ailleurs en réalité. Le cas échéant, le fisc peut vous imposer dans la commune où vous résidez effectivement avec votre famille.

Pour le déterminer, il s’attardera sur les circonstances factuelles. Où les enfants sont-ils scolarisés ? Où faites-vous votre plein de carburant ? Où réside votre médecin de famille ? Où est située votre compagnie d’assurances ? Dans quel garage apportez-vous votre véhicule pour son entretien ? Dans quel supermarché vous rendez-vous pour vos achats quotidiens ? Quels restaurants fréquentez-vous ? De quelles associations êtes-vous membre ? Si vous souhaitez par exemple être redevable de la taxe communale à Knokke-Heist, vous devrez prouver que votre vie familiale et sociale se déroule principalement à Knokke et dans les environs.

A titre de preuve, vous pouvez par exemple présenter la carte client d’un magasin, des preuves d’achat de carburant, les factures de votre garagiste, etc. L’agent de quartier peut également intervenir en votre faveur. S’il déclare qu’il a établi que vous vivez effectivement dans la commune côtière (sur la base d’observations propres et/ou déclarations des voisins), le fisc en tiendra compte. L’endroit où le chef de ménage exerce sa profession constitue également une indication permettant de déterminer la résidence fiscale. Si vous travaillez à Bruxelles et êtes officiellement domicilié à Knokke, le fisc remettra indubitablement vos déclarations en doute.

Discussions fréquentes avec le fisc La résidence fiscale réelle du contribuable est souvent remise en question dans des dossiers qu’il appartient souvent au juge de trancher. Ainsi un arrêt intéressant a-t-il été rendu par la cour d’appel de Bruxelles. Le 10 février 2011, la cour a dû se prononcer par rapport à la situation d’un notaire dont le fisc avait jugé qu’il abusait de son domicile fiscal. L’étude du notaire était située dans une villa de Rhode-Saint-Genèse, où il résidait durant la semaine avec son épouse et ses deux enfants. Les enfants étaient scolarisés à Bruxelles. Pendant les vacances scolaires, les week-ends et les jours fériés, le notaire et sa famille vivaient à Knokke-Heist, plus particulièrement dans la maison où la mère du notaire était domiciliée. Cette dame, en sa qualité d’épouse survivante, disposait de l’usufruit de la maison, son fils le notaire en ayant la nue-propriété. Le notaire et tous les membres de sa famille étaient inscrits au registre de la population de Knokke-Heist. Selon le notaire, son domicile fiscal y était établi également. Le fisc ne l’a cependant pas entendu de cette oreille, estimant que la résidence effective du notaire et de sa famille était à Rhode-Saint-Genèse. Au lieu de 0 % de taxe communale additionnelle, le notaire devait donc s’acquitter de 6 % de taxe communale additionnelle.

En appel, la contestation a été tranchée par la cour d’appel de Bruxelles. Le juge s’est d’abord interrogé sur la commune où le notaire et sa famille entretenaient des liens sociaux. Dans les faits, il s’est avéré que la vie sociale du notaire se déroulait à la fois à Rhode-Saint-Genèse et à Knokke-Heist. Le juge a tenu ensuite compte du lieu où le notaire travaille. Il s’agit là indubitablement de Rhode-Saint-Genèse, où l’étude est établie. Le juge a donc donné raison au fisc : Rhode-Saint-Genèse pouvait appliquer la taxe communale additionnelle sur le revenu du notaire.

Attention au précompte immobilier Si vous acquérez une résidence secondaire dans l’espoir de tirer profit de la politique avantageuse de la commune en matière de taxe additionnelle, sachez que vous devrez également payer un précompte immobilier chaque année. Une part importante de ce précompte retourne à la province et à la commune où se situe le bien par application des centimes additionnels communaux et provinciaux sur le précompte immobilier.

Reprenons l’exemple de Jean et Isabelle. Imaginons qu’ils déménagent à Knokke et y achètent un bel appartement assorti d’un revenu cadastral (non indexé) de 2.000 euros. La commune de Knokke-Heist applique 1.900 centimes additionnels communaux sur le précompte immobilier. Concrètement, cela signifie que le précompte immobilier redevable annuellement s’élève à 1.803,22 euros. Jean et Anne se demanderont donc d’abord si l’avantage de la taxe communale additionnelle moins élevée n’est pas compensé par l’application de centimes additionnels communaux sur le précompte immobilier à Knokke-Heist par rapport à la commune où se situait précédemment leur maison ou appartement. Force est de constater que les communes appliquant une faible taxe communale additionnelle compensent souvent ce manque à gagner par le prélèvement de centimes additionnels communaux plus élevés sur le précompte immobilier. Lorsque l’on sait que le revenu cadastral sert de base de calcul au précompte immobilier (plus le revenu cadastral est élevé, plus le précompte immobilier l’est également), cet élément peut peser lourd dans le calcul final. Les revenus cadastraux de Knokke sont dès lors nettement plus élevés que dans les communes rurales.

Impôt sur les résidences secondaires Si vous déménagez dans une commune côtière appliquant une faible taxe communale additionnelle, vous devez également tenir compte du fait que les 10 communes du littoral belge retiennent un impôt sur les résidences secondaires. Il s’agit de montants forfaitaires redevables chaque année par les propriétaires d’une résidence secondaire à la côte. En 2013, quatre communes ont relevé leur impôt sur les résidences secondaires. Ostende a frappé fort en décrétant un impôt de pas moins de 1.000 euros par an, soit une augmentation de 53,85 %. Les trois autres communes sont Coxyde (entre 720 et 895 euros), Blankenberge (595 à 695 euros) et Knokke-Heist (700 euros). Tout porte à croire que d’autres communes côtières, en quête de nouvelles recettes fiscales, suivront leur exemple.

Pour justifier cet impôt, les communes côtières affirment que les propriétaires de résidences secondaires, de la même façon que les résidents, sollicitent les services locaux tels que les pompiers, la police, mais aussi les services culturels, et assistent aux événements organisés par la commune, notamment.

Evidemment, cet impôt ne fait pas l’unanimité parmi les propriétaires de résidences secondaires, comme en témoigne un récent arrêt de la cour d’appel de Gand (16 avril 2013). La cour a dû se prononcer par rapport à la contradiction supposée existant entre cet impôt prélevé par Coxyde et le principe constitutionnel d’égalité. La cour a estimé qu’effectivement, il n’y avait pas de raison objective de percevoir une taxe auprès des propriétaires de résidences secondaires et d’en dispenser les résidents de la commune. Concrètement, Coxyde ne pourra plus appliquer son règlement d’imposition sur les résidences secondaires.

Attention : la cour d’appel de Gand ne s’est prononcée que sur l’impôt sur les résidences secondaires de Coxyde, pas sur l’impôt appliqué dans d’autres communes.

Ce qu’il faut en retenir Les faits réels déterminent la commune habilitée à percevoir la taxe communale additionnelle à l’impôt sur les personnes. Il ne suffit donc pas d’être inscrit au registre de la population pour bénéficier d’une politique communale avantageuse en matière fiscale. Cette inscription ne crée qu’une présomption, qui peut être réfutée.

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