Crédits hypothécaires: taux bas et marges élevées

Les banques ont sensiblement relevé leurs marges bénéficiaires sur les crédits logement ces derniers mois. Pourtant, les clients ne se plaignent pas : les taux d’intérêt hypothécaires n’ont jamais été aussi bas.

Cent quatre-vingt-quatre mille contrats de crédit hypothécaire, pour un montant proche de 20 milliards d’euros, ont été conclus l’an passé dans notre pays. Le marché hypothécaire belge renoue de la sorte avec les niveaux d’avant la crise financière, le chiffre le plus élevé remontant à 2011, année où la nouvelle production a atteint 24,7 milliards d’euros ; là, les prêts verts et leur fiscalité avantageuse avaient pleinement démontré leur pouvoir de séduction.

Depuis la suppression, fin 2011, des avantages liés aux prêts verts (visant des travaux destinés à économiser l’énergie, etc.), le marché des crédits hypothécaires s’essouffle. Ce qui n’est pas pour déplaire aux organes de surveillance : cela fait un moment déjà que la Banque nationale s’inquiète de l’évolution du marché immobilier belge. Luc Coene, gouverneur de la BNB, faisait état il y a quelques années d’une surévaluation de 15 %, un chiffre qu’il confirme aujourd’hui. En cherchant à influencer la politique d’octroi de crédits des banques, l’institution espère organiser un atterrissage en douceur.

Cette politique semble actuellement porter ses fruits. Alors que les crédits logement en Belgique n’ont jamais été si bon marché, la demande recule. Au deuxième trimestre de cette année, 50.000 crédits hypothécaires, pour un montant total de 5,5 milliards d’euros, ont été souscrits. Soit une baisse de 8 % (en nombre de contrats) et de 3,2 % (en montant de l’encours) en glissement annuel, d’après les chiffres les plus récents de l’Union professionnelle du crédit.

Creux historique des taux A l’instar des taux en vigueur sur les marchés monétaires, en chute libre depuis le début de cette année, les taux d’intérêt hypothécaires ont atteint un creux historique. D’après le baromètre des taux publié par Immotheker, un crédit logement à taux fixe sur 20 ans tourne autour de 3,29 % en moyenne, soit le niveau le plus bas depuis longtemps (voir graphiques “Crédit hypothécaire : un taux historiquement bas”). Pourtant, selon Bart Van Craeynest, économiste en chef chez Petercam, le fond n’est sans doute pas encore atteint. “Les taux hypothécaires n’intègrent pas encore la dernière baisse sur les marchés monétaires”, constate-t-il.

Les banques n’en ont pas moins réussi à augmenter les marges bénéficiaires qu’elles s’octroient sur les crédits. Comment ? C’est simple : les taux d’intérêt payés par les clients diminuent certes, mais moins vite que la rémunération dont les banques elles-mêmes sont redevables sur les fonds qu’elles empruntent (aux épargnants, à la BCE ou au marché). Paul De Grauwe n’a pas hésité à dénoncer dans l’hebdomadaire Knack ce qu’il appelle des “pratiques de gangsters” ; il pointe du doigt l’insuffisance de concurrence entre les banques, qu’il soupçonne “de comploter” pour relever leurs marges bénéficiaires.

Que les banques semblent souvent avoir partie liée n’est sans doute pas faux mais dans ce contexte précis, il convient de nuancer les choses. Le secteur du crédit logement est le théâtre d’une concurrence acharnée, ce dont les candidats à l’achat et les futurs maîtres d’oeuvre ne se privent pas de profiter. “Par rapport aux pays étrangers, les marges bénéficiaires sur les crédits sont très peu élevées chez nous”, confirme Etienne de Callataÿ, économiste en chef à la Banque Degroof, une banque patrimoniale qui ne propose pas de crédits hypothécaires.

Patrick Claerhout

Retrouvez cette analyse complète dans le magazine Trends/Tendances de cette semaine.

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